Asie: Le rosé moins bien perçu que le rouge

Publié le 24 avril 2013 à  23h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h07

Le rosé peine à pénétrer le marché des pays émergents asiatiques. Un constat qui s’explique notamment par l’idée, ancrée chez les Asiatiques, qu’il s’agirait d’un vin de moins bonne qualité que le rouge.

Les 4èmes Rencontres internationales du Rosé, qui se tiennent dans l'hémicycle de l'Hôtel de Région à Marseille, ont permis de faire le point sur les caractéristiques des grands marchés mondiaux. (Photo S.P.)
Les 4èmes Rencontres internationales du Rosé, qui se tiennent dans l’hémicycle de l’Hôtel de Région à Marseille, ont permis de faire le point sur les caractéristiques des grands marchés mondiaux. (Photo S.P.)
A l’heure de poursuivre la conquête mondiale du rosé entamée il y a maintenant plus d’une décennie, il est primordial pour les professionnels d’avoir une vision précise de la demande planétaire. Les 4èmes Rencontres internationales du rosé ont ainsi consacré une partie de la matinée du mardi 23 avril à l’analyse des grands marchés mondiaux. Et l’Asie (pour les pays émergents) est sans conteste l’un des plus complexes à appréhender. Que ce soit en Chine, au Japon, en Corée du Sud, à Hong Kong, Singapour et Taïwan, « le vin a perdu son image de luxe », comme le souligne Chienhao Chen, professeur d’œnologie au National Kaohsiung University of Hospitality and Tourism et journaliste à Taïwan. Mais ce constat relève de grandes disparités entre ces pays émergents.
« Le marché le plus mûr » est le Japon où l’on recense « 47 millions de consommateurs réguliers de vin ». « La consommation annuelle moyenne est de 2,4 litres par personne pour 127 millions d’habitants. Elle a progressé de 1,7% depuis 2005. C’est le marché le plus stable, celui où il y a moins de consommation hors domicile. Le vin est un élément du repas en famille », observe Chienhao Chen. Autre marché très dynamique, Hong Kong, 5 litres de consommation annuelle moyenne par personne pour 7 millions d’habitants, où « la consommation a augmenté de 195% en volume et de 201% en valeur entre 2006 et 2011 suite à la suppression des taxes sur le vin ». Singapour, 2,2 litres consommés annuellement en moyenne par personne pour 4,6 millions d’habitants, est « le plus petit des marchés » mais pas le moins dynamique avec une consommation en progression de 1,8% depuis 2005. « C’est un pays où les langues sont l’anglais et le mandarin donc la population est bien informée », souligne le professeur d’œnologie.
La Chine est à l’inverse un marché gigantesque avec 1,3 litre de consommation annuelle par personne pour 1,344 milliard d’habitants. Si 88% du vin consommé est « produit en Chine, 12% étant importé », le pays a cependant importé « 17 millions d’hectolitres de vins en 2011 ». Un marché où la France est « en pole position » devant l’Australie en volume (34,98%) comme en valeur (51%).
Plus modeste, la Corée du Sud est un marché de 48,5 millions d’habitants où la consommation moyenne annuelle s’élève à 0,8 litre par personne. La croissance de la consommation y est modeste, +0,37% depuis 2005. « Mais avec la signature d’un agrément avec l’Union européenne en 2011 cela va augmenter », indique Chienhao Chien.
Une appellation mal protégée en Asie, des problèmes liés au transport et des déficiences dans le service
Reste enfin le cas particulier de la Taïwan où la consommation moyenne annuelle est de 0,9 litre par personne pour 23 millions d’habitants. « Jusqu’à 22 ans, je n’avais jamais goûté un verre de vin, se souvient le professeur d’œnologie taïwanais qui a découvert le vin lors d’un séjour en Suisse romande. Taïwan et la Turquie était les deux pays de la monopolisation entière : il n’y a qu’un seul fournisseur de la production à la commercialisation. Et le seul vin rosé que l’on trouvait était mélangé à du sucre : il n’était pas bon seul, il fallait le mélanger avec de la limonade. » Il a fallu attendre 2002 et l’entrée de Taïwan dans l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) pour que ce système prenne fin. Mais le développement du marché reste aujourd’hui pénalisé par les taxes importantes sur les vins.
Mais le dynamisme relatif des marchés asiatiques dissimulent les difficultés qu’éprouve le rosé à pénétrer ces pays émergents. Le « Rosé de Provence » n’y a ainsi représenté que 0,7% des importations de vins en 2012, seulement 0,3% au Japon. Et si en Chine, la tendance est à la hausse, 2 400 litres exportés en 2006 contre 32 000 litres en 2012, ce dernier chiffre demeure très modeste à l’échelle d’un pays de plus d’un milliard d’habitants.
Alors pourquoi les Asiatiques n’aiment pas le vin rosé ? « Ils disent que le vin rouge est meilleur pour la santé : c’est quelque chose d’ancrée dans la mentalité des Asiatiques. Ils pensent que le vin rosé est un vin dilué de vin rouge ou un mélange de vin rouge et vin blanc : il leur apparait donc de moins bonne qualité », souligne Chienhao Chen.
La deuxième explication tient à l’appellation « Rosé » qui « n’est pas bien protégée en Asie ». « Il existe encore beaucoup de rosés fabriqués sur le marché qui sont des mélanges d’alcool artificiel avec de l’eau. Cela détruit la réputation du rosé », observe le professeur d’œnologie.
La troisième difficulté est liée au transport du vin. « Pour aller en Asie, on passe deux fois l’équateur. La température monte parfois à 40 degrés durant le transport en bateau. On obtient au final une réelle différence entre deux vins qui ont transité dans un container et dans un transport climatisé : ce n’est pas bon pour la consommation du vin. »
L’ultime difficulté vient en enfin de la façon dont le vin est servi en Asie. « Le vin rouge est souvent trop chaud, les vins rosé et blanc souvent trop froid. »
Chienhao Chen estime cependant que le rosé a tous les atouts pour s’imposer en Asie. « Si on peut véhiculer l’image d’un rosé siroté un après-midi nonchalant à Saint-Tropez, aucun Chinois ne résistera au vin rosé qui porte en lui des valeurs de convivialité. »
Serge PAYRAU

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