Bilan 2013 de l’autorité de sûreté nucléaire en Paca, Languedoc-Roussillon et la Corse

Publié le 27 mai 2014 à  23h46 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h51

Anne-France Didier, déléguée territoriale de Marseille de l'Autorité de sûreté nucléaire et Laurent Deproit, chef de division au sein de cette même structure (Photo Philippe Maillé)
Anne-France Didier, déléguée territoriale de Marseille de l’Autorité de sûreté nucléaire et Laurent Deproit, chef de division au sein de cette même structure (Photo Philippe Maillé)
Sur la base des 237 inspections réalisées en 2013, l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN) considère que le niveau de sûreté et de radioprotection dans les régions Paca, Languedoc-Roussillon et Corse reste globalement assez satisfaisant. L’ASN souligne toutefois qu’elle a été amenée à rappeler l’importance d’une bonne prise en compte des enjeux de l’assainissement et du démantèlement dans la sûreté des installations nucléaires ; demander de renforcer significativement la surveillance des intervenants extérieurs présents sur les installations nucléaires; poursuivre ses actions de contrôle sur l’imagerie médicale face à l’augmentation des doses délivrées aux patients; renforcer sa vigilance sur le vieillissement d’équipements dans les services de médecine nucléaire. Telles sont les données qui ressortent de la conférence de presse donnée à Marseille, ce mardi 27 mai, par Anne-France Didier, déléguée territoriale de Marseille de l’Autorité et Laurent Deproit, chef de division au sein de cette même structure.
Précisons que l’ASN, autorité administrative indépendante, assure au nom de l’État, le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection en France pour protéger les travailleurs, les patients, le public et l’environnement des risques liés aux activités nucléaires. Elle contribue également à l’information des citoyens.

Niveau de sûreté globalement satisfaisant au CEA Cadarache

Inspection de l'ASN à Cadarache (Photo D.R)
Inspection de l’ASN à Cadarache (Photo D.R)

En ce qui concerne le CEA Cadarache, si l’ASN considère que le niveau de sûreté reste globalement satisfaisant sur le centre, elle souligne qu’«elle a dû faire usage de son pouvoir de coercition à plusieurs reprises en 2013 pour faire respecter certaines exigences de sûreté».
La direction du Centre a maintenu une bonne implication dans la sûreté et dans les vérifications internes. Elle doit toutefois poursuivre ses efforts dans la surveillance des intervenants extérieurs. À la suite de dysfonctionnements organisationnels sérieux dans des installations, l’ASN a mis en demeure le CEA en février 2013 de renforcer significativement la surveillance d’Areva NC et la gestion des compétences importantes pour assurer la sûreté de ces installations en démantèlement. De nouveaux contrôles de l’ASN en fin d’année ont montré que le CEA a dans l’ensemble répondu de façon satisfaisante à cette décision.

« Le CEA s’est investi dans le retour d’expérience de l’accident de Fukushima »

L’ASN estime que le CEA doit poursuivre ses efforts dans la gestion des contrôles et essais périodiques ainsi qu’en ce qui concerne les équipements sous pression.
Et souligne que le CEA s’est investi dans le retour d’expérience de l’accident de
Fukushima et a répondu aux premières prescriptions de l’Autorité sur ce sujet
.
L’évacuation des combustibles entreposés dans l’installation Masurca, dont la tenue au
séisme a été jugée insuffisante, a débuté en avril 2013.
L’Autorité va également édicter en 2014 des prescriptions imposant au CEA l’évacuation d’une partie significative des combustibles entreposés dans les réacteurs Éole et Minerve.
Si l’organisation de la radioprotection des travailleurs est jugée globalement robuste, la
réalisation des prévisionnels dosimétriques et la gestion de la dosimétrie aux extrémités
doivent être améliorées.
Les inspections sur le chantier de construction du réacteur Jules Horowitz, dont
l’organisation et le suivi sont jugés rigoureux, vont se poursuivre. En revanche l’ASN constate des retards persistants dans l’assainissement des installations anciennes.
En raison de l’allongement notable de la durée des opérations de démantèlement de l’atelier ATUE, l’Autorité a mis en demeure, le CEA en juin 2013, d’achever le démantèlement de cette installation. L’Autorité est également dans l’attente de la mise à jour du plan de démantèlement de l’installation Rapsodie.
L’ASN a relevé plusieurs dysfonctionnements dans la gestion des effluents liquides et gazeux, qui devront faire l’objet d’un plan d’action global. L’exploitant a remis en mai 2014 un dossier de modification à cet effet.
Enfin, dans le domaine des transports, l’ASN attend des progrès du CEA en matière de management de la sûreté, en particulier en ce qui concerne la surveillance des prestataires chargés d’opérations de transport. Elle a demandé au CEA de développer une vision d’ensemble de la sous-traitance des opérations de transport menées sur le centre de Cadarache.
En ce qui concerne Iter, une décision de l’ASN, fixant notamment des prescriptions sur la conception et la construction de l’installation, a été prise le 12 novembre 2013, en application du décret d’autorisation de création paru le 9 novembre 2012.
Après examen de l’évaluation complémentaire de sûreté post-Fukushima d’ITER en juillet 2013, l’exploitant s’est notamment engagé à compléter la liste des équipements essentiels de prévention en cas de séisme extrême.

« L’ASN considère que l’organisation mise en place par ITER est globalement satisfaisante à ce stade »

En ce qui concerne le chantier de construction, les travaux de génie civil se sont poursuivis avec le début de la réalisation du radier supérieur du complexe Tokamak : mise en place du coffrage, pose des premiers ferraillages et réalisation d’une maquette de test des bétons. L’ASN considère que l’organisation mise en place par ITER est globalement satisfaisante à ce stade, même si des améliorations sont encore attendues dans la surveillance de la chaîne de sous traitance pour veiller au bon traitement des non-conformités. L’exploitant devra être vigilant sur la surveillance des intervenants extérieurs, dont le nombre devrait significativement augmenter dans les mois à venir.
L’ASN a réalisé en décembre 2013 la première inspection d’ITER à l’étranger, dans l’usine d’un industriel italien chargé de la fabrication d’une partie de l’enceinte à vide à Monfalcone. Elle considère que «l’exploitant doit multiplier ses efforts pour maîtriser l’ensemble de la chaîne de sous-traitance et veiller à la déclinaison des exigences de sûreté à tous les niveaux de cette chaîne. Une attention particulière devra également être portée au développement d’une culture de sûreté commune et à l’appropriation par tous les intervenants de la réglementation française».
Du 10 au 14 juin 2013, les inspecteurs de l’ASN et l’Autorité de sûreté nucléaire de défense (ASND) ont mené conjointement une inspection approfondie destinée à passer en revue la gestion des déchets et des effluents sur les installations nucléaires de base civiles (INB) et de défense (INBS) de la plateforme de Marcoule. Cette opération de contrôle représente l’équivalent de 14 inspections courantes. Elle a mobilisé 14 inspecteurs de l’ASN, 4 inspecteurs de l’ASND et 9 agents de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). L’objectif de cette opération d’ampleur était d’obtenir une vision transverse des modalités de gestion des déchets et effluents mises en œuvre par les exploitants de la plateforme (CEA, AREVA, SOCODEI). Les transferts des déchets entre les différentes installations étaient également concernés par cette inspection. L’ASN et l’ASND de souligner: «La transparence dont ont fait preuve les exploitants de la plateforme de Marcoule lors des opérations de contrôle».

« MELOX met en œuvre de bonnes pratiques dans le suivi de ses engagements »

L’ASN considère que MELOX, également sur le site de Marcoule, met en œuvre de bonnes pratiques dans le suivi de ses engagements, que ceux-ci relèvent du traitement des événements significatifs ou des écarts, des réponses apportées aux inspections ou des modifications mises en œuvre après instruction de l’ASN. Toutefois et à plusieurs reprises, l’exploitant a dû être relancé sur la qualité de ses réponses à inspections ou de ses analyses sur les événements rencontrés en exploitation.
L’ASN a relevé des progrès dans la prise en compte des enjeux de criticité et de surveillance des intervenants extérieurs dans l’usine MELOX. Néanmoins, l’Autorité maintiendra sa vigilance sur ces questions.
A propos du centre CEA de Marcoule, L’ASN considère que le management de la sûreté est globalement satisfaisant au niveau du centre. À la suite de l’inspection de revue sur la gestion des déchets et des effluents, menée en 2013 avec l’ASND, les Autorités considèrent que le CEA doit progresser dans la surveillance des intervenants extérieurs et de la société AREVA NC en priorité. Les chantiers de reprise et d’évacuation des déchets historiques, qui sont présents en quantités significatives, représentent également un enjeu central pour le CEA qui le restera dans les années à venir.

Radiodiagnostic médical et dentaire

En matière de radiodiagnostic médical et dentaire, les scanners contribuant largement à l’augmentation des doses dans l’imagerie médicale, l’ASN a renforcé ses actions de contrôle dans ce domaine. Lesquelles confirment que l’optimisation des doses délivrées doit s’intensifier au travers de l’élaboration de protocoles adaptés à la spécificité de certains actes, à la morphologie des patients et de l’implication des radiophysiciens qui reste insuffisante dans les services, même si la radioprotection des patients et des travailleurs y est globalement bien appréhendée.
L’ASN note de façon positive que la culture de la déclaration des événements se développe. Elle a autorisé en 2013 l’utilisation d’une installation de scanographie en téléradiologie sur le territoire de Lodève qui permet au médecin en contact direct avec le patient (praticien de proximité, urgentiste, etc.), de disposer de l’avis d’un médecin radiologue situé à distance du lieu de réalisation de l’examen radiologique. Ce fonctionnement sous téléradiologie a, dans un premier temps, été limité à 18 mois afin de permettre à l’ASN de disposer d’un bilan sur la manière dont l’activité de téléradiologie aura été mise en œuvre pendant cette période.

La radiologie interventionnelle n’a pas échappé au contrôle de l’ASN

La radiologie interventionnelle n’a pas échappé au contrôle de l’ASN. Cette dernière considère que «des efforts restent à réaliser dans le milieu du bloc opératoire où il est constaté un manque de culture de radioprotection». Si elle note que l’écart avec les salles dédiées s’est réduit en 2013 sur le thème de la radioprotection des travailleurs, cela n’est pas le cas pour la radioprotection des patients, qui reste à développer de façon majeure.
Ces lacunes dans la prise en compte de la radioprotection des patients résultent d’une insuffisance de formation et de qualification des personnels utilisant les appareils qui génèrent des rayonnements ionisants leur permettant d’optimiser les doses combinée à une insuffisance en matière de ressources en radiophysique médicale.
Des progrès sont attendus dans le suivi dosimétrique des professionnels de santé, notamment pour l’exposition des mains, ainsi que dans l’utilisation des équipements de protection. Les moyens alloués aux personnes compétentes en radioprotection sont souvent jugés insuffisants par les inspecteurs.
L’année 2013 a également été marquée par plusieurs incidents de surexposition liés à des procédures particulièrement longues et complexes, occasionnant une exposition prolongée du patient et des travailleurs. En particulier, l’ASN a classé au niveau 2 de l’échelle INES le dépassement d’une limite de dose annuelle pour un professionnel de santé de l’hôpital Saint-Éloi (CHRU de Montpellier).

L’année 2013 a été marquée par une augmentation des déclarations liées au vieillissement d’équipements dans certains services. À la suite de plusieurs manquements du service de médecine nucléaire de l’hôpital de la Timone de Marseille, l’ASN a reclassé deux événements relatifs à la gestion des effluents radioactifs dans ce service au niveau 1 de l’échelle INES. Si ces événements, déclarés en juin et juillet par l’établissement hospitalier, n’ont pas eu de conséquence pour la santé ni pour l’environnement, l’Autorité considère toutefois qu’ils mettent en évidence des problèmes importants de conception et d’aménagement du service de médecine nucléaire. L’ASN considère que l’AP-HM doit accorder une plus grande attention à la radioprotection. En l’absence d’engagements concrets sur le projet de relocalisation du service de médecine nucléaire, l’Autorité pourrait être amenée à reconsidérer la poursuite de l’activité du service.

« La prévention des risques a globalement continué de progresser dans le domaine de la radiothérapie »

L’ASN considère que la prévention des risques a globalement continué de progresser dans le domaine de la radiothérapie. La mise en place de systèmes de management de la qualité et de la sécurité des soins est maintenant considérée comme globalement satisfaisante et les efforts doivent surtout porter sur l’achèvement des analyses a priori des risques.
De même la radioprotection en médecine nucléaire est globalement correctement appréhendée et note que la culture de la déclaration et de l’analyse des dysfonctionnements internes se développe. Des progrès sont toutefois attendus dans la gestion des déchets et effluents radioactifs, en matière de radioprotection des professionnels de santé, ainsi que sur les contrôles internes de radioprotection.
Il est à noter que l’ASN a organisé à Marseille le 21 juin la première journée interrégionale de sensibilisation des professionnels de santé sur les enjeux de la radioprotection des patients, des travailleurs et de l’environnement en médecine nucléaire ainsi que sur leurs obligations en matière de transport de substances radioactifs. Les actes de cette journée sont disponibles sur ASN. L’Autorité considère que cette démarche de partage d’expériences et de bonnes pratiques entre professionnels permet de faire progresser les acteurs de la radioprotection dans le nucléaire de proximité.
La radiographie industrielle reste une priorité forte pour l’ASN, avec des inspections inopinées de nuit, sur chantier, reconduites chaque année.
À la suite de l’incident d’irradiation dû au blocage d’une source de gammagraphie survenu en juin 2012 dans une raffinerie de Fos-sur-Mer, l’ASN note que la société APPLUS n’a pas mené une démarche de retour d’expérience suffisante et a mis en demeure APPLUS le 27 février 2014 de réaliser l’expertise de l’équipement concerné.
Enfin l’ASN a constaté ces dernières années des progrès dans la gestion des sources radioactives au sein des universités inspectées. Elle considère toutefois que les acteurs doivent encore progresser en matière d’anticipation et de mobilisation dans la durée sur les sujets liés à la radioprotection ainsi qu’à la gestion et l’élimination des déchets radioactifs, en particulier des déchets historiques. L’ASN mènera en 2014 une inspection de revue en radioprotection dans le domaine des laboratoires de recherche.
Jean EYGUESIER

Chiffres clés 2013 de l’ASN

-478 agents dont près de la moitié dans les 11 divisions territoriales;
-280 inspecteurs répartis dans les divisions territoriales et les directions ;
-81% des cadres, essentiellement issus des corps scientifiques de la fonction publique de l’État (ingénieurs, pharmaciens, etc.) ou mis à disposition par des établissements publics (IRSN ou CEA)
-Environ 160 millions d’euros de budget total dont 84 consacrés à l’expertise.
-Plus de 910 inspections par an dans les installations nucléaires et le transport des matières radioactives.
-Plus de 1 220 inspections par an dans les secteurs médical, industriel et de la recherche.
-Plus de 12 600 lettres de suite d’inspection publiées sur le site internet ASN

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