Laurent Saint-Gérard, l’humoriste-humaniste fait son show jusqu’au 4 octobre à la Fontaine d’Argent à Aix

Publié le 29 septembre 2015 à  22h45 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  20h06

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Il entre en scène comme si de rien n’était, accompagné d’une voix off chargée de présenter, sans insister vraiment, sa personnalité d’apparence plutôt lisse. Son sourire bon enfant, son air de quidam, sa silhouette longiligne (lui se définit comme maigre), ses propos plutôt bonhommes sur ses rapports compliqués avec sa mère, autant d’éléments convergents qui laissent à penser que, bien calés dans les banquettes rouges de la Fontaine d’Argent d’Aix-en-Provence, nous allons passer une soirée plutôt joyeuse mais tranquille, et que l’on va s’amuser façon dilettante. On aurait dû nous prévenir que ce périple humoristique allait décoiffer «sévère» et que durant une heure trente le tangage des zygomatiques serait permanent…et que nos côtes s’en trouveraient malmenées. On ne l’a pas fait et c’est tant mieux, car cela aurait amputé notre bonheur et atténué notre immense et heureuse surprise. Acteur né, aussi bien au théâtre qu’au cinéma où il peut s’exprimer dans des rôles dramatiques en vous tirant les larmes, et imposer son côté loufoque en tant que complice de Dany Boon dans le film «Supercondriaque», Laurent Saint-Gérard s’impose malgré son aspect malingre, «c’est un faux maigre» dirait Audiard, comme un athlète du spectacle. Comme un génial embrouilleur de première ! Car lui aussi ne nous a rien dit de ce qu’on allait entendre et voir. Changeant de costumes toutes les cinq minutes, courant d’un personnage à l’autre avec une énergie jamais prise en défaut, ne s’essoufflant jamais, il dessine une sorte d’autoportrait de déjanté au cœur tendre, soucieux des autres plus que de lui-même, humoriste-humaniste préoccupé du sort de la planète qui nous parle aussi bien des mœurs du bonobo que de l’ostracisme développé dans certains milieux bourgeois conservateurs. Au centre de ce kaléidoscope une mère (la sienne !) improbable et excentrique, désabusée et revancharde, peu aimante et pas du tout aimée, vraie teigne et fausse vertueuse, éructant, vociférant, illustrant parfaitement le «famille je vous hais» d’André Gide. Laurent Saint-Gérard l’interprétant avec un tel génie du mimétisme que l’on finit par oublier que cette toquée improbable n’est pas là sous nos yeux. Et que dire du prof de sport louchant, de l’agent de sécurité traînant un chien d’attaque, de ce coiffeur passablement maniéré ou de cette bourgeoise insupportable de suffisance que l’acteur rend plus vraie que nature ? Qu’ils sont la preuve par le mot et le geste du talent d’écriture et de transformation d’un Laurent Saint-Gérard, lucide sur ses défauts et ceux de ses semblables, qui s’amuse de nos travers sans ménagement mais sans méchanceté aucune. Vrais paumés et faux branques, ils sont tous là, désemparés devant la violence d’un monde égotiste qui les a rendus égoïstes, fragiles, et très seuls. Mettant son cœur à nu, se déboutonnant en public, à tous les sens du terme, Laurent Saint-Gérard offrira une surprise en fin de spectacle assez culottée… et c’est le spectateur qui prend ici une déculottée de dingueries en tout genres. Entre le cartoon, le cirque, le théâtre à costumes, le on man show, le stand-up, et le show façon paillettes, voilà un spectacle inclassable, indéfinissable. On aura compris que tout ceci est absolument gigantesque de présence, de force visuelle, d’inventivité stylistique, et de profondeur morale. Le spectacle d’un honnête homme en somme….
Jean-Rémi BARLAND

A la Fontaine d’Argent d’Aix jusqu’au 4 octobre à 21h. Le samedi 3 octobre à 19h15 et 21h, le dimanche 4 octobre à 17h30. Réservations au 04 42 38 43 80. Plus d’info et réservations lafontainedargent.com

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