Marseille-Provence 2013 : Méditerranée une histoire à partager

Publié le 4 décembre 2013 à  18h45 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h03

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Et si Marseille Provence 2013, parmi ses très belles réalisations, offrait avec l’ouvrage « Méditerranée, une histoire à partager » sa plus belle promesse. Promesse oui, car ce travail unique, qui a donné lieu à un manuel et une plateforme numérique qui s’adresse en premier lieu aux enseignants et aux formateurs, ne prendra tout son sens que s’il est utilisé.

Ce 3 décembre, à la Villa Méditerranée, il a été question des besoins auxquels répondait cet ouvrage, à son élaboration, à l’ambition d’enseigner l’histoire à trois échelles : nationale, méditerranéenne et mondiale.

Jacques Huntzinger, ancien ambassadeur de France rappelle : « Cet ouvrage est destiné aux enseignants et à tous ceux qui contribuent à l’écriture des manuels afin de toucher à travers eux les élèves ». L’ouvrage est composé de cinq chapitres, de la préhistoire aux printemps arabes. Il comprend pour chaque chapitre une mise au point historique et des études de cas choisies de façon à respecter l’équilibre géographique entre rives nord, sud, orientale et occidentale. Les études sont structurées autour d’un texte introductif qui présente la problématique et le contexte historique et d’un corpus de documents qui peuvent être de différents types. Par le récit, le document et la carte, les quinze auteurs retracent la naissance d’une entité historique spécifique au travers d’une série de tensions et d’échanges, de repli et d’ouverture, de tradition et de modernité.

« Lutter contre l’ignorance est ce qui permet de faire reculer les stéréotypes et les rejets »

« L’édition française a maintenant 3 semaines, l’édition arabe sortira en 2014 et des discussions sont en cours pour des éditions allemande et italienne ». Et, sur la plateforme, des textes en arabe sont dès à présent disponibles. Mostafa Hassani-Idrissi, coordinateur scientifique du projet, indique : « L’histoire méditerranéenne telle qu’elle est enseignée, de façon parcellaire, partiale, dans nos pays, ne permet pas de prendre en compte la complexité de la Méditerranée, complexité que nous voulons faire saisir. » Et d’insister : « Lutter contre l’ignorance est ce qui permet de faire reculer les stéréotypes et les rejets ».

Luigi Cajani est l’un des coauteurs de l’ouvrage : « Une des questions qui a animé la décision de faire ce manuel réside dans le fait que partout l’histoire est enseigné de façon partielle et ethnocentriste avec une sélection des contenus qui n’est pas acceptable sur un plan scientifique. De plus, la Méditerranée jusqu’à l’époque moderne n’a pas été séparée de l’Afrique, l’Asie et l’Europe. Plus tard, le contexte s’élargit au monde entier ».
Puis d’expliquer : « Déjà, après la Première guerre mondiale, des historiens se sont demandés s’il était possible de dépasser une vision nationaliste de l’histoire par un dialogue entre professeurs français et allemands et, ainsi, désarmer l’enseignement de l’histoire ». Mais, une autre question s’est posée : « Est-ce que désarmer les manuels sert à construire la paix ? La question s’est posée après la deuxième guerre mondiale. L’Unesco avait pour projet d’histoire pacifiste en occultant la dimension politique. Mais dans le passé on peut trouver tout pour justifier n’importe quoi dans le présent. Alors, c’est dans une autre direction qu’il faut chercher, dans une approche non biaisée et seul, le développement de la pensée critique est à même de lutter contre les fanatismes ».
Puis de signifier qu’il ne peut plus être question de choc des civilisations : « Car il n’y a plus de civilisations, à savoir de systèmes homogènes de valeurs ».

« J’ai découvert la Méditerranée en travaillant sur une histoire du Liban »

Fawwaz Traboulsi est écrivain et historien libanais, il raconte : « J’ai découvert la Méditerranée en travaillant sur une histoire du Liban. La rive syrio-libanaise a été, en effet, la première à développer des relations économiques avec le Nord ». Puis d’en venir à la complexité d’écrire une histoire unifiée du Liban : « Cet ouvrage a été écrit en 3 ans. Des historiens libanais, appartenant aux 6 confessions du Liban, n’ont pas encore produit une histoire unifiée et je ne suis pas sûr qu’ils y parviennent. D’autant que la guerre du Liban est aussi une guerre pour s’approprier l’histoire. Je pense que les Libanais doivent se réconcilier avec leur histoire et pas seulement avec eux-mêmes ».

Tatiana Milko est chef de l’unité de l’enseignement de l’histoire au Conseil de l’Europe. Pour elle : « C’est un moment historique que nous vivons avec le lancement de cette publication ». Elle signale : « L’Europe a participé aux premières réunions, les débuts ont été très difficiles. Mais c’est vrai qu’il est très facile de respecter les gens qui habitent loin de nous, alors qu’il est parfois impossible de mesurer que nous partageons quelque chose en commun avec notre voisin. Alors, ce travail d’histoire, révélant toute la complexité des situations s’impose car, si nous voulons partager le futur nous devons partager le passé ».

« La publication de ce manuel n’est pas une fin mais le début de l’aventure »

Pour elle, la publication de ce manuel « n’est pas une fin mais le début de l’aventure car, maintenant, il faut que dans chaque pays les enseignants prennent l’initiative de l’utiliser ».
Rainer Riemenschneider a travaillé à l’élaboration du manuel franco-allemand. Il expose : « Ce manuel répond à une revendication des parlements des jeunes français et allemands à l’occasion du 40e anniversaire du Traité de l’Elysée. Une belle idée, une aventure redoutable. 80% de l’histoire enseignée est commune, le problème se posait donc sur les 20% restants. Au lieu de gommer les différences nous avons décidé de les exprimer. Et c’est là que réside la plus-value de notre ouvrage, il permet aux jeunes d’un pays de comprendre comment l’appréhendent les jeunes d’un autre pays. De plus, il permet d’en apprendre un peu plus sur l’histoire du voisin ».
La table ronde permet de découvrir que différentes expériences existent sur la rive sud, de rencontre, de déconstruction/reconstruction visant à faire prendre conscience de la complexité de l’histoire. En revanche, Mustapha Assani-Idrissi se fait l’écho d’un projet qui n’a pas encore pu voir le jour : une histoire du Maghreb sans frontières.

Michel CAIRE

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