Monseigneur Pontier, Archevêque de Marseille: «On casse la société en y instillant de la peur alors qu’il faut se faire proche les uns des autres»

Publié le 24 décembre 2014 à  16h38 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h32

Monseigneur Pontier, Archevêque de Marseille, président de la Conférence des évêques de France revient sur le sens qu’il donne à la fête de Noël, sur la responsabilité que donne aux catholiques la notoriété du Pape François et les raisons de cette dernière.

Monseigneur pontier, Archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France (Photo Philippe Maillé)
Monseigneur pontier, Archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France (Photo Philippe Maillé)

Destimed : Le Pape François séduirait 9 français sur 10. Selon vous quelles sont les raisons d’une telle notoriété?
Monseigneur Pontier : Je crois que ce qui séduit c’est l’homme. C’est le visage d’un homme qui n’est pas figé et sa grande attention aux plus pauvres, à ceux qui sont en difficultés, qui sont blessés dans leur vie. Sa simplicité touche, tout comme sa vie, simple.Tout le monde peut mesurer qu’il ne tire aucune fierté de sa responsabilité et il parle de telle façon qu’il peut être compris par tous. Mieux, au-delà des mots, il communique avec des gestes comme lorsqu’il est avec des enfants. Je pense que ses origines argentines, dans une société marquée par la dictature, la pauvreté, la souffrance, sur un continent où les Églises ont parfois pris des positions liées au pouvoir, ont façonné sa personnalité, son comportement ouvert, généreux, empli de compassion. Et je dois dire qu’il est agréable de le rencontrer. C’est un homme qui arrive à pied de chez lui, boit le café avec vous. Il ne met pas de distance.

Quelle responsabilité implique pour les catholiques, cette notoriété, cette sympathie?
Il nous amène à un catholicisme qui unit les dimensions mystique et sociale. Il ne s’agit pas, avec lui, de simplement parler mais de vivre ce que nous disons, d’être pauvre parmi les pauvres. Il nous oblige à une relecture de nos vies, des dérives que nous pouvons connaître. Et puis, il nous conduit à un compagnonnage avec l’humanité et non à un regard extérieur qui juge. Nous devons partir des personnes pour aller vers l’idéal et non l’inverse. Tu en es là ? Très bien, faisons un pas ensemble. Il nous engage au dialogue, au respect, à bâtir une société généreuse, attentive. Et cela est beau et parle à beaucoup de monde.

L’arrivée du Pape François n’a t-elle pas redonnée une grande importance à la diplomatie vaticane ?
Le Pape a une vraie force de conviction. Et, de plus, il a le soucis de se rendre sur les lieux de rupture et l’art de commencer par les endroits inattendus. Personne ne l’attendait en Albanie, à Lampedusa. Il ne cherche pas les applaudissements. A Lampedusa, il est venu pour dire que la Méditerranée ne doit pas être un cimetière. Lorsqu’il s’exprime ainsi comment ignorer qu’il est lui-même un fils d’immigré italien? On connaît aussi son action en faveur de la Paix entre Israël et la Palestine avec notamment la réception de Mamoud Abbas, le président palestinien et de Shimon Peres, le président israélien, le dimanche 8 juin au Vatican, pour un temps de prière commune pour la paix. Le Pape François avait lancé l’invitation lors de sa visite en Terre sainte, le 25 mai. Il y a eu aussi son voyage en Turquie; son action en faveur du rapprochement entre les États-Unis et Cuba. Il pose des actes provocateurs au bon sens du terme. Et si cela a un impact en matière de diplomatie c’est sans doute parce que cela entre en résonance dans le cœur des gens, parce qu’ils mesurent qu’ils sont face à quelqu’un qui est en empathie avec l’humanité et non dans la condamnation. Il relie les drames de l’humanité comme Jean-Paul II l’avait fait en son temps face au bloc communiste. Et son action spirituelle avait contribué à la chute du Mur, François va là où se trouvent les fractures humaines.

Archevêque de Marseille, vous devez être particulièrement sensible au discours du Pape sur la Méditerranée ?
Effectivement. Nous sommes là devant un discours sur la Méditerranée que je qualifierais de raisonnable. Il n’est pas dans la violence, dans le rejet. Il explique que ce n’est pas en humiliant l’Autre que tu arrives à la Paix mais dans la compréhension, le dialogue, le respect. A propos du Moyen-Orient, il évoque la citoyenneté qui est un concept clé. C’est la transcription politique de l’idéal de respect l’Autre. Il invite la communauté chrétienne à vivre dans une société plurielle. C’est dans la vie, ensemble, qu’il faut trouver les chemins de la Paix.

On parle de la venue du Pape en France en 2015 et peut-être même à Marseille. Qu’en est-il ?
Il faut savoir que l’annonce d’un voyage du Pape se fait au minimum six mois avant celui-ci. Nous savons donc qu’il viendra en France, fin 2015 ou début 2016. Il dit vouloir se rendre dans une ville où aucun Pape ne s’est rendu jusque là, ce qui est le cas de Marseille… comme de beaucoup d’autres villes. Ceci dit, ce serait merveilleux qu’il vienne dans la cité phocéenne.

Monseigneur, quel message souhaitez-vous lancer à l’occasion de Noël ?
Il y le message aux catholiques et l’autre à l’ensemble de la population, les deux se rejoignant. Aux catholiques, je dirais qu’il est inouï que Dieu puisse se faire proche, se faire un de nous, fragile, connaissant nos problèmes. C’est un grand message d’espoir : ce monde naît du cœur d’un Dieu bon. Le message de Noël, c’est la rencontre. C’est Dieu qui vient vivre avec. Cela nous impose aussi de changer. Et là, mon propos s’adresse à tous. Nous ne sommes pas assez bons, nos société manquent de bonté, de générosité, de solidarité, de fraternité. Nous assistons à un repli sur soi qui est suicidaire. On casse la société en y instillant de la peur alors qu’il faut se faire proche les uns des autres. Toutes les expériences le prouvent, lorsque l’on commence à se connaître, on guérit nos peurs, nos préjugés. Il faut réussir à vivre avec des croyances différentes, des athées. La réalité c’est cela. Et chacun amène sa part. Et, nous catholiques, pouvons apporter le concept de fraternité humaine. Il est écrit sur le fronton de nos monuments publics avec liberté et égalité. Mais la fraternité ne se décrète pas, elle est pourtant fondamentale, sans elle, il manque un liant. Elle relève d’un choix personnel qui passe par un engagement qui l’est tout autant. Sans elle, la liberté, si essentielle, peut conduire à l’égoïsme, à faire ce que l’on veut, quand on veut, au mépris de l’Autre, c’est la dérive de l’individualisme qui met à mal une société. De même, l’égalité, poussée à son bout conduit à une négation de l’individu, de la diversité, de la liberté. Là aussi on connaît les échecs où a conduit l’égalitarisme. La réponse à ces deux dérives, c’est la fraternité.
Propos recueillis par Michel CAIRE

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