Sandrine Bonnaire joue « L’odeur des planches » au Jeu de Paume d’Aix

Publié le 23 avril 2015 à  23h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h49

Sandrine Bonnaire dans
Sandrine Bonnaire dans

La Ciotat mai 1974. Évocation de la tentative de suicide de sa mère, ce qui la pousse à citer Van Gogh prétendant le 27 juillet 1890 s’être tiré une balle dans la poitrine et affirmant : «La tristesse durera toujours». Maisons-Alfort février 2008. Lettre des Assedic. Fin de droits. Que faire alors dans une société où l’on existe que par le travail ? 1964. L’année de la naissance en Algérie. Réflexions sur le père O.S. 1969 à bord d’un paquebot et ce constat : «Sans l’avoir cherché j’avais convoqué la mémoire». Fragments de mémoire, d’une mémoire brisée par la douleur, bribes de discours, la femme qui s’adresse à nous s’appelle Samira Sedira. Elle a choisi de nous embarquer au pays de son rêve brisé, celui de mener définitivement une carrière de comédienne sans interruption ni regrets. Samira était actrice, ça marchait plutôt pas mal pour elle, jouant dans les plus grandes salles de France, et du jour au lendemain plus de contrat, plus aucune proposition. De ce qui la poussa à devenir comédienne nous ne saurons rien, et c’est bien ici que le bât blesse. «L’odeur des planches» donnée en ce moment au Jeu de Paume est tout sauf une pièce sur le théâtre. De son amour des planches passé sous silence aux pièces interprétées et textes défendus (à l’exception de la citation de l’œuvre d’Aragon «Les Yeux d’Elsa»), presque aucune information. L’adaptation du roman de Samira Sedira entreprise par l’auteure elle-même et Richard Brunel, le metteur en scène associé au projet nous renseigne avant tout sur le parcours d’une femme blessée, douloureusement marquée par sa chute sociale, et triste de voir sa mère se dégrader. Aussi pas de dramaturgie ascensionnelle, mais de solides répétitions à but pédagogique. Car, même s’il s’incarne dans une comédienne «L’odeur des planches» n’est autre que du théâtre d’idées. On y développe un long discours sur la lutte des classes, par le biais du père, ouvrier spécialisé et de la narratrice elle-même devenue femme de ménage respirant toute la puanteur du monde et nettoyant les saletés des autres. Pas d’ambiguïté, tout le monde a ici la tête de ses idées, à commencer par Samira, sorte de passionaria des planches sans avenir et sans bonheur trouvé. «Chaque jour je me demande qui je suis», lance-t-elle non sans avoir précisé qu’une actrice qui ne joue pas n’existe pas vraiment. Non sans l’avoir répété comme tant de choses d’ailleurs. Pièce parfois émouvante pour le portrait qu’elle brosse d’une femme vaincue par le fatum, «L’odeur des planches» ne donne pas à entendre un grand texte aux ressorts scénographiques complexes. Pour l’incarner Sandrine Bonnaire rend son personnage attachant, et signe un brillant retour sur scène, bien des années après. Profondément belle et intelligente, elle ne surjoue jamais, mais sa prestation aussi subtile soit-elle ne suffit pas à faire oublier le côté leçon de vie du texte. Du signifiant partout alors que l’on attendait de l’ellipse. Voilà une pièce tirée d’un roman qui ne laisse certes pas indifférent, mais qui se trouve limitée en portée par le propos socio-politique rugueux et daté qui s’y trouve développé.
Jean-Rémi BARLAND
«L’odeur des planches» de Samira Sedira. Avec Sandrine Bonnaire. Au Jeu de Paume d’Aix jusqu’au 25 avril à 20H30

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