Théâtre du Gymnase de Marseille : Laurent Pelly fait s’envoler les oiseaux d’Aristophane avec fantaisie

Publié le 14 juin 2017 à  22h09 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  16h55

Ça se passe à Coucouville-sur-Nuages, à mi-chemin entre la terre et l’Olympe des dieux - © Polo Garat - Odessa
Ça se passe à Coucouville-sur-Nuages, à mi-chemin entre la terre et l’Olympe des dieux – © Polo Garat – Odessa

Ça se passe à Coucouville-sur-Nuages, à mi-chemin entre la terre et l’Olympe des dieux. Une cité imaginée par Aristophane, au milieu des nuées, là où plus tard l’albatros de Baudelaire, prince de l’azur brûlera ses ailes en s’enfuyant de la terre ferme où il est si maladroit. Dans ce paradis de rêve et de concorde un poète se voit accompagné par une petite huppe et son épouse, un rossignol au blond jabot, qui seront les messagers de deux humains guidés par une corneille et un geai. Ces derniers sont assez remontés contre leurs semblables et en particulier contre les habitants d’Athènes, et leurs cortèges de politiciens plus soucieux de s’entredéchirer que de préserver la paix dans la ville. Alors dégoûtés, ils imaginent de bâtir dans les airs une cité idéale, close d’une muraille et dressée par des oiseaux architectes. Certains d’entre eux, belliqueux et caqueteurs ne l’entendent pas de cette oreille et font entendre leurs voix discordantes. On arrivera à les convaincre grâce en partie à l’intervention du roi Thérée et plus tard, nos deux héros, qui parlent parfaitement l’oiseau, vont aider leurs nouveaux amis, innombrables espèces de volatiles, inventer une ville nouvelle, faite d’utopie et d’impôt-droit de passage (déjà les taxes !!!!) mais très vite envahie de fâcheux et visitée par des Dieux furieux et inquisiteurs. Il faudra négocier avec eux pour unir l’éternité, l’Olympe neigeuse au Royaume des cieux.
C’est en tout cas cette vision-là des «Oiseaux» d’Aristophane que déploie la traduction d’Agathe Mélinand dont s’est servi Laurent Pelly pour signer une mise en scène drôle, inventive, où les masques et les costumes des oiseaux rappellent l’univers d’Omar Porras. Développant des idées force du genre : «La nature de l’homme est d’être trompeur et rusé», «les discours donnent des ailes à l’esprit » ou encore «les interdits chez les hommes n’existent pas chez les oiseaux », la pièce est une réflexion sur le pouvoir, le langage, les rapports sociaux, la démocratie et l’éternelle peine des hommes. La grande force de cette pièce telle que Laurent Pelly la montre au Gymnase de Marseille est d’offrir une approche dynamique du principe d’équité sans paraître lourd ni didactique. On rit d’autant plus volontiers qu’ici, performance des comédiens aidant, tout est beau à voir, et drôle à entendre. Des jeux de lumière subtils accompagnent les personnages saisis dans des costumes bariolés, pris dans des décors de rêve parfaitement en adéquation avec la fantasmagorie de la fable. Du beau travail qui montre surtout combien Aristophane (adapté par moments avec des allusions décalées car puisées dans le vivier politique de noire époque) demeure d’une modernité de pensée assez inouïe.
Jean-Rémi BARLAND
« Les Oiseaux » Aristophane, Au théâtre du Gymnase jusqu’au samedi 17 juin à 20h30 Plus d’info et réservations sur lestheatres.net

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