U.percut à Marseille: « Glissements et Déchets » traités par la Fabrique de Méditerranée

Publié le 11 mars 2016 à  20h54 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  22h05

C’est le premier mardi du mois, à 19 heures, que l’U.Percut, 127, rue Sainte (7e), accueille dans l’ambiance chaleureuse d’une salle de jazz, la Fabrique de Méditerranée. La première avait eu pour thème «Nous serons tous d’ici» et cette nouvelle rencontre, a porté sur «Glissements et Déchets». Des débats introduits et animés par Thierry Fabre, essayiste, fondateur des Rencontres d’Averroès et Pierre Gianetti, chef-cuisinier qui indique : «Pour la première j’ai fait un couscous poisson et là, je m’adapte au thème du déchet, je vous ai cuisiné une soupe avec des fanes de légumes et des têtes de lotte». Il cédera ensuite la parole à son ami Patrick agriculteur à Sénas (13). Thierry Fabre entraînera les participants sur les pas de Daniel Linenberg et son enquête sur les nouveaux réactionnaires avant une invitation du photographe Franck Pourcel dans une Méditerranée où tout est loin d’être ordre et beauté, puisqu’il s’agit d’un voyage dans les déchets.

Thierry Fabre lors des Rencontres d’Averroès dont il est le fondateur (Photo archive Philippe Maillé)
Thierry Fabre lors des Rencontres d’Averroès dont il est le fondateur (Photo archive Philippe Maillé)

Thierry Fabre avoue: «Après les attentats de janvier, j’étais effondré mais, ce n’est pas une solution, il est temps de se réveiller, de se reprendre en main, d’inventer un chemin. Tel est l’objet de la Fabrique de Méditerranée et nos rencontres mensuelles un espace de rencontre, de parole, d’échange; un espace de plaisir à se retrouver». Il en vient au thème de la soirée :«L’heure est venue de penser la riposte pour éviter que le mouvement des nouveaux réactionnaires ne nous entraîne là où l’on ne veut pas aller». Et de citer Paul Valéry : «Nous faisons de notre mieux afin qu’aucun doute ne subsiste sur la valeur des mythes qui renaissent de la putréfaction des idéaux». Thierry Fabre cite des passages de l’ouvrage, note : «Il écrit en 2002 et évoque le risque de propagation de la violence, de la guerre du tous contre tous. 14 ans sont passés et ce qu’annonçait Daniel Linenberg est arrivé avec plus de force que l’on ne le pensait». «Il est important considère-t-il, de rappeler ce texte, de voir que, si la France semble en avance sur une synthèse nouvelle elle n’est pas pour autant une exception lorsque l’on voit les glissements à l’œuvre en Suède, Norvège, au Danemark, ce qui se joue en Pologne, Hongrie, Slovénie. La pensée réactionnaire ne cesse de monter en puissance, la bataille des idées est perdue depuis 14 ans. il est temps de se réveiller alors que le glissement, en France, nous conduit jusqu’à la déchéance de nationalité».

«Des transformations peuvent voir le jour à partir de nos pratiques, notre façon d’habiter le monde»

Point question pour autant d’entrer dans la désespérance. «Des pistes de résistance existent dans la transformation de la société par la culture au quotidien, par les arts de faire. Des transformations peuvent voir le jour à partir de nos pratiques, notre façon d’habiter le monde. Nous sommes dans une nouvelle ère dont les Hommes sont les principaux responsables», avance Thierry Fabre qui évoque à ce propos Jonathan Nossiter. «Il raconte comment le mouvement des producteurs de vin naturel, parti de quelques personnes, est en train de prendre de l’ampleur, produit une insurrection de la culture en n’utilisant plus d’engrais, en sortant du productivisme. Et ces producteurs se mettent à travailler ensemble, à créer des caves. C’est une utopie concrète. Les grandes machines mondiales font tout pour créer les conditions de notre impuissance, mais, dans le même temps, une révolution par le bas crée une « convivencia »». «Ce vin, ajoute Esther de l’U.Percut, véhicule aussi l’idée de la non-uniformisation du goût. Nous sommes donc là devant une réponse politique, éthique mais aussi esthétique et une invitation au plaisir».

«Manger est un acte politique»

Pierre Gianetti rappelle que «manger est un acte politique», avant de céder la parole à son ami Patrick qui lance: «On considère la terre comme un support, alors on la laboure et, de ce fait on la déstabilise car lorsque l’on enlève l’herbe c’est comme lorsque l’on arrache la peau, cela brûle et nous avons une terre qui meurt. Alors on met de l’engrais et nous avons de beaux légumes à la valeur nutritionnelle faible car, l’engrais c’est surtout de l’azote, les légumes en raffolent, mais de ce fait ils ne captent rien d’autre». D’en venir, avec humour, à sa propre expérience : «J’ai commencé avec une pioche, le premier jour, j’avais très mal au dos alors j’ai cherché sur Internet s’il était possible de faire autrement et, j’ai découvert une abondante documentation. Depuis, je fais du maraîchage sans travailler le sol».
C’est une toute autre histoire, parfois terrible, que raconte Franck Pourcel : «Il existe deux sortes de déchets, visibles et invisibles et ces derniers sont souvent les plus dangereux ». Nous voilà au Liban où l’incapacité du régime de faire face, de trouver des solutions au problème des déchets à Beyrouth mais aussi à Saïda, au Sud-Est de Beyrouth où une falaise de déchets se jette dans la mer, crée une crise politique majeure. A Naples on découvre Salvatore qui s’oppose à l’expulsion de sa ferme, sur une terre fertile, aujourd’hui inexploitable car encerclé d’une montagne de déchets. Toujours à Naples des décharges sauvages qui permettent à la Mafia de gagner des milliards en récupérant des déchets venus de l’Europe entière, déchets qui tuent les populations locales. «Au Nord d’Izmir je me suis rendu sur un chantier de démantèlement de bateaux où on m’a fait très clairement comprendre que l’on ne souhaitait pas voir de photographe. Il s’agit d’une zone de non-droits et de trafics divers». La Fabrique de Méditerranée est en marche, le travail tout comme l’envie ne manquent pas.
Michel CAIRE

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