Lettre ouverte des professeurs du lycée Antonin Artaud au Recteur de l’Académie d’Aix-Marseille

Publié le 15 juin 2016 à  21h24 - Dernière mise à  jour le 1 décembre 2022 à  15h20

Les professeurs du lycée Antonin Artaud, dans le 13e, à Marseille, viennent d’écrire au recteur pour exprimer leur désaccord avec les dernières modalités d’orientation en fin de seconde. Des nouvelles mesures à leurs yeux «démagogiques visent à satisfaire les familles sur le court terme, sans tenir compte des réalités des élèves, ni de leur succès à long terme, ni de la qualité de l’enseignement qui pourra leur être proposé».
« A la suite de la publication du décret n°2014-1377 du 18 novembre 2014 , modifiant les modalités d’orientation de fin de seconde, et les dernières directives précisant son application les professeurs du lycée Artaud tenaient à vous informer de leur désaccord et de leurs inquiétudes. Actuellement, un élève en fin de seconde qui n’aurait pas le niveau nécessaire pour envisager sereinement le passage dans la Première de son choix se voit proposer : soit une orientation dans une première plus adaptée à son profil ; soit un maintien en classe de Seconde ; soit une réorientation vers la voie professionnelle en accord avec les familles. Or, ces deux dernières options seraient désormais exclues des propositions d’orientation du conseil de classe, qui n’ouvrirait plus qu’à un passage en Première générale ou technologique quels que soient le niveau et la motivation de l’élève. Pourtant, l’expérience montre que beaucoup d’élèves arrivent en Seconde sans avoir du tout acquis les bases nécessaires à leur réussite au lycée. Les envoyer de classe en classe sans leur proposer d’autre solution qu’un peu de soutien éventuel au cas par cas équivaut à les envoyer à l’échec. A leur donner l’illusion qu’ils ont le niveau pour passer dans la classe supérieure, alors que ce ne serait pas le cas. Quelle suite à cela ? Des élèves démotivés par l’accumulation des échecs, des incompréhensions, avec un sentiment d’exclusion croissant, avec, à terme, un échec au bac prévisible et annoncé, trois années perdues, et l’impression d’avoir été victime d’un mensonge, et sacrifié sur l’autel des économies budgétaires. La suite du parcours relèverait du parcours d’obstacles – c’est déjà le cas, mais la situation ne pourrait que s’aggraver –.A moyen terme, les filières technologiques risquent l’engorgement, et un effondrement du niveau, qui les discréditerait totalement.
Les familles les moins informées paieront le prix de ces passages en force qui tiendront lieu d’orientation. Parallèlement à cette réforme, l’académie expérimente le « choix donné aux familles » à la fin de la Troisième : ainsi, les orientations se feront sans que soit réellement pris en compte l’analyse des professeurs, ni les résultats des élèves. Nous allons là vers l’arbitraire le plus complet. Conséquence évidente, les classes de Seconde, surchargées d’élèves en difficulté, ne permettront plus de former sérieusement les élèves au passage dans une Première qu’ils auraient choisie.
En vérité, ces nouvelles mesures démagogiques visent à satisfaire les familles sur le court terme, sans tenir compte des réalités des élèves, ni de leur succès à long terme, ni de la qualité de l’enseignement qui pourra leur être proposé.
La vocation de l’enseignement au lycée est de former des jeunes dans les meilleures conditions, avec sérieux et ambition, de leur donner la culture et le savoir-faire dont ils auront besoin pour une poursuite d’études sereine et une recherche professionnelle juste. Cette réforme va exactement dans le sens contraire. Si cette mesure devait perdurer, l’ensemble des collègues du lycée ne seraient plus volontaires pour assurer la charge de professeur principal en seconde puisque leur avis ne compte plus. Nous attendons donc le retrait de cette directive et nous sommes prêts à mettre en place les actions nécessaires pour obtenir satisfaction en lien avec l’ensemble des établissements du secondaire. Nous sommes disponibles pour tout échange sur le sujet. Nous vous prions de croire, Monsieur le recteur en notre attachement au service public d’éducation.»
L’assemblée des professeurs du lycée Artaud

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