6e Festival de Pâques d’Aix-en-Provence (jour 4) – Jeunes pousses et chênes solides

Publié le 30 mars 2018 à  22h14 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  18h40

Alma Deutscher, Anastasia Kobekina et Jérôme Ducros réunis au Jeu de Paume pour le concert génération@aix. (Photo Caroline Doutre)
Alma Deutscher, Anastasia Kobekina et Jérôme Ducros réunis au Jeu de Paume pour le concert génération@aix. (Photo Caroline Doutre)
La vie du festivalier est ainsi faite… Un jour le soleil printanier réchauffe la vie; le lendemain matin, la pluie abreuve la nature. Soleil, pluie, vie: les jeunes pousses aiment ça. Leur croissance et leur épanouissement passent par là. En ce quatrième jour de Festival, de jeunes pousses il en fut question en fin d’après-midi puisqu’à 18 heures, au théâtre du Jeu de Paume, génération@aix nous proposait de découvrir Alma Deutscher, 13 ans, et Anastasia Kobekina, 24 ans. A mi-chemin entre une Heidi des alpages qui voudrait devenir Sissi impératrice et la Hermione de Harry Potter, Alma est une enfant prodige. Elle compose depuis l’âge de 6 ans, joue superbement du piano et un peu moins bien du violon. Et derrière un visage enfantin, sa personnalité s’affirme: « Mes compositions que vous allez entendre sont des œuvres de musique de chambre de jeunesse (sic !) écrites entre six et neuf ans. Aujourd’hui je ne compose plus que pour l’opéra et les orchestres… (Et tac !) Je me réveille au milieu de la nuit pour noter une mélodie. Le lendemain mes parents se demandent pourquoi j’ai du mal à me réveiller… » Elle trouve aussi son inspiration au cours de voyages en train, en Suisse et le raconte comme une histoire de la bibliothèque rose. Sa musique est à son image, celle d’une petite fille; une musique un peu datée, café viennois, sucres d’orge et grandes prairies fleuries entourées de sommets enneigés. Techniquement c’est plutôt bien construit et lorsque l’on sait que les pièces jouées hier par l’enfant ont déjà six ans d’âge on ne peut pas nier le fait que se trouve, peut-être, face à nous, la Mozart du 21e siècle, un peu moins délurée. Pour en juger, il faudra voir comment évoluent ses compositions. C’est la gageure que nous fixons à Renaud Capuçon, une sorte de droit de suite pour apprécier comment grandit Alma dans ce milieu si particulier, lui qui nous la fait découvrir cette année. Jeune pousse, aussi, mais avec dix ans de plus, la violoncelliste Anastasia Kobekina est une vraie révélation de cette édition du Festival de Pâques. Son charme se double d’un énorme talent de musicienne et la sonate pour violoncelle et piano en sol mineur de Rachmaninov, donnée en compagnie de l’excellent Jérôme Ducros, fut un vrai bijou. Son jeu est sensible, aérien, ciselé tout en conservant une part puissante et très structurée. De la belle ouvrage et du pur bonheur pour l’auditeur. Deux heures et des poussières plus tard, il n’était plus question de jeunes pousses au Grand Théâtre de Provence, mais de chênes solides…
Un très beau moment de musique au Grand Théâtre de Provence avec Francesco Piemontesi devant l’Orchestre National de France. (Photo Caroline Doutre)
Un très beau moment de musique au Grand Théâtre de Provence avec Francesco Piemontesi devant l’Orchestre National de France. (Photo Caroline Doutre)

Cent musiciens, ceux de l’Orchestre National de France, un chef, Emmanuel Krivine et un soliste, le pianiste Francesco Piemontesi pour un programme des plus originaux correspondant parfaitement à un Festival comme celui de Pâques à Aix, avec des œuvres de Franck, Strauss et Debussy. Les Variations symphoniques pour piano et orchestre de César Franck ne font pas partie des pièces les plus données en concert. Pour nombre d’auditeurs, en ce jeudi soir au Grand Théâtre de Provence, ce fut une découverte… Une belle découverte. Par la grâce d’un orchestre coloré et solide superbement dirigé mais aussi par la présence d’un soliste irréprochable. Virtuosité, précision, couleurs: rien n’a manqué à Francesco Piemontesi dans cette interprétation aboutie. Des qualités dont il fit de nouveau preuve, ensuite, pour Burlesque en ré mineur de Richard Strauss, toujours soutenu par un orchestre rutilant, très présent sans jamais contrarier le pianiste. Une belle osmose. Piemontesi qui allait se mettre, si besoin en était, la totalité du public dans la poche avec un bis splendide, sensible et lumineux : un mouvement de sonate de Mozart. Après la pause, Emmanuel Krivine allait donner relief et couleurs aux «images pour orchestre» de Debussy avec une direction intelligente et soutenue, au point d’en laisser s’échapper la baguette de ses mains, pour solliciter avec bonheur la totalité des pupitres du National. Gigues, Iberia et Rondes de printemps ponctuaient cette quatrième soirée festivalière qui est à classer au rang des grands moments de la manifestation.
Michel EGEA

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