A propos du bien-être … Une petite voix par Marion Cardella

Publié le 3 décembre 2015 à  22h01 - Dernière mise à  jour le 9 juin 2023 à  21h55

Destimed arton4547

Parfois je voudrais être physicienne, géographe, politologue, historienne, ou économiste; être spécialiste dans tel domaine ou tel autre suivant le sujet qui capte mon attention, et dieu sait si la vie me questionne ! Posséder les savoirs qui me donneraient l’intelligence d’appréhender ce monde si complexe… Après les attentats de Paris, peut-être pour éviter de trop sentir la blessure dans mon cœur, j’ai été « possédée » par la réflexion intellectuelle. Je me suis documentée, j’ai tenté de me faire une idée claire de la situation. Il n’y a pas de mal à cela en soi, mais chez moi c’est devenu obsessionnel, et j’enrageais de ne pas tout saisir ! Je crois que j’avais besoin de sentir que je maîtrisais quelque chose. Cela m’aurait rassurée semble-t-il…

Et puis l’autre soir, il s’est produit quelque chose en moi. Il y a d’abord eu une profonde sensation corporelle de détente en moi. Et puis est venue une pensée, qui ne provenait pas de mon intellect, ce n’était pas un raisonnement, mais une intuition, une évidence qui montait de mon cœur. Alors j’ai pris le temps de l’accueillir, de l’écouter. Cela me disait : «Ça suffit, change de voie ! Tu n’aboutiras nulle part ainsi ! Jamais tu ne parviendras à saisir intellectuellement la complexité de l’ensemble de ce monde ! Jamais tu ne maîtriseras rien ! Tu gaspilles ton énergie, tu fais fausse route. La vie ne se maîtrise pas, elle se goûte. Parfois le goût est amer. Parfois il est doux. Recherche le bon goût, celui que tu aimes, qui te donne de la joie. C’est comme ça que tu peux connaître la vie, « aime, et tu obtiendras le reste par surcroit’ ». Tu as mal, tu es blessée pour les morts et les miséreux, ici et là-bas, aujourd’hui, hier et demain, pour la planète que l’on consomme au lieu de communier avec elle… Regarde ça, ne te détourne pas de ta blessure, soigne-là, arrête de la penser, panse-là ! Et puis regarde ta rage aussi. Prends-la en considération. Vois toute la violence qui s’en dégage à l’intérieur de toi. Cette infinie tristesse issue de ta croyance dans la présence du Mal dans ce monde, et cette colère, te font penser ce monde qui t’entoure de manière bien trop manichéenne. Un monde où il y aurait des « ennemis ». Est-ce vraiment le monde dans lequel tu rêves de vivre ?! Libre à toi de transformer ton regard. De commencer par faire la paix en toi. Accepter de ressentir du dégoût et de la colère, d’avoir peur. Ne pas essayer d’éviter ces émotions, aussi désagréables soient-elles. Te donner de l’empathie, comme tu le ferais pour ton enfant, pour l’être aimé. Accepter de ne pas comprendre, de ne rien maîtriser. La bonne nouvelle, c’est que puisque tu ne peux obtenir aucune vérité sur les événements du monde, puisque tu ne peux infléchir le cours de l’Histoire, la bonne nouvelle, c’est que tu peux commencer à te détendre ! Tu ne sais rien de l’équilibre global des choses, il y a une intelligence de la vie qui te dépassera toujours et tant mieux ! Ça y est ? Tu lâches prise ? Et maintenant, qu’est-ce qui apparaît ? »

Ce qui reste alors c’est le battement régulier de mon cœur, l’incessant va et vient de mon « inspir » et de mon « expir », ce souffle que je peux percevoir en chaque chose, il reste la Vie. Il reste sous la blessure, tout cet amour qui palpite en moi, les valeurs auxquelles j’adhère, et mon humilité ; mon humilité à reconnaître que sur certains plans, je ne suis rien d’autre qu’un petit animal fragile, qui a besoin de se sentir entouré, nourri, bercé. Il reste aussi la confiance dans ce qui anime ce monde, la vie elle-même. Son courant, sa force vibratoire.
Et je sens que je suis reliée à cette Force-là, et que sur ce plan, plus subtil mais bien réel, j’ai une influence efficiente. Et donc une responsabilité. Je suis responsable des pensées qui m’animent, des mots que je prononce et des actions que je pose. Je peux choisir leur orientation. Faire qu’ils aient autour de moi, sur le vivant, un impact positif ou négatif. Sur quelle onde est-ce que je choisis de vibrer ? Parce que c’est cela même qui crée notre réalité ! Nous ne créons pas l’énergie qui anime chaque chose, mais nous en sommes partie prenante, et de ce fait nous pouvons influencer sa fréquence en modifiant la nôtre. Si je veux que ce monde se porte mieux, il est indispensable que je veille à aller bien moi-même, à prendre soin de la paix et de la joie en moi si je veux vivre dans un monde paisible et joyeux. Dans un album de Claude Ponti, le petit personnage rencontre à un moment ‘ »des miroirs qui réfléchissaient bien’ ». C’est cela, je reflète le monde que je vois. Je tiens à bien réfléchir, à poser un regard apaisé en bienveillant sur la totalité de l’existence. Si je vois le Mal à l’extérieur de moi, j’introduis le mal en moi. Il ni a ni bien ni mal, seulement de l’accompli et de l’inaccompli, comme le rappelle Annick de Souzenelle. Avec cet autre regard non manichéen, englobant, les horreurs n’en sont pas moins des horreurs, mais elles n’importent plus leurs guerres en moi. Je peux digérer les atrocités tout en restant en paix dans mes profondeurs. Ce qui n’est pas égoïste et n’empêche pas l’indignation et l’action juste que l’on juge bon de poser parfois.

Il y a une dimension en nous qui peut embrasser l’ensemble du Réel, du frémissement des ailes d’un papillon, aux crimes indignes, à la course des étoiles. Pas le comprendre, encore moins le maîtriser, mais l’embrasser, l’aimer et le bénir. C’est de notre bienveillance, de notre amour dont le monde a besoin. Il est urgent de prendre soin, chacun selon notre charisme. Soyons de soignants, non pas des Soi-niant* de la beauté du Vivant qui transcende toujours les pires atrocités commises.

En ces temps troublés, nous avons tous je crois besoin d’inspiration. Je trouve la mienne en particulier dans le journal et la correspondance d’Etty Hillesum, Une vie bouleversée, qui sont les seuls écrits que nous avons d’elle. Etty est morte à Auschwitz le 30 Novembre 1943, voici ce qu’elle écrivait…
«Après la guerre, je veux parcourir les différents pays de ton monde, mon Dieu, je sens en moi ce besoin de franchir toutes les frontières et de découvrir le fond commun à toutes les créatures, si différentes et si opposées entre elles. Et je voudrais parler de ce fond commun d’une petite voix douce, mais inlassable et persuasive. Donne-m’en les mots et la force. Mais d’abord je voudrais être sur tous les fronts et parmi ceux qui souffrent. N’y aurais pas aussi le droit de m’exprimer ? C’est comme une petite voix qui remonte toujours en moi et me réchauffe, même après les moments les plus difficiles : « Comme le vie est belle pourtant ! » C’est un sentiment inexplicable. Il ne trouve aucun appui dans la réalité que nous vivons en ce moment. Mais n’existe-t-il pas d’autres réalités que celle qui s’offre à nous dans le journal et dans les conversations irréfléchies et exaltées de gens affolés ? Il y a aussi la réalité de ce petit cyclamen rose indien et celle aussi du vaste horizon que l’on finit toujours par découvrir au-delà des tumultes et du chaos de l’époque.
Donne-moi chaque jour une petite ligne de poésie, mon Dieu, et si jamais je suis empêchée de la noter, n’ayant ni papier ni lumière, je la murmurerai le soir à ton vaste ciel. Mais envoie-moi de temps en temps une petite ligne de poésie
».
*Merci à Alain Zuili pour cette formule !
diapazen.fr

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