Aix Marseille Provence – Maryse Joissains : «La métropole n’existe pas »

Publié le 5 janvier 2016 à  13h56 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h44

(Photo Philippe Maillé)
(Photo Philippe Maillé)
Face à la confusion autour de la création au 1er janvier 2016 de la métropole Aix Marseille Provence par fusion des six territoires intercommunaux qui la composent, Maryse Joissains Masini, président de la Communauté du Pays d’Aix, maire d’Aix-en-Provence estime que «la métropole n’existe pas ». «La décision du Conseil d’État permet d’affirmer que la métropole n’existe pas encore et par conséquent, les personnels ne sont pour le moment, pas métropolitains», écrit-elle dans un courrier adressé lundi au préfet de région, Stéphane Bouillon. Maryse Joissains s’appuie sur la décision rendue le 18 décembre dernier par la haute juridiction précisant dans l’un de ses considérants qu’«à supposer que les organes de la métropole Aix Marseille Provence n’entrent pas en fonction dès le 1er janvier 2016, les établissements publics de coopération intercommunale existants continueraient à fonctionner, à titre temporaire, sans qu’il en résulte une rupture de continuité dans l’exécution des services publics auxquels ceux-ci pourvoient». Or, pour Maryse Joissains, la transmission, par le Conseil d’État, de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur la composition du conseil métropolitain devant le Conseil constitutionnel et l’hypothèque d’une annulation de l’élection le 9 novembre dernier du maire de Marseille à la présidence de la métropole déférée devant le tribunal administratif de Marseille ne permettent pas à la métropole de fonctionner. «La métropole, à ce jour, n’a pas d’organe qui puisse engager financièrement tout le territoire. Donc seuls les trésoriers des six E.P.C.I. ont compétence pour engager des dépenses et notamment celles des salaires du personnel. L’ignorer serait une illégalité supplémentaire ; voire même une voie de fait», considère-t-elle. «Votre niveau, votre intelligence, vous interdisent de ne pas respecter les décisions de justice», écrit Maryse Joissains Masini au préfet.

Métropole : chronologie depuis le dernier trimestre 2015

6 novembre : le Tribunal administratif censure le gouvernement Le vendredi 6 novembre, alors que la séance inaugurale de la future « Métropole Aix-Marseille » est prévue trois jours plus tard, survient une décision du Tribunal administratif de Marseille, saisi en référé par Robert Dagorne, le maire d’Eguilles. Cette décision suspend deux arrêtés du gouvernement ; ils sont relatifs, l’un au nombre et à la répartition des sièges entre les communes au sein du conseil de la Métropole, l’autre à la composition de ce conseil. Le juge estime que la répartition des sièges, bien trop déséquilibrée en faveur de Marseille – 108 sièges pour Marseille, soit 1 pour 7 500 habitants, et un seul élu pour des communes de 20 000 habitants comme Gardanne ou Pertuis – est de ce fait contraire à la Constitution, laquelle tolère un déséquilibre de 20% au maximum. Devant les remous suscités par cette décision, le lendemain, le président du Tribunal explique à la presse que l’ordonnance rendue la veille fait « obstacle provisoirement à la mise en place des instances de la future Métropole ». –7 novembre : annulation ou pas ? Le samedi 7 novembre, Jean-Claude Gaudin annonce à la presse qu’il annule la séance du lundi 9… alors qu’il n’est pas président d’intercommunalité et n’a donc aucune légitimité pour le faire. Dans la foulée, Sylvia Barthélemy, président de la communauté d’agglomérations d’Aubagne, qui a convoqué la séance inaugurale de la Métropole, fait savoir qu’elle annule cette séance ; elle le fait par SMS, puis par mail. Maryse Joissains Masini décide néanmoins de ne pas tenir compte de ces annulations dont les formes lui semblent douteuses, et de se rendre à cette séance. –9 novembre : une drôle d’élection Le lundi 9 novembre, Maryse Joissains Masini préside la séance inaugurale de la Métropole, en tant que doyenne des présidents des six intercommunalités parties prenantes ; elle lance les débats. Puis, une fois que ceux qui le souhaitaient ont fini de s’exprimer, elle s’apprête à annoncer qu’en raison de la décision de justice du TA, elle entend clore la séance sans faire procéder au vote du président de la Métropole. Le brouhaha devient indescriptible, le micro lui est coupé ; elle s’empare alors d’un micro voisin pour affirmer à haute et intelligible voix qu’elle clôt la séance. Puis elle sort, suivie par les élus du Pays d’Aix. A l’intérieur de la salle, Guy Teissier, le président de Marseille Provence Métropole, s’improvise président de séance en tant que deuxième doyen des intercommunalités, et décide de faire procéder au vote du président de la Métropole. Gaby Charroux, le maire de Martigues, qui avait fait acte de candidature, la retire en séance, parlant de « mascarade ». Il sort à son tour, accompagné des élus du Pays martégal. Le vote a lieu. Il oppose Jean-Claude Gaudin, le maire de Marseille, à Hervé Fabre-Aubrespy. Jean-Claude Gaudin est déclaré élu avec 119 voix (contre 13 à son rival) sur 240 électeurs… soit moins de la majorité absolue. –13 novembre : les recours Le vendredi 13 novembre, Maryse Joissains Masini, maire d’Aix et président de la Communauté du Pays d’Aix, et cinq maires de la CPA – Robert Dagorne (Eguilles), Roger Pellenc (Pertuis), Roger Meï (Gardanne), Michel Boulan (Châteauneuf-le-Rouge) et Hervé Fabre-Aubrespy (Cabriès) – présentent à la presse deux recours. L’un d’eux vise à annuler les opérations électorales du lundi 9. Ils s’appuient notamment sur l’argument de la répartition des sièges au conseil de la Métropole, bien trop déséquilibrée en faveur de Marseille, et donc selon eux contraire à la Constitution, comme expliqué plus haut. –18 décembre : le coup de tonnerre venu du Conseil d’État Le vendredi 18 décembre, à quinze jours du lancement de la Métropole, le Conseil d’État décide de renvoyer la question juridique soulevée par la répartition des sièges vers le Conseil constitutionnel. C’est à ce dernier de déterminer si la répartition des sièges telle qu’elle est prévue dans la loi créant la Métropole est conforme à la Constitution ou non. Ce faisant, le Conseil d’État bloque le lancement de la Métropole. Et il précise : « A supposer que les organes de la métropole d’Aix-Marseille-Provence n’entrent pas en fonction dès le 1er janvier 2016, les établissements publics de coopération intercommunale [[Ou EPCI, l’autre nom des communauté d’agglomérations]] existants continueraient de fonctionner à titre temporaire ». Maryse Joissains Masini commente : « En attendant la décision du Conseil Constitutionnel, aucun organe de la Métropole ne peut se mettre en place (…) C’est la victoire des petits contre les gros ! Quand j’ai initié le procès du sang contaminé, si je m’étais fiée à tous ceux qui me disaient que ça ne marcherait pas, je serais restée chez moi !» Quant à l’avenir :« Au gouvernement, ils seraient bien avisés de reprendre la loi sur la Métropole, en sachant que la Ville de Marseille ne peut pas être le chef de file de territoires qui marchent beaucoup mieux qu’elle ». –22 décembre : le préfet veut passer en force Le mardi 22 décembre, le préfet Stéphane Bouillon adresse un courrier aux présidents des six intercommunalités concernées. Il affirme que la décision du Conseil d’Etat « ne remet pas en cause la création de la Métropole Aix Marseille Provence au 1er janvier 2016 », date à laquelle le comptable public, chargé d’effectuer les paiements de la Métropole, devra reconnaître « le président de la Métropole d’Aix-Marseille-Provence (Jean-Claude Gaudin) comme ordonnateur unique des dépenses intercommunales ». –23 décembre : la réplique de Maryse Joissains Masini Le mercredi 23 décembre, Maryse Joissains Masini répond par trois courriers : l’un au préfet Bouillon, l’autre à Jean-Claude Gaudin, le troisième au comptable public. Elle rappelle notamment que « le président du conseil de métropole n’a pas le pouvoir d’ordonnancer les dépenses ». –24 décembre : Maryse Joissains Masini envoie l’huissier au préfet Le jeudi 24 décembre, par voie d’huissier, Maryse Joissains Masini somme le préfet Bouillon « de ne prendre aucun acte conduisant à l’entrée en fonction de la Métropole Aix Marseille Provence en méconnaissance des décisions de justice déjà intervenues et avant l’intervention de la décision du Conseil constitutionnel », et « de laisser continuer à fonctionner les établissements publics de coopération intercommunale existants conformément aux indications de l’arrêt du Conseil d’Etat du 18 décembre 2015 » –29 décembre : le Tribunal administratif désavoue le préfet Le mardi 29 décembre, le Tribunal administratif rejette un référé introduit par Roger Pellenc, le maire de Pertuis contre le courrier du préfet Bouillon du 22 décembre, puisque ledit courrier « ne fait pas grief », c’est-à-dire ne crée pas de droit. –4 janvier 2016 : nouveau courrier au préfet Le lundi 4 janvier, Maryse Joissains Masini adresse un nouveau courrier au préfet, en lui rappelant qu’il n’a « aucune compétence pour interpréter une décision rendue par la Haute juridiction », en l’occurrence le Conseil d’Etat. Elle le somme d’annuler les effets de son courrier (cf. lettre ci-jointe)». –4 janvier 2016 : vers une annulation de l’élection de Jean-Claude Gaudin ? Ce même lundi 4 janvier, devant le Tribunal administratif, le rapporteur public conclut à l’annulation de l’élection de Jean-Claude Gaudin au poste de président de la Métropole, au motif principal que l’ordonnance de référé du T.A du 6 novembre avait un effet suspensif, et rendait illégale la tenue de l’élection du 9 novembre. La décision du Tribunal administratif sera rendue demain, mercredi 6 janvier. « Quelle que soit cette décision, affirme Maryse Joissains Masini, après les comportements de ces derniers mois – une élection dont on ne sait pas si ses initiateurs l’ont annulée ou pas, un scrutin au milieu des hurlements et des menaces, un préfet qui donne une interprétation fantaisiste d’un arrêt du Conseil d’État et incite de hauts fonctionnaires à entrer dans l’illégalité – on imagine mal la Métropole s’installer dans la sérénité qui conviendrait ».

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