La Chronique du Festival d’Aix-en-Provence – Bernard Foccroulle: « Le Festival d’Aix-en-Provence doit être le laboratoire de l’opéra au XXIe siècle »

Publié le 1 juillet 2015 à  21h59 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  19h19

Bernard Foccroulle dans la salle du Théâtre de l’Archevêché. (Photo Festival d’Aix)
Bernard Foccroulle dans la salle du Théâtre de l’Archevêché. (Photo Festival d’Aix)

Le Festival d’Aix-en-Provence s’ouvre en ce jeudi 2 juillet avec la première représentation d’«Alcina» de Haendel au Grand Théâtre de Provence. C’est la neuvième édition pour le directeur général Bernard Foccroulle qui travaille désormais sur les trois prochaines programmations. Et après ? Il faudra attendre que les tutelles décident d’un renouvellement, d’un successeur… Mais on peut affirmer sans se tromper que la présence de cette forte personnalité à la tête du meilleur festival aux «International Opera Awards» en 2014 aura marqué de façon indélébile l’histoire de la manifestation. Disons le tout de go, il y a quelque chose d’exceptionnel chez cet homme qui, ne l’oublions pas, est aussi un musicien, compositeur, professeur, c’est qu’il ne ramène jamais rien à lui. Comme s’il avait tordu définitivement le cou à un égocentrisme forcément réducteur. Bernard Foccroulle n’est ni dans la glorification de l’ego, ni dans l’autosatisfaction. Il a remplacé le «moi je» que nombre de ses coreligionnaires, à sa place, auraient déjà employé à s’en casser les cordes vocales par tous les synonymes de l’ouverture et du partage.
Ramenée au Festival d’Aix-en-Provence, cette façon d’être, d’agir, de travailler, est pour le moins novatrice. Lequel de ses prédécesseurs peut se targuer d’avoir ouvert les portes de la manifestation au plus grand nombre en créant, notamment, Aix en juin, un vrai prélude au Festival accessible avec un pass de 15 euros ? Lequel de ses prédécesseurs a installé des résidences, comme celle de Moneim Adwan, bien au-delà des rives du cours Mirabeau dans la périphérie de la ville? Lequel de ses prédécesseurs a pris la peine, comme l’a fait Bernard Foccroulle, de réunir son équipe de direction pour tenir un copieux brain storming et poser sur le papier une vision prospective du Festival d’Aix-en-Provence avec pour question centrale : Que sera le monde de l’opéra au milieu du XXIe siècle ? Pour ça, et pour beaucoup d’autres raisons dont certains choix artistiques osés, mais vitaux pour la Culture, le Belge restera dans l’histoire aixoise.

L’ouverture sur la Méditerranée

Revenons au travail de prospective. Quatre missions se dégagent pour le festival de demain et après-demain. La première est d’établir un nouvel équilibre entre le répertoire et la création. «Plutôt que d’opposer création et patrimoine, nous préférons parler de « rééquilibrage ». Nous considérons notre institution comme un laboratoire de l’opéra au XXI ème siècle». Même si elle est écrite de façon anonyme dans la synthèse des travaux, cette phrase trouve idéalement sa place dans la bouche du directeur. Avec son équipe, il a déjà posé de solides bases pour atteindre cet objectif. Résidences d’artistes, grand répertoire revisité par des artistes de très haute qualité «en évitant les écueils du star-system» développement des petites formes dans lesquelles Bernard Foccroulle place de grandes espérances car elles sont flexibles, intenses émotionnellement, innovantes et peuvent tourner plus facilement ce qui est primordial d’un point de vue économique. Puis il y a les créations interculturelles en résistance à la violence du monde. Dès son arrivée à la tête du Festival d’Aix, Bernard Foccroulle nous avait confié son projet d’ouverture sur la Méditerranée : «Il faut renforcer la vitalité et la circulation de la musique et du spectacle vivant en Méditerranée». Plus qu’un projet, c’est aujourd’hui une politique appliquée sans faillir. Avec l’implication de son équipe, notamment d’Émilie Delorme qui dirige l’Académie au sein de laquelle l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée a trouvé sa place pleine et entière depuis l’an dernier, les échanges se multiplient, les projets se concrétisent ; artistiques, certes, mais aussi axés sur la formation. Le nouveau réseau Medinea créé sous l’égide du Festival devrait jouer «le rôle d’un incubateur qui accompagnerait les artistes dans un marché musical de plus en plus compétitif grâce à l’établissement d’un label de qualité, au développement d’outils de promotion et de diffusion et à la construction du public de demain». La deuxième mission du Festival est construite autour de l’accessibilité et la participation. «Participation versus consommation»: tel est l’intitulé du chapitre d’ouverture sur ce thème. «Il s’agit de veiller à la qualité de la réception et de la participation du public à l’œuvre qui lui est proposée par des rencontres, l’ouverture des répétitions, des débats.» Des initiatives qui sont menées depuis deux ou trois ans. Puis, il y a des outils comme «Passerelles» qui regroupe les services éducatifs et socio-artistiques du Festival, «Opera On» le programme de sensibilisation pour les 18-30 ans, la création de dossiers pédagogiques, le développement des formations qui font du Festival un centre de ressources. Démocratiser le Festival, accueillir de nouveaux spectateurs, créer une maison de l’opéra sont aussi des objectifs, certains déjà engagés, d’autres à venir rapidement.

Formation et insertion professionnelle

La troisième mission est de faire du Festival d’Aix un centre de formation et d’insertion professionnelle. L’Académie est déjà opérationnelle en la matière depuis plusieurs années. Elle va poursuivre ses activités et les développer. Elle est à l’origine de la naissance du réseau enoa (Européan Network of Opera Academies) dont le spectacle «Be with me now» qui sera créé dans quelques jours au Conservatoire Darius Milhaud est l’une des concrétisations artistiques. Préconisée, aussi, la création d’un centre de formation aux métiers techniques de l’opéra dans les locaux du Festival à Venelles. La quatrième mission est d’ancrer le festival localement et de le développer à l’international. D’ores et déjà les partenariats locaux sont fructueux et se développent. A l’international, on l’a lu plus haut, l’ouverture sur la Méditerranée est déjà bien structurée. Dans le monde, c’est la circulation croissante des productions qui assure le développement. La multiplication des réseaux de partenaires est un travail de tous les instants.
Pour mener à bien ces missions des outils et des ressources sont mis en place et devront être développés au fil des années : image et communication, développement d’une politique de marque, maîtrise et développement des outils numériques tant pour l’artistique que pour la communication. Enfin, les conditions d’un développement durable du Festival ont été évaluée et font partie des préoccupations actuelles de l’équipe dirigeante.
La totalité de ces axes de travail seront suivis jusqu’en 2017 par l’actuelle équipe dirigeante. Mais Bernard Foccroulle a aussi fixé des objectifs à moyen et long terme… Histoire de transmettre, éventuellement, un héritage qui soit autre chose que la gestion de finances fragilisées par quelques productions pharaoniques pesant sur les budgets. Histoire, comme il le dit, de « Faire vivre l’opéra, un art qui donne sens au monde ».
Michel EGEA

«Alcina» frappe les trois coups au Grand Théâtre de Provence

Pour Alcina, Katie Mitchell a mis en place un dispositif scénique qu’elle affectionne. (Photo Patrick Berger / artcomart)
Pour Alcina, Katie Mitchell a mis en place un dispositif scénique qu’elle affectionne. (Photo Patrick Berger / artcomart)

C’est le « dramma per musica » en trois actes de Haendel qui ouvre le Festival d’Aix ce jeudi 2 juillet au Grand Théâtre de Provence. Pour servir l’œuvre, outre les musiciens du Freiburger Barockorchester placés sous la direction d’Andrea Marcon, outre la mise en scène de Katie Mitchell, c’est un trio d’exception qui se produira sur scène avec Patricia Petibon dans le rôle-titre, Philippe Jaroussky qui incarnera Ruggiero et Anna Prohaska qui sera Morgana. Le baroque comme on aime…
Représentations les 2, 4, 10, 12, 16, 18 et 20 juillet au Grand théâtre
de Provence à 19 heures. Informations et réservations au 08 20 922 923
et sur festival-aix.com – Tarifs de 30 à 250 euros.

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