Camp des Milles : « Transmettre par la musique » programmation musicale les 21 et 22 juin et 8 juillet à l’auditorium du Site-mémorial

Publié le 18 juin 2013 à  6h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  15h38

(PHOTO PHILIPPE MAILLÉ)
(PHOTO PHILIPPE MAILLÉ)

Seul grand camp français d’internement et de déportation encore intact et accessible au public, le Camp des Milles abrite depuis septembre 2012 un important musée historique tourné vers l’Éducation et la Culture. Une des caractéristiques du camp réside dans l’ampleur et la diversité de la production artistique réalisée par les internés qui qui y créèrent pour résister à la persécution et à la déshumanisation. On a ainsi retrouvé trace de plus de 400 œuvres picturales, musicales, littéraires… Dans le cadre d’un partenariat avec le Festival d’Aix-en-Provence deux concerts auront lieu au Site-Mémorial du Camp des Milles dans la suite de la venue du London Symphony Orchestra. Les 21 et 22 juin, l’œuvre d’Hans Krasa (compositeur tchèque assassiné à Auschwitz), Brundibar, opéra pour enfants en deux actes, sera jouée par des écoliers aixois au Site-Mémorial du Camp des Milles, 70 ans après sa création à Terezin. Une manière pour les enfants des Écoles d’Aix de s’approprier cette mémoire douloureuse par la pratique vocale et chorale. En première partie, sera interprété par des Professeurs du Conservatoire d’Aix en Provence, le Quintette à vent op.10 de Pavel Haas, lui aussi compositeur tchèque, déporté à Terezin puis à Auschwitz où il fut assassiné.

Les représentations auront lieu à 19h le 21 juin, et à 11h et 15h le 22 juin, entrée libre sur réservation (auprès du Festival International d’Art Lyrique d’Aix-en-Provence – 0820 922 923 (12 cts €/min)) et dans la limite des places disponibles.

Le 8 juillet, à 18 heures, c’est le quatuor Bela qui présentera un programme choisi spécialement en fonction du lieu qui l’accueille, avec trois grands compositeurs européens victimes du régime nazi, Belá Bartók, György Ligeti et Erwin Schulhoff.
Le premier parce qu’il refusa toute compromission avec ce régime, au point de s’exiler aux États-Unis; le deuxième parce que sa famille fut déportée et exterminée. Quant à Erwin Schulhoff, fascinant compositeur pragois, il fut interné dans le camp de concentration de Wülzburg, où il mourut d’épuisement. Nul doute que leurs musiques résonneront avec une intensité toute particulière au Camp des Milles.
Tarifs : 20 € Tarif jeunes : 10 € – Tarif réduit avec le Pass : 15 €- Tarif combiné avec la visite du site : 22,50 €
Pour réserver : – 0820 922 923 (12 cts €/min) – www.festival-aix.com

LES ŒUVRES ET LES COMPOSITEURS
Brundibar de Hans Krasa (1899-1944, mort à Auschwitz)
Hansel et Gretel, Aninku et Pepicek sont frères et sœurs. Pour sauver leur mère malade, ils cherchent à gagner de l’argent en chantant sur la place du marché. Mais le sinistre Brundibár les en empêche en couvrant leurs voix enfantines avec son orgue de barbarie. Cependant, les animaux vont venir les aider. Cette fable amère, qui fut créée dans le camp de concentration de Terezin le 23 septembre 1943 au Camp de Terezin, comporte une symbolique subtile que le chorégraphe Thierry Thieû Niang et la chef de chœur Anne Perissé dit Prechaq ont voulu aborder avec des enfants d’écoles aixoises. Hans Krása a étudié la composition à l’Académie allemande de musique et d’arts décoratifs à Prague avec Alexander von Zemlinsky. Après des séjours d’étude en France comme élève d’ Albert Roussel, il travaille comme chef de chœur au Nouveau théâtre allemand à Prague. C’est en 1921 qu’il obtient son premier succès comme compositeur avec les Lieder avec orchestre opus 1 sur des textes de Christian Morgenstern. En 1938 Hans Krása écrit l’opéra pour enfant « Brundibár » à l’occasion d’un concours du Ministère de l’enseignement et de l’éducation populaire. Mais Hitler envahit la Pologne et cet opéra ne peut être joué. Le 10 août 1942 Hans Krása est déporté au Camp de concentration de Theresienstadt. « Brundibár » y sera donné 55 fois et sera utilisé en 1944 dans un film de propagande nazie.. Dans le camp Hans Krása sera marié quelques mois avec Eliška Kleinová pour empêcher sa déportation en tant que femme seule. Dans la nuit du 16 octobre 1944, il est transporté en chemin de fer vers Auschwitz. Il meurt dans la chambre à gaz dès son arrivée.
Direction musicale : Anne Perissé
Mise en espace : Thierry Thieû Niang
Chœur : Classe de sixième CHAM Collège Mignet / Classe de CM2 de l’École Sextius / Atelier vocal du Festival d’Aix-en-Provence. Accompagnateur piano et arrangement : Frédéric Isoletta

Quintette à vent op.10 de Pavel Haas (1899-1944, mort à Auschwitz)
Pavel Haas a reçu sa première véritable éducation musicale à 14 ans à Brünn puis de 1919 à 1921, il étudie la composition au Conservatoire de Brünn avec Jan Kunc et Vilém Petrželka et ensuite deux années à l’école de musique de Leoš Janáček.
Sa musique, qui puise ses racines en Bohême et en Moravie, est parfois colorée de mélodies hébraïques. Le quintette En décembre 1941, Haas est déporté au camp de concentration de Theresienstadt. Il y a composé au moins huit œuvres dont l’une d’entre elle figure dans le film documentaire nazi Theresienstadt réalisé sur l’ordre des nazis par Kurt Gerron. Pavel Haas a été gazé un jour après son arrivée au camp d’Auschwitz en octobre 1944.
Interprètes : Soizic Patris (flûte), Mireille Lombard (hautbois), Daniel Paloyan (clarinette), Renaud Taupinard (cor) et Marc Duvernois (basson).

Le Quatuor Bela et Belá Bartók, György Ligeti et Erwin Schulhoff
Le Quatuor Béla est un quatuor à cordes français créé en 2006 qui se consacre à la musique contemporaine. Ses membres, issus du Conservatoire national supérieur de musique de Paris et de celui de Lyon, sont Frédéric Aurier et Julien Dieudegard (violons), Julian Boutin (alto), Luc Dedreuil (violoncelle). C’est avec une grande sensibilité qu’ils interpréteront le Troisième quatuor Sz. 85 de Belá Bartók le Premier quatuor à cordes, dit Métamorphoses nocturnes de György Ligeti et 5 pièces pour quatuor à cordes d’ Erwin Schulhoff (1894-1942)
Béla Bartók, (1881 -1945), est un compositeur et pianiste hongrois. Pionnier de l’ethnomusicologie, il enregistra sur le vif nombre de morceaux de musique folklorique d’Europe de l’Est. De 1907 à 1934, il enseigne le piano à l’Académie royale de Budapest tout en composant. Mais la Seconde Guerre mondiale bouleverse sa vie. Bartók ne se compromet jamais, ni de près ni de loin, avec le régime fasciste. Il s’oppose au régent Horthy qui a rallié les nazis. Il change de maison d’édition lorsque cette dernière se nazifie, refuse que ses œuvres soient jouées dans des concerts nazis, et demande à ce qu’elles participent à l’exposition sur la musique dite « dégénérée » à Düsseldorf. Le 8 août 1940, Bartók fait ses adieux à l’Europe lors d’un concert donné à Budapest et émigre aux États-Unis. Bartók s’éteint le 26 septembre 1945 à New-York à l’âge de 64 ans, vaincu par la leucémie.. À titre posthume, il est lauréat du prix d’honneur de la paix (décerné par le Conseil mondial de la paix) en 1954.
György Ligeti (1923-2006) est un compositeur roumano-hongrois naturalisé autrichien. Initialement formé au conservatoire de Cluj, le jeune Ligeti a dû interrompre ses études en 1943, à la suite des mesures antisémites prises successivement par le régent Horthy (dont l’armée avait réoccupé la majeure partie de l’ex-territoire austro-hongrois dévolu à la Roumanie par le Traité de Trianon) et le régime des Croix fléchées. Toute sa famille a disparu en déportation (sauf sa mère). Après la Seconde Guerre mondiale, il part étudier la musique et la composition à l’Académie Franz Liszt à Budapest, avant de se réfugier à Vienne. Après l’écoute du Gesang der Jünglinge (en) de Karlheinz Stockhausen, il contacte ce dernier qui accepte de l’intégrer à son studio de Cologne, où il rencontre Pierre Boulez, Luciano Berio et Mauricio Kagel, avec qui il travailla. Il s’installe à Vienne en 1959, où il obtient la nationalité autrichienne en 1967. Par la suite, il enseigne à Darmstadt ainsi qu’à Stockholm; il devient titulaire d’une chaire de composition au conservatoire de Hambourg en 1973. Il décède le 12 juin 2006 à Vienne.
Erwin Schulhoff (1894 -1942) était un compositeur et pianiste tchèque. Enfant prodige, il fut remarqué et encouragé par Antonín Dvořák. Juif, homosexuel, communiste et avant-gardiste, il fut une cible de choix pour les nazis, qui le traquèrent et le retrouvèrent avant qu’il ne parvienne à fuir en Union soviétique.
Il est l’auteur de l’opéra Flammen Flammes, du ballet Ogelala (probablement son œuvre la plus impressionnante car d’une incroyable férocité), de plusieurs symphonies et de diverses œuvres de musique de chambre. Il est aussi l’un des premiers compositeurs d’obédience classique à s’intéresser au jazz d’une façon importante. Il meut d’épuisement dans camp de concentration de Wülzburg près de Weissenburg en Bavière le 18 août 1942

LE CAMP DES MILLES : 1939-1942
Un lieu témoin prend le relais des témoins
Le Camp des Milles est aujourd’hui le seul grand camps français d’internement et de déportation encore préservé et accessible au public, et l’un des très rares en Europe .
Il a connu entre 1939 et 1942 un engrenage tragique d’internements d’étrangers et d’antifascistes de 38 nationalités, par la République puis par Vichy, pour devenir finalement une antichambre d’Auschwitz avec la déportation de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants juifs dans le cadre de la Shoah. De septembre 1939 à juin 1940, le Camp des Milles est un camp français pour « sujets ennemis » : Les ressortissants du Reich y sont internés alors que la plupart d’entre eux sont des réfugiés antinazis, ayant cherché asile en France. De juillet 1940 à juillet 1942, sous le Régime de Vichy, ce camp devient un camp pour les « indésirables ». Dans le cadre de sa politique générale d’exclusion et de répression, l’État français de Pétain transfère au Camp des Milles des antifascistes, des internés des camps du Sud-Ouest, d’anciens membres des brigades internationales, et des juifs ayant fui les persécutions. En août et septembre 1942, il devient un camp de déportation des juifs : Les juifs de la région considérés comme étrangers par Vichy sont conduits au Camp des Milles pour être déportés. On a donc raison de parler d’un « Vel d’Hiv du Sud », mais aux Milles, les déportations ont eu lieu avant même l’occupation allemande. Ce camp fut installé dans une ancienne tuilerie, au bout d’une simple rue d’un village proche d’Aix-en-Provence. C’est dans cet « ordinaire » du quotidien que des gens « ordinaires » ont pu – et peuvent encore – enclencher « l’extraordinaire » d’un assassinat de masse. C’est aussi un lieu où des hommes et des femmes, inconnus ou célèbres comme Max Ernst ou Hans Bellmer, ont su résister à la déshumanisation par le souci des autres ou par la création artistique dont de très nombreuses traces existent encore sur le site. Ils surent ainsi rester debout face à la persécution.

LE SITE-MÉMORIAL DU CAMP DES MILLES
Un trait d’union entre le passé et le présent
Ouvert au public depuis quelque mois, le Camp des Milles abrite un important musée historique, tourné vers l’éducation et la culture. L’action du Site-mémorial est destinée à renforcer la vigilance et la responsabilité de chacun face aux racismes, à l’antisémitisme et à tous les fanatismes :
• d’une part, en s’appuyant sur l’histoire de la Shoah et des crimes génocidaires commis contre les Arméniens, les Tsiganes et les Tutsis, ainsi que sur les résistances à ces crimes.
• d’autre part, en tirant parti des acquis pluridisciplinaires permettant de comprendre les processus individuels et collectifs qui peuvent conduire à ces crimes, mais aussi les capacités qui permettent de s’y opposer.
Un lieu sauvé par 30 ans de mobilisation de la société civile. Un parcours de visite inédit, pour apprendre de notre passé. Et un repère citoyen pour aujourd’hui et pour demain.
Plus d’info : www.campdesmilles.org

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