Camp des milles : La cérémonie officielle régionale de la « Journée Internationale de commémoration en mémoire des victimes de la Shoah » s’est tenue, ce dimanche 26 janvier, au wagon souvenir

Publié le 27 janvier 2014 à  22h42 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h13

(Photo D.R.)
(Photo D.R.)
« Il vous appartient que la vigilance ne soit pas un vain mot, un appel qui résonne dans le vide de consciences endormies (…) Votre responsabilité est de ne pas céder aux amalgames, à toutes les confusions (…) Sachez faire preuve de discernement, alors que le temps nous éloigne toujours plus de ces événements, faisant de la banalisation un mal peut-être plus dangereux que la négation. (…) Notre témoignage existe pour appeler à incarner et à défendre ces valeur démocratiques qui puisent leur racines dans le respect absolu de la dignité humaine, notre legs le plus précieux à vous, jeunesse du XXIe siècle. »
C’est le message de Simone Veil, lu par Denise Toros Marter, elle aussi déportée à 16 ans à Auschwitz, devant les jeunes écoliers, collégiens et lycéens rassemblés pour la cérémonie officielle régionale organisée au camp des Milles pour la Journée Internationale de commémoration en mémoire des victimes de la Shoah.
Autour de ces 150 jeunes, un public très nombreux a participé à cette commémoration pour la première fois tenue sous le haut patronage du Président de la République, sur les lieux mêmes du départ pour la déportation vers Auschwitz de plus de 2 000 hommes, femmes et enfants juifs en août et septembre 1942.

La diversité des présents -élus de toutes sensibilités, anciens déportés et résistants, diplomates, représentants institutionnels et religieux, associations, organisations humanitaires, représentants des communautés juive, chrétienne, musulmane, arménienne et tsigane- illustrait bien le caractère universel de la Shoah que symbolise cette Journée internationale de commémoration, décidée par consensus de l’Assemblée générale de l’ONU.

La cérémonie débuta par le « Chant des Marais », interprété par des élèves du Lycée Militaire. C’est ensuite dans une grande émotion que furent lus les noms des enfants et adolescents déportés des Milles par de jeunes écoliers des Milles. Quelques fleurs en leur hommage furent déposées par leurs camarades devant la stèle commémorative. Juste avant qu’un train ne passe, comme pour rappeler ce qu’il s’était passé il y a plus de 70 ans, au même endroit. Moment d’émotion forte ressentie par l’assemblée.

Les noms des Justes des Nations ayant œuvré pour les internés du Camp des Milles ont aussi été lus par des élèves du lycée Gambetta et de l’ORT-Bramson « pour se rappeler que, face au mal, il est possible de se lever au nom des valeurs de justice, de tolérance et d’humanité ».

Alain Chouraqui, Président de la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Éducation s’interroge : « Le Site-mémorial du camp des Milles a fait le pari de l’éducation et de la culture par la mémoire, par une mémoire respectueuse du passé mais vivante et partagée, le pari d’une mémoire utile au présent par l’analyse des mécanismes humains permanents qui peuvent encore mener au pire, et aussi par la présentation des résistances toujours possibles.
Parmi d’autres constats essentiels, que nous apprend donc cette mémoire pour aujourd’hui, comme autant de repères forts sur notre chemin tâtonnant ? Que l’antisémitisme et les racismes ont un potentiel explosif exceptionnel, qui justifie une vigilance et une fermeté elles-mêmes exceptionnelles ; ne le voit-on pas tous les jours dans le monde entier ? Que ce sont des engrenages psychologiques et sociétaux, des dynamiques puissantes qui transforment rapidement des sociétés et des hommes ordinaires en bourreaux, en complices, en victimes ; de l’insulte à la violence, de l’exclusion mentale à l’exclusion sociale, institutionnelle, physique ; de la démocratie défaillante à l’autoritarisme criminel. Que c’est dans les commencements qu’il faut réagir fermement car les résistances arrivent souvent trop tard et sont de plus en plus difficiles au fil des engrenages ; n’oublions pas, ce fut en quelques mois seulement, les premiers camps, la fin du Parlement, l’interdiction des syndicats et des partis… et, très vite, l’indifférence à ceux qui disparaissent à jamais…
»

Michèle Teboul, présidente du CRIF Marseille Provence, par la voix de son Vice-président Jean Meyer, déclare : « Il nous faut comme toujours répéter qu’une société qui laisse l’antisémitisme vivre en son sein, se nécrose. En cela notre combat est celui de tous et de chacun ! (…) Il nous faut agir avec force pour que chaque citoyen de notre pays, chaque professeur de nos écoles, chaque bénévole de nos associations, chaque représentant des cultes, chaque militant des partis qui font notre démocratie comprenne et sente au plus intime de lui-même la responsabilité et la grave faute qu’il y aurait à encourager et même seulement à détourner les yeux face à ce retour vers un passé de cris et de fureurs. »

Puis ce fut au tour de Maryse Joissains-Masini, maire d’Aix-en-Provence de prendre la parole pour affirmer la nécessité de s’adresser aux enfants plutôt qu’aux adultes : « sinon, on n’aura pas transmis ce qu’il faut d’équilibre, d’amour et d’humanité aux jeunes générations pour pouvoir avancer sans haïr l’autre. (…) Mais enseigne-t-on suffisamment aux enfants que la différence est quelque chose d’humain, de normal ? Enseigne-t-on aux enfants que l’envie n’est pas un moteur, que la haine n’est pas une passion normale et qu’il faut commencer à tolérer l’autre ? Je crois que ce lieu [le camp des Milles] devrait nous apprendre le vrai message de la tolérance et de l’acceptation de la différence». Et en évoquant le nom des enfants déportés, elle souhaite « une cérémonie de respect pour chacun de ces tout petits ».

André Guinde, pour le Conseil Général des Bouches-du-Rhône, souligne le souvenir « de ceux, enfants, femmes et hommes exterminés parce qu’ils étaient juifs ». Il ajouta: «C’est leur mémoire que nous devons protéger, c’est leur mémoire qui nous fait lever encore aujourd’hui tant l’antisémitisme refait surface. Toute la république réagit lorsque la haine est là parce qu’elle sait qu’elle ne concerne pas un groupe défini, en l’occurrence les juifs, mais l’ensemble du peuple de France. Et le meilleur combat contre l’antisémitisme, c’est de se souvenir mais également de savoir et de transmettre aux jeunes générations ». Il conclut : « Nous devons nous aussi, ainsi que nos enfants, rester vigilants. »

Gaëlle Lenfant pour le Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur affirme avec force que « la transmission de cette mémoire de la Déportation, de la Shoah et de la Résistance est primordiale et urgente. Ce lieu s’adresse à tous, en tout premier lieu aux enfants, il ne cessera de s’adresser aussi aux enfants des enfants parce que comme disait Camus: « Qui ne répondrait en ce monde à la terrible obstination du crime, sinon l’obstination du témoignage ? » C’est votre mission, votre honneur, et notre promesse de l’aube. »

Yves Lucchesi, représentant l’État, déclare: « Se souvenir, c’est refuser d’oublier, c’est se faire un devoir de transmettre cette histoire aux jeunes générations afin que jamais ne soient banalisées, minimisées ou niées les cruautés de l’Holocauste. Se souvenir, c’est faire comprendre les dérives de toutes sortes de discriminations ou d’extrémismes (…)». Puis il affirma avec force: « l’État met et s’attachera à tout mettre en œuvre pour que cesse toute forme d’antisémitisme quelle qu’elle soit ».

A l’issue de cette commémoration les Lycées Cézanne et Gambetta d’Aix-en-Provence et le Lycée Fourcade de Gardanne signèrent une convention de partenariat avec la Fondation du Camp des Milles-Mémoire et Education.
Alain Chouraqui a ainsi souligné l’importance de ces premières conventions dont il espère qu’elles seront suivies de beaucoup d’autres parmi les 500 établissements qui ont déjà envoyé leurs élèves sur le Site. Gaëlle Lenfant a rappelé l’engagement du président de la Région que chaque lycéen puisse visiter le Site-Mémorial. Les proviseurs des lycées ont souligné la richesse des projets pédagogiques menés autour de la visite du Site-Mémorial.

L’accueil de 30 000 élèves en 2013 comme ces partenariats concrétisent bien le souhait des fondateurs du Mémorial et notamment des anciens résistants et déportés de transmettre aux jeunes des clés de compréhension et de vigilance contre les intolérances extrémistes et les violences barbares. A l’heure où beaucoup de témoins de cette histoire tragique disparaissent et où montent à nouveau le racisme et l’antisémitisme, ces jeunes peuvent ainsi devenir les relais des témoins, les acteurs de lendemains meilleurs.

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