Chronique du Pr Gilbert Benhayoun : Discours aux Nations-Unies

Publié le 3 octobre 2015 à  9h53 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  20h07

Le Pr. Gilbert Benhayoun est président du groupe d’Aix qui comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Le Groupe d’Aix est un groupe de travail unique qui produit et diffuse des documents de recherche dans le but de promouvoir des solutions « gagnant-gagnant » pour les Palestiniens et les Israéliens. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées

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Mercredi 30 septembre et jeudi 1 octobre, le Président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas et le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, se sont adressés, chacun leur tour à l’Assemblée Générale des Nations-Unies. De ces discours, c’est plus la forme que le fond que la presse internationale a retenu.
Sur le fond, on attendait, de la part de Mahmoud Abbas, une prise de position qui devait, selon ses propres dires, prononcés quelques jours auparavant, surprendre tout le monde. Les spéculations faisaient alors état d’une possible annonce d’annulation des accords d’Oslo, signés avec les Israéliens en septembre 1993, à la Maison Blanche. Dans cette hypothèse, les accords portant sur la coopération sécuritaire entre Palestiniens et Israéliens [[ Ainsi, le 18 septembre dernier les forces de sécurité palestiniennes ont reçu l’ordre de réprimer les protestations contre Israël à Bethléhem. La répression a été brutale et le fils d’un officier de police, Mohammad Radwan Hamamreh, a été sévèrement battu. La vidéo qui a circulé sur Facebook a enflammé la rue palestinienne qui a jeté des pierres sur le bâtiment qui abrite les services de sécurité palestinienne. Le président Abbas a été hué à cette occasion. C’est dire sa position de plus en plus difficile.]], dont tout le monde s’accorde à dire qu’ils fonctionnent correctement au bénéfice des deux parties, seraient annulés. Et, à cet égard, le Président Abbas a annoncé qu’il allait mettre fin aux accords d’Oslo. Pour lui, « So long as Israel refuses to commit to the agreements signed with us, cease settlement construction and release prisoners, Israel has left us no choice but to insist that we will not remain the only ones committed to these agreements. » A la lecture, la prise de position de M. Abbas n’est pas claire. Il ne dit pas clairement que les accords sont dénoncés. En fait il s’agit d’un signal, adressé en premier à la communauté internationale.
Le 1 octobre, reprenant ses propos, un important officiel palestinien, Mustafa Barghouti, insiste. Pour lui, l’Autorité palestinienne n’est plus tenue par les accords signés avec les Israéliens, y compris les Accords d’Oslo : «Oslo accords are over. So are the rest of the agreements with Israel» (AFP). On peut en déduire que les accords portant sur le partage des eaux des aquifères montagneux (Oslo II, article 40) sont également dénoncés. Il est ainsi prévu qu’au retour de New York, Abbas entamera les procédures d’annulation des accords. Va-t-il concrètement donner suite? C’est la question. Les conséquences seraient très négatives, aussi bien pour les Israéliens, qui auraient, en tant que puissance occupante, à gérer la Cisjordanie, que pour les Palestiniens qui ne pourront plus assurer le traitement des 160 000 fonctionnaires, du fait d’un arrêt probable de l’aide internationale. Nous pouvons alors fortement douter que l’Autorité palestinienne décide officiellement de se saborder.
C’est la prise de position d’un éditorial du New York Times [[Marissa Newman, New York Times, 2 octobre 2015]] . Il s’agit, selon nous, d’un appel à la communauté internationale afin que l’attention, détournée par les événements en Syrie, se porte à nouveau sur la question palestinienne. Pour, Frédérical Mogherini, haute représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, la mise en œuvre de la déclaration de Mahmoud Abbas dépendra des actions qu’Israël entreprendra à l’avenir. Pour elle, il y a un si dans les propos d’Abbas, et c’est sur ce si que nous allons (communauté internationale) travailler. Le Quartet (États-Unis, Union européenne, Nations-Unies et Russie) s’est réuni mercredi dernier et a décidé de «revitaliser» ses activités sur la question israélo-palestinienne.
Sur le fond, Abbas se prononce clairement pour une négociation multilatérale. Le représentant palestinien aux Nations-Unies, Riyad Mansour, fait explicitement référence aux efforts déployés par la France pour relancer un processus de négociations qui inclurait un certain nombre de pays directement intéressés par le conflit. [[Al-Monitor, 1 octobre 2015]] la question de savoir quelle est la position palestinienne concernant l’initiative française de s’adresser au Conseil de Sécurité pour une nouvelle résolution, Mansour répond que le précédent des négociations entre les 5+1 et l’Iran est à suivre : «In light of the international success in getting the Iran nuclear deal resolved, there is serious thinking by the French at following that example by creating an effective, unified, international effort and creating an acceptable mechanism that can work to find a permanent resolution». Finalement, on peut se poser la question de savoir si Abbas, qui a plus de 80 ans n’a pas renoncé à faire la paix avec Israël. Les gestes symboliques, tels que lever le drapeau palestinien devant les Nations-Unies, ne suffisent pas à faire avancer la cause palestinienne. Il est impopulaire aussi bien en Cisjordanie que dans la Bande de Gaza, et celle-ci n’est plus sous le contrôle de l’Autorité palestinienne depuis 2007. Une génération de palestiniens, ceux qui étaient proches de Yasser Arafat quitte ou va quitter, à bref échéance les rênes du pouvoir. Les couloirs bruissent de savoir qui remplacera Abbas.
Le Premier ministre israélien, s’est quant à lui, exprimé jeudi 1 octobre. Sur le fond, peu de surprises. Sur 40 minutes d’intervention il en a consacré près de 30 à évoquer la question iranienne. Il a accordé beaucoup moins de temps à la question palestinienne. Il s’est dit prêt à reprendre les négociations sans condition, sur la base de deux États. Donc rien de très nouveau. En revanche, sur la forme, il a retenu l’attention, et des membres présents de l’Assemblée générale des Nations-Unies et de la presse internationale. Évoquant le massacre des 6 millions de juifs durant la seconde guerre mondiale, il a fustigé les Nations-Unies de garder le silence face aux menaces de l’Iran de détruire Israël. A ce moment, il a gardé le silence durant 44 secondes, parcourant lentement des yeux les membres de l’Assemblée, qui sont restés immobiles et eux-mêmes silencieux. En ce sens Netanyahu s’est rendu maître du silence. Le silence prolonge l’effet désiré et obtenu. Le paradoxe est que l’on retiendra de son discours le silence. [[Thomas J. Bruneau, Francine Achaz « Le silence dans la communication » Communication et langages Année 1973 Volume 20 Numéro 1]] Et c’est «peut-être pendant les périodes de silence (…) que l’on ressent le plus de gêne».

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