Cinéma : Philippe Claudel signe avec « Une enfance » un film au récit poignant

Publié le 5 octobre 2015 à  21h16 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  20h07

Philippe Claudel, écrivain, cinéaste... (Photo D.R.)
Philippe Claudel, écrivain, cinéaste… (Photo D.R.)
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Équipe technique réduite, volonté de travailler en cadrant au plus près les visages, désir de faire apparaître sur l’écran le maximum d’inconnus, Philippe Claudel signe avec «Un enfance» un film qui renouvelle son travail sur grand écran. On est assez happés par cette réalisation plus proche du Truffaut des «400 coups» que de son long métrage «Il y a longtemps que je t’aime» autant sur la forme que sur le fond. Ici, la narration plus éclatée laisse entrevoir un monde fait de ruptures, de contradictions, la non-linéarité du récit nous plonge dans les contradictions liées au monde de l’enfance où l’innocence, la joie, et le souhait d’innocence se heurtent, comme il le dit lui-même, «à la violence de situations psychologiquement âpres, à des injonctions, des demandes, des choix auxquels un enfant ne devrait pas être soumis». Au cœur du récit Jimmy, un adolescent de treize ans, au cœur de forces mécaniques contraires, (envie de vivre son enfance et obligation de prendre en charge son petit frère, donc devenir adulte plus vite que prévu), que les blessures de la vie vont chambouler son être tout entier. Nous sommes bien sûr comme souvent chez Claudel dans une ville de l’Est aux vastes limites humaines, avec un décor plus ou moins désincarné lui aussi. Très au fait des questions de l’enfermement moral et physique Philippe Claudel, qui travailla en prison et en tira «Le bruit des trousseaux» un récit absolument poignant, permet ici aux acteurs d’incarner des êtres tiraillés entre leur nature et leur liberté, enfermés dans des instants de non langage, souffrant pour eux-mêmes et pour leurs proches, n’arrivant pas à communiquer autrement que par des regards et des cris de colère lancés à la violence du monde. En ce sens le message d’un impérieux besoin d’éducation lancé par le biais d’un instituteur classique mais inventif sonne comme un manuel de résistance et d’épanouissement de l’être. On sait aussi l’attachement de Philippe Claudel aux différentes formes de fiction, lui qui, membre de l’Académie Goncourt, défend le roman dans son essence même. Alexi Mathieu qui incarne Jimmy rappelle sous bien des aspects «L’incompris» de Luigi Comencini et ses rapports avec un beau-père brutal qui le tient sous sa coupe est également un des temps forts de ce film sombre et solaire, compassionnel et profond que l’on regarde avec le sentiment d’entendre par son intermédiaire l’une des grandes voix artistiques françaises, capable de se renouveler et d’adapter son style à l’histoire qu’il raconte.
Jean-Rémi BARLAND
« Une enfance » de Philippe Claudel avec Alexi Mathieu, Angélica Sarre, Pierre Deladonchamps, Jules Gauzelin, Patrick d’Assumçao. Dans les salles depuis le 23 septembre

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