Cinéma – « Un sac de billes » de Christian Duguay : un fond plus intéressant que la forme

Publié le 15 janvier 2017 à  21h19 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h48

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Au départ un roman de Joseph Joffo qui, sorti en 1973 connut un succès de librairie constant. En effet, depuis sa parution «Un sac de billes» ne cesse d’être réédité, trouvant un public large, et fait l’objet de maintes études en milieu scolaire. On ne s’étendra pas sur le peu de qualités strictement littéraires de l’ouvrage, l’essentiel étant dans le contenu poignant où l’auteur évoque son enfance durant l’Occupation allemande. Fils d’un coiffeur juif, il dut partir sur les routes avec son frère Maurice pour échapper aux rafles et à la déportation, et avec un courage physique autant que moral il réussira à survivre, le roman retraçant le périple des deux enfants de Paris jusqu’en Savoie en passant par Nice, où un moment ils croient retrouver auprès de leurs parents qui les ont rejoints la liberté et une certaine forme d’apaisement. Hélas, les jours sombres sont devant eux le père étant déporté, mourant en camp, la mère seule s’en sortira ainsi que les deux aînés accueillant à Paris après la Libération Joseph et Maurice qui reprendront la boutique du coiffeur. Tout cela le film le montre avec un grand respect de l’histoire, une réelle attention apportée aux décors de l’action, aux costumes, aux éléments principaux, à la véracité du récit. Christian Duguay qui est tout sauf un cinéaste inventif se contente de cadrer correctement les visages, et use voire abuse de sentimentalisme mielleux avec ralentis à la clef, pour montrer avec une conviction profonde le bien-fondé de sa pensée humaniste. Comme toujours dans ce genre de film la visée est avant tout pédagogique (pas une once d’audace derrière la caméra) si bien que l’on semble s’adresser aux jeunes générations pour leur suggérer de ne jamais oublier. Ce qui est fort louable d’un point de vue éthique mais assez pauvre dans le domaine artistique. Rien n’est omis, tout est dit, redit, souligné, rien n’est suggéré, les personnages ont la tête de leurs idées et chaque acteur de second rôle qui incarne une fonction particulière (le milicien, le médecin, le passeur, le résistant, le collabo, la femme tondue, le nazi qui interroge, le prêtre courageux) semble comme Kev Adams, Christian Clavier ou Bernard Campan venir réciter un texte à thèse chargé de préciser comme un cours d’histoire l’état de la France pétainiste. Dialogues à l’appui, (on nous rappelle que le Maréchal inventa « La fête des mères »,) le réalisateur enfonce le clou mais après tout ses intentions sont louables et même si le moins pire est l’ennemi du beau, cela se regarde sans ennui.

Bruel lance des regards citoyens

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On notera avant tout la puissance du jeu des deux enfants. Dorian Le Clech dans la peau de Joseph est parfait, tout comme Batyste Fleurial, excellent en Maurice, le frère aîné et protecteur. Quant aux autres comédiens principaux, ils calquent leur jeu sur la leçon d’Histoire proposée. Elsa Zylberstein en Anna, la mère des enfants est touchante. Elle ne crée rien non plus. Dans la peau du père Patrick Bruel lance des regards citoyens qui semblent nous dire : « souvenez-vous, et n’oubliez jamais ». En un mot, il n’a qu’un seul type d’expression, la responsabilité en incombant au réalisateur, fort peu directeur d’acteurs, et bien moins brillant que Jacques Doillon qui, dès 1975 adapta à l’écran le roman de Joffo. Mais en ces temps troublés on saluera cet engagement quasi politique nous rappelant l’urgence de rejeter haine racisme et antisémitisme. Certes nous ne sommes pas chez Brecht, et son texte sur le ventre fécond de la bête immonde. Mais, faute de grives…on fera avec.
Jean-Rémi BARLAND
Dans les salles 18 janvier 2017

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