Concours de boules : Une semaine à suivre « le Provençal » à Marseille

Publié le 28 juillet 2017 à  20h35 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h18

18 heures, le rideau vient de tomber sur la 100e édition du « Provençal », qui s’est déroulée du 23 au 28 juillet, les gradins du stade éphémère baptisé pour l’occasion Calanotti, un joueur de légende, se vide doucement. Le Parc Borély va pouvoir enfin retrouver un peu de son calme. Le dimanche d’avant, ils avaient déjà répondus présents « les longuistes » qui étaient en manque du beau jeu, puisque l’édition 2016 n’avait pas eu lieu. A y regarder de près, la longue, est un sport de boules joué par des gentlemen, pour s’en convaincre il suffit de patiemment les regarder jouer, de les écouter parler tous ces mordus qui viennent camper toute la semaine le long des terrains. Ici, il suffit simplement de savourer ce jeu qui est nourri aux racines profondes mais aussi à la sève de l’identité et du patrimoine régional.

Le rideau vient de tomber sur la 100e édition du
Le rideau vient de tomber sur la 100e édition du
Le ténor marseillais, Luca Lombardo affiche sa passion pour Le Provençal (Photo J.P.)
Le ténor marseillais, Luca Lombardo affiche sa passion pour Le Provençal (Photo J.P.)

Heureusement que cette discipline est bien protégée par la Fédération française de pétanque et de jeu provençal, (la FFPJP) parce que chacun au bout du compte a bien conscience que cette discipline-là, est porteuse de sens. Revêche aux modes, elle assume ses ruptures à l’air du temps, cette longue avec ses parties qui parfois peuvent durer plus de cinq heures. C’est un défi au temps, alors que tout nous conduit à aller toujours plus vite, à épouser les modes zapping et la folie des spots publicitaire qui découpent en tranche un événement sportif comme une tranche de saucisson. Elle résiste, cette longue parce qu’ici, sans doute que la gestion du temps a été il y a fort longtemps érigé comme un art de vivre. Depuis dimanche, tous les jours, au 1er coup de canon, les parties commencent, on peut voir à l’œuvre les artistes et ce n’est que du bonheur. C’est évident, ça saute aux yeux, il y a quelque chose qui renvoie à l’albatros de Baudelaire, à ce poème ou il décrit cet oiseau comme un roi de l’azur, maladroit et honteux, laissant piteusement leurs grandes ailes blanches comme des avirons traîner à côté d’eux lorsqu’ils ne sont plus dans le ciel. L’albatros, c’est le longuiste, majestueux lorsqu’il s’envole, lorsqu’il tire, lorsqu’il joue des pas de danse, son jeu est un ballet porté dans une sorte de chorégraphie réglée le plus souvent en équipe mais, le longuiste redevient un simple bouliste gauche et maladroit, dès que ses pieds sont tanqués.

Que dire encore de cette atmosphère si particulière qui vous gagne à Borély, on y ressent très vite le besoin de communier car la pratique du jeu ne laisse guère de place aux «roulades» ni même à la fanfaronnade. Sans doute parce que la tâche est rude, aller au bouchon, atteindre la boule au tir, cela demande de la concentration et surtout une bonne lecture du terrain doublée d’une dextérité qui s’acquiert avec le temps.
Une semaine vient de s’écouler, ce coup-ci le rideau est baissé, le concours est terminé, il nous a régalés avec un air de fête qui a flotté tous les jours sur nos têtes et dans les allées remplies des anciens champions qui se sont retrouvés face à des équipes dont les joueurs sont beaucoup moins aguerris. Il fallait voir la beauté du bonheur élégant qui se lisait sur les visages de tous ces compétiteurs venus d’horizons si différents les uns et les autres.

On y a croisé des artistes comme Luca Lombardo qui fait partie de ceux-là, le ténor marseillais de renommée internationale est un passionné du jeu provençal. Il a savouré le plaisir d’être ici parmi les siens. Certes, il a perdu dès la première partie mais il est resté au Parc toute la semaine. Pour Destimed il a accepté de se raconter: «C’est grâce à mon père que je joue à la longue, j’avais 20 ans lorsque j’ai commencé, Le Provençal, je le fais chaque année, sauf quand je suis en tournée. C’est loin, je sais, mais, lorsque j’étais enfant, je me rappelle avoir vu des parties mémorables, ici à Borély, mes idoles sont Massoni et Lovino. Je me souviens de la manière qu’ils avaient de s’habiller, ils avaient la classe, toujours en pantalon avec des chemises impeccables. Je suis addict au jeu provençal, même loin de Marseille lorsque je suis en tournée, au Mexique, au Japon ou ailleurs, j’y pense. Je pense aux copains qui jouent le samedi après-midi sur le boulodrome municipal de Septèmes. A des milliers de kilomètres, je me surprends même à repérer des terrains de boules, je caresse la terre battue avec mes pieds, alors j’imagine les parties que nous pourrions faire, vous voyez, je suis accroc.» Avant de nous quitter, Luca revient sur la compétition, une des parties qu’il a suivie avec bonheur, c’est celle qui aura vu s’affronter un peu trop tôt, Stievenart et Matraglia. «Je suis heureux d’avoir vu des jeunes, de nombreux jeunes, comme René Giordanengo vous vous rendez compte 16 ans et Martin Torres 14 ans, un rêve», se réjouit-il.

Chacun a pu souligner que cette édition marque le 100e anniversaire, avec des favoris sortis du jeu et de nouvelles figures qui sont apparus dans le dernier carré. Pour Jean Pierre Givone le Président de l’ASPTT Marseille, organisateur historique, 2017 est un bon cru. «C’est un grand bonheur d’avoir relancé la machine, nous le devons aux partenaires qui ont joués le jeu, mais notre force c’est aussi le nombre de bénévoles qui ont donnés le meilleur d’eux mêmes. Je suis fier de ce défi relevé par l’ASPTT, cela promet de bonnes choses pour l’an prochain», assure-t-il.
Mais l’heure de la finale ce vendredi est enfin arrivée, elle aura été grandiose avec ses finalistes méritants, tous déterminés à accrocher leur noms au tableau des légendes.
Au bord des gradins, Michel Montana, fondateur avec Paul Ricard du Mondial La Marseillaise à Pétanque, était là, accompagné par Franz-Olivier Giesbert, directeur éditorial de La Provence attentifs comme jamais au jeu qui se déroulait sous leurs yeux dans une arène écrasée de soleil. En aparté, Alain Demichelis, nous dira sont amusement d’avoir vu dans le dernier carré de nouveaux joueurs. «C’est bon signe cela prouve que ça tourne», dira Alain fidèle des fidèles, pilier de l’épreuve, fondateur et refondateur, joueur plusieurs fois champions. Ému, il parlera entre deux mènes chaudes de son copain Petou Caglieri parti rejoindre d’autres champions au paradis des boulistes. «Il me manque encore, avoue-t-il, nous avons travaillé ensemble, nous avons joué aux boules ensemble, nous avons gagné et perdu ensemble et nous avons même été champion ensemble. Quand un joueur s’apprête à tirer, quand le public fait le silence, je pense à lui, le Petou lui, le ludique qui aimait les boules. Ce type collait à merveille à l’esprit du jeu provençal. C’est fou mais il me manque…»
Cette finale était à l’image de la semaine, une partie grandiose, serrée, avec du drame et de la tragédie. Trois heures et demie de joutes acharnées, un combat de chaque instant au milieu de tribunes surchauffées. Le tout pour une victoire 13 à 12 de l’équipe vauclusienne composée de Richard Aumage, le sympathique Charly Bounoua et Lionel Cerriana contre l’équipe valeureuse et malheureuse menée par Clément Kerisit, de Pierre-Jean Coucourde et d’Éric Herzog. Désormais le rideau est tombé, sur tous les boulodromes provençaux. Il y aura de quoi parler à l’infini de cette finale de haut niveau, elle va alimenter les discussions les regrets et les regrets encore jusqu’à la prochaine édition que tout le monde appelle de ses vœux.
Jean PRIMAIRE

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