Conseil municipal de Marseille : polémique sur la future présidence d’Euroméditerranée

Publié le 9 décembre 2013 à  22h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h10

En cette période préélectorale, la fin du mandat de Guy Teissier (UMP) à la tête de l’Etablissement public Euroméditerranée a donné lieu à la première passe d’armes ce lundi matin au conseil municipal de Marseille. Alors que le président de la Région Michel Vauzelle (PS) est pressenti pour lui succéder, la majorité municipale dénonce une manœuvre politicienne du gouvernement. Le PS lui renvoie la balle en rappelant qu’il n’est pour rien dans le fait que le mandat du député-maire des 9e et 10e arrondissements arrive à son terme.

img_2772_conseil_municipal_9-12-2013.jpgPour ce dernier conseil municipal de l’année, mais pas de la mandature comme n’a cessé de le rappeler le sénateur-maire de Marseille Jean-Claude Gaudin (UMP), il n’y a pas eu de round d’observation ce lundi 9 décembre dans l’hémicycle Bargemon. L’appel était à peine terminé sur les coups de 8h30 que Guy Teissier (UMP) se saisissait du premier des 400 rapports à l’ordre du jour pour tirer les premières salves en cette période préélectorale. « Je souhaite profiter de ce rapport sur la Zone d’aménagement concerté (ZAC) de la cité de la Méditerranée, et donc sur Euroméditerranée pour faire un rapide bilan de ma présidence qui s’achève, et en même temps commenter les spéculations politiciennes que semblent susciter ma succession », prévient d’emblée le président de l’établissement public.
Après avoir rappelé qu’il était arrivé à cette présidence en 2008 alors qu’Euroméditerranée venait de changer d’échelle, via « une extension de 180 hectares décrétée en 2007 » qui en faisait l’opération d’aménagement « la plus grande d’Europe », le député-maire des 9e et 10e arrondissements est revenu sur le gouvernance qu’il a mis en œuvre durant plus de 5 ans à la tête de l’établissement public. « C’est par le consensus que nous sommes parvenus à conduire des opérations parfois délicates, et je voudrais remercier ici l’État, les collectivités locale, la ville de Marseille, la communauté urbaine, le Département, la Région, ainsi que le port et nos partenaires du secteur privé », assure-t-il, avant d’ajouter : « C’est par le consensus que l’histoire d’Euroméditerranée s’est écrite et doit continuer à s’écrire ».
Au-delà « des décisions importantes qui témoignent de l’ambition du projet Euroméditerranée pour Marseille », comme l’obtention du label Ecocité en 2009, le processus de création de la ZAC littorale ou la signature de la charte ville-port « qui marque une nouvelle étape de notre partenariat avec le Grand port maritime de Marseille (GPMM) », Guy Teissier tient à insister sur sa méthode. « Les décisions ont toujours été collectives. J’ai toujours souhaité associer les élus à nos démarches prospectives. Je suis ainsi allé à Paris accompagné d’Eugène Caselli (PS) et de Roland Blum (UMP) plaider l’obtention du label Ecocité auprès de l’État. Nous l’avons obtenu, et nous sommes fiers de ce succès commun », rappelle-t-il. « Toujours dans cette démarche de consensus », le président d’Euroméditerranée assure ne s’être « jamais tenu à l’écart des réalités du terrain ». « J’ai toujours été solidaire de mes collègues maires de secteur et lorsque des projets ont fait polémique sur le périmètre, nous sommes allés à la rencontre des habitants. Ces rencontres ont été fondamentales, car, au cours de ces dernières années, je me suis appliqué à expliquer l’opération aux Marseillais, et à en rendre les retombées visibles, compréhensibles, afin que chacun s’approprie la ville et le projet urbain. Cette volonté s’est notamment traduite par des processus de concertation renforcés, mieux structurés, avec les habitants et les entreprises du périmètre », poursuit-il.

« Je ne peux que regretter de voir comment le gouvernement essaie de politiser cette gouvernance »

Estimant que « la réussite d’Euroméditerranée nécessite d’harmoniser le développement urbain et économique avec le bien-être des habitants », Guy Teissier est « fier de constater que ces cinq dernières années ont marqué de grandes avancées pour Euroméditerranée ». « Elles s’illustrent au travers de la réussite historique de Marseille Provence 2013, Capitale européenne de la culture. Six millions de visiteurs à ce jour ! Un défi que personne ne nous voyait relever il y a encore quelques années. Avec tous les partenaires, nous sommes fiers d’avoir contribué à la coordination du plus grand chantier culturel de France – 80% des équipements culturels de MP 2013 sur Euroméditerranée -, un chantier qui a redonné à Marseille un rayonnement international », se félicite-t-il, sans oublier de citer la réalisation du boulevard du Littoral, la livraison du J4, la poursuite de la réhabilitation de la rue de la République ou la réfection de l’esplanade de la Major.
Mais à l’heure du bilan, le président, dont le mandat arrive à son terme, se projette aussi dans le futur pour lequel il souhaite « le maintien de la gouvernance équilibrée, unique, qui est la nôtre depuis des années ». Or, selon lui, c’est là que le bât blesse depuis que l’État s’est prononcé en faveur du président de la Région Paca Michel Vauzelle (PS) pour succéder à Guy Teissier, en demandant à ses représentants de voter pour lui lors du prochain conseil d’administration. Ce dernier, qui devait se tenir le 4 novembre, a finalement été reporté afin d’apaiser le climat politique qui entoure l’élection du nouveau président de l’établissement public, sans que cela ne remette en cause les chances de Michel Vauzelle d’accéder à la tête de cette institution que la droite gère depuis sa création.
Pour autant, Guy Teissier n’en démord pas. « La réussite de ce projet tient dans cet équilibre jamais démenti, où l’État et les collectivités locales dialoguent et s’associent, de manière exemplaire, pour assurer la continuité des actions engagées. Aussi, je ne peux que regretter de voir comment le gouvernement essaie de politiser cette gouvernance. En agissant ainsi avec l’accord tacite de Patrick Mennucci (PS), le gouvernement fragilise Euroméditerranée et joue contre Marseille », dénonce-t-il.
Et le député-maire des 9e et 10e arrondissements, qui doit être promu à la présidence de Marseille Provence Métropole (MPM) si la droite l’emporte en mars prochain, d’embrayer sur la future campagne des municipales. « Le pire c’est que cette entreprise de déstabilisation n’est pas motivée par un changement de stratégie de développement que pourrait soutenir l’État, mais uniquement par des combinaisons politiciennes internes du parti socialiste. Et ce qui se passe en ce moment à Euroméditerranée, ce ne sont que les prémices de ce que pourrait être une gestion socialiste de Marseille », tranche-t-il.

« Avec Patrick Mennucci, les Marseillais deviendraient les otages de gens qui se haïssent »

Puis Guy Teissier porte l’estocade en jugeant qu’« avec Patrick Mennucci, les Marseillais deviendraient les otages d’un maire installé par des gens qui se haïssent ». « Ce qui me navre, c’est que pendant que M. Vauzelle, qui a déjà bien du mal à gérer la Région au point de découvrir toujours après coup les turpitudes de ses vice-présidents, guerroie contre Mme Ghali sous le regard interrogatif de M. Guérini, avec la complicité bienveillante de M. Caselli et l’incapacité à trancher de M. Mennucci. Oui pendant ce temps-là, personne ne s’occupe du territoire d’Euroméditerranée », dénonce-t-il.
Il ne manque pas en outre de s’interroger sur la politique que la gauche compte mener sur le périmètre. « Michel Vauzelle veut plus de logements sociaux ? Ce sont ses déclarations ? Nous en avons déjà 30%, et j’avais cru comprendre que tant Mme Narducci que Mme Ghali souhaitaient réduire la voilure. Il est prévu un grand Arena à Cap Pinède, projet soutenu par Mme Ghali et M. Caselli, mais combattu par M. Mennucci. Nous portons ensemble le projet de création d’un commissariat à l’épicentre d’Euromed 1 et 2 ? Mais que fait M. Valls ? », assène-t-il.
Et Guy Teissier de conclure : « Voilà du concret, voilà des dossiers sur lesquels le gouvernement aurait pu annoncer une mobilisation plutôt que de nous promettre des milliards pour dans 15 ans. Avec le gouvernement socialiste, c’est aujourd’hui moins qu’hier et encore moins demain. Ces manipulations ne sont pas dignes d’élus qui aspirent à représenter cette ville. A vrai dire des Marseillais vous en faites peu de cas… et c’est bien ce qui m’inquiète. »
Une tirade qui ne manquait pas de faire réagir Patrick Mennucci, tête de liste des socialistes à Marseille en mars prochain. « Je savais qu’on aurait un conseil municipal politicien », souligne-t-il d’emblée tout en se disant « assez étonné des propos de M. Teissier ». « Quand il est président, ce n’est pas politicien, quand c’est quelqu’un d’autre, ça l’est », ironise le député-maire des 1er et 7e arrondissements. Avant de se livrer à une mise au point. « Si le mandat de M. Teissier comme président d’Euroméditerranée prend fin, nous n’y sommes pour rien : nous n’avons pas de responsabilité dans la gestion du temps ni de l’âge des personnes, nous n’y pouvons rien », martèle-t-il. Puis il tient à rappeler au député-maire des 9e et 10e arrondissements « une chose qu’il semble avoir oubliée ». « Une parlementaire UMP a été élue à la présidence du Grand Projet de Ville (GPV). Alors que la majorité était de gauche, l’État a décidé de faire élire Valérie Boyer », ironise-t-il.
Et Patrick Mennucci de conclure en s’adressant au maire de Marseille : « Je ne sais pas qui sera le futur président d’Euroméditerranée, je ne lis pas dans le marre de café. Mais ce conseil a commencé sous votre directive : « Allez-y, chargez les canons, quoi qu’on dise, il faut qu’on tape ». »

« Nous ne sommes pas ici au café du commerce pour savoir qui va présider Euroméditerranée »

Samia Ghali (PS) aurait quant à elle « préféré qu’on laisse jusqu’au mois de mars un fonctionnaire » à la tête d’Euroméditerranée, avant que les élections ne livrent leur verdict. « C’est un secteur qui a besoin de quelqu’un à plein temps qui connaisse le territoire », plaide la sénateur-maire des 15e et 16e arrondissements. Une opinion que partage Lisette Narducci (PRG), maire des 2e et 3e arrondissements, le secteur où se trouve le périmètre d’Euroméditerranée. « C’est une opération d’intérêt national. J’aurais souhaité que l’on abroge de quelques mois ou qu’on avance avec la présidence confiée à un fonctionnaire », souligne-t-elle.
Bernard Marandat (FN) croit déceler dans ce débat « une certaine préoccupation » à l’approche des élections municipales. Ce qui lui donne l’occasion d’ironiser. « D’un coup l’UMP rentre en guerre contre le PS, alors que vous-même M. le maire, lors du dernier conseil municipal, demandiez aux socialistes de vous soutenir à Brignoles où la démocratie était en jeu. Les socialistes n’ont pour vous que méchanceté et menterie comme vous dîtes : il est temps que vous le réalisiez », lance-t-il à l’adresse de Jean-Claude Gaudin.
Jean-Marc Coppola (PCF) ne manque pas de dénoncer cette entrée en matière de la majorité municipale. « Si chacun de vos adjoints défend le bilan de son mandat, vu que nous avons 400 délibérations à voter, nous ne sommes pas sortis de l’auberge ! », tranche-t-il sur la forme. Avant d’attaquer le fond. « Nous ne sommes pas ici au café du commerce pour savoir qui va présider Euroméditerranée. La question est de faire en sorte que cet outil de développement réponde aux besoins de la population et surtout quelle serait la façon de gérer Euroméditerranée. M. Teissier s’est gloussé, mais il y a eu peu de réunions avec la population qui a plus vu cet établissement public comme une machine à exclusion des classes populaires qu’un outil qui puisse répondre à leurs préoccupations en matière d’emplois », souligne l’élu communiste.
Jean-Claude Gaudin tient à rappeler le contexte politique qui a abouti à la naissance d’Euroméditerranée. « C’est un établissement public. Nous le devons à un gouvernement présidé pat Edouard Balladur (UMP), voulu par le maire de Marseille de l’époque (le socialiste Robert Vigouroux), ainsi que par moi-même en tant que président du conseil régional. C’est le seul chantier national qui existe dans ce pays », souligne-t-il. Si cet établissement public a toujours été présidé par un élu marseillais siégeant sur les bancs de la droite (Renaud Muselier, Jean-Claude Gaudin lui-même et Guy Teissier se sont succédé) et par un élu, le sénateur-maire estime que « l’établissement public n’a pas pour but que ce soit un élu de Marseille qui le préside ».

« Il appartient aux élus de se mettre d’accord pour savoir si une institution peut se substituer à un autre »

Mais cela ne l’empêche pas de dénoncer le scénario qui pourrait conduire Michel Vauzelle à en prendre la tête. « Il y a 9 élus qui siègent au conseil d’administration : 3 de la ville de Marseille, 2 du conseil régional, 2 du conseil général et 2 de la communauté urbaine. Il me semble qu’il appartient d’abord à ceux qui portent une écharpe tricolore de se mettre d’accord pour savoir si une institution peut se substituer à un autre », plaide-t-il. Et de prendre à nouveau le passé à témoin. « C’est ce qui s’est passé en 2008. Comme il n’y avait pas deux candidats, les fonctionnaires avaient voté pour M. Teissier, ce qu’ils n’avaient pas fait pour Renaud Muselier et Gaudin », rappelle-t-il.
Ainsi le sénateur-maire insiste-t-il sur le fait que « la ville de Marseille ne souhaite pas présider ad vitam eternam Euroméditerranée. Mais quand on dit que les élus devraient se mettre d’accord, on nous répond « non ». Et que par volonté politique, ce sera le président du conseil régional », déplore-t-il. Une solution qui aux yeux de Jean-Claude Gaudin n’en est pas une. « Il atteindra, le 15 août 2014, 70 ans et, en ces temps où on fait remarquer l’âge des gens, il ne pourra plus présider l’établissement public », relève-t-il au sujet de Michel Vauzelle.
Avant d’insister à nouveau : « Ce qui nous choque c’est que cette personne ne pourra être élue que sur un ordre donné à des fonctionnaires d’État de voter pour lui. Or, en période électorale, nous estimons qu’il devrait y avoir une neutralité des fonctionnaires d’État. » Et de s’exprimer à son tour en faveur de la solution prônée par Samia Ghali et Lisette Narducci. « A Euromed, il y a deux vice-présidents. L’un d’eux est Lisette Narducci, l’autre est un fonctionnaire d’État, par nature neutre, qui pourra exercer la présidence jusqu’aux élections. Car l’année prochaine, on remplacera 5 élus sur 9, ceux de la ville de Marseille et de la communauté urbaine, donc d’ici là, il ne faut pas qu’il y ait blocage », plaide-t-il, en soulignant que le rôle de ce fonctionnaire se résumera essentiellement à présider « seulement une réunion pour que soit voté le budget ».
Un dossier sur lequel Jean-Claude Gaudin n’a pas manqué d’interpeller Jean-Marc Ayrault (PS). « J’ai dit au Premier ministre que je n’apprécierai pas ce coup de force. Ils sont gênés à Matignon. Ce n’est pas normal qu’on prenne en otage des fonctionnaires en les forçant à voter pour une personnalité politique, ça ne se fait pas. Si on nous l’impose, on nous l’imposera. Mais ce ne sont pas des signaux républicains qui peuvent nous impressionner », prévient-il. Et d’insister : « C’est aux élus de se mettre d’accord. Il faut quelqu’un qui a participé à ce que nous avons fait, qui soit au courant des choses. Ce n’est pas le président du conseil régional qui s’est occupé de ça. »
Jean-Claude Gaudin conclut enfin par une dernière banderille. « Nous, les fonctionnaires, nous ne les avons jamais engagé sur le plan politique. S’ils le font, c’est un coup de force qui n’est pas respectueux des règles républicaines ».
Serge PAYRAU

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