Dîner du CCAF Sud – Aurore Bruna : « Le négationnisme, c’est une justification du crime et une prédisposition à la récidive »

Publié le 31 janvier 2019 à  14h57 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  20h47

Aurore Bruna, la Présidente du Conseil de Coordination des organisations Arméniennes de France (CCAF) Sud a, à l’occasion du dîner annuel du CCAF Sud, interpellé le Président Macron, lui rappelant sa promesse de campagne d’inscrire au calendrier Républicain la date du 24 Avril comme date commémorative du génocide des Arméniens. Avant de lui demander de stopper le processus d’adhésion de la Turquie à l’Europe. Un dîner auquel participait Pierre Dartout Préfet de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et de Marie-Emmanuelle Assidon Préfète déléguée pour l’Égalité des Chances, ainsi que de nombreux élus: LREM, PS, PCF, LR… au premier rang desquels Martine Vassal, présidente LR du département des Bouches-du-Rhône et de la métropole Aix-Marseille-Provence. Également présents Hasmik Tolmadjian Ambassadeur de la République d’Arménie en France, Vartan Sirmakes Consul Général de la République d’Arménie à Marseille et Rouben Khazarian Consul de la République d’Arménie à Marseille.

Aurore Bruna, présidente du CCAF Sud dénoncera le négationnisme...  (Photo Luiza Gragati)
Aurore Bruna, présidente du CCAF Sud dénoncera le négationnisme… (Photo Luiza Gragati)

«Les Arméniens ont pris leur destin en main»

Aurore Bruna ne manquait pas de rappeler: «En 2018 l’Histoire s’est écrite sous nos yeux. Les Arméniens ont pris leur destin en main. Sans violence, ils ont montré au monde entier une « révolution de velours »». L’accession au pouvoir de Nicol Pachinian suscite d’énormes espoirs «dans sa lutte contre la corruption», pour créer «un futur serein à l’Arménie». Elle cite également le centenaire de la première indépendance de la République d’Arménie, «qui a donné le droit de vote aux femmes dès 1918 » et le sommet de la francophonie en octobre avant la célébration des 2800 ans d’Histoire d’Erevan. 2018 c’est aussi l’année de la disparition «de deux figures importantes, Arsène Tchakarian, dernier résistant du groupe FTP-MOI (…) ces justes de l’Affiche Rouge dont nous n’aurons de cesse de demander leur panthéonisation». Puis de rendre hommage à Charles Aznavour «Ambassadeur de l’Arménie -qu’il a porté sur le toit du monde-» et auquel «la France a rendu un vibrant hommage national». Elle en profite pour remercier Didier Parakian, adjoint LR au maire de Marseille «qui a eu la bonne idée de proposer que le Silo prenne le nom de Charles Aznavour».
Puis, Aurore Bruna de dénoncer : «Nous avons eu l’immense honte de recevoir sur le sol français l’autocrate liberticide et négationniste Erdogan pour commémorer l’armistice de la grande guerre. Or, c’est justement sous couvert de la première guerre mondiale que le premier génocide du XXe siècle a eu lieu». Pour la présidente du CCAF: «La France est grande lorsqu’elle impose ses valeurs universelles de paix, d’égalité et de liberté; pas lorsqu’elle les négocie sur l’autel des tractation économiques». Et elle ne manque pas de critiquer également l’attitude de la France vis-à-vis de l’État Azéri et lance: «Devant les menaces de la réalpolitique, de l’économie et de l’Azerbadjian, l’Arstakh pourra compter sur le soutien sans faille de sa diaspora mais pourrons-nous compter sur l’appui de la France?».

«Le négationnisme ampute notre civilisation de sa grandeur, de sa culture, de ses valeurs»

Elle en vient au négationnisme «que nous subissons également sur le sol de notre terre de France». «Dans ce combat déséquilibré, nous sommes face à un État négationniste, la Turquie (…). Nous avons besoin d’être protégé par une loi. En tant que Français, nous réclamons cette égalité, cette justice». Le négationnisme, considère-t-elle «ampute notre civilisation de sa grandeur, de sa culture, de ses valeurs. Il faut mettre fin à cette intolérable impunité et condamner ces expressions illégales et mortifères. Ce qui est valable pour un génocide- avec la loi Gayssot- doit être valable pour un autre. Car c’est la même charge de haine, de violence et d’inhumanité. N’oublions pas que le négationnisme, c’est une justification du crime et une prédisposition à la récidive». Puis d’asséner: «Le négationnisme n’est pas une opinion mais un délit». «Il y a un an, poursuit-elle, le Président de la République nous promettait une loi de pénalisation, nous avons acté ses paroles avec plaisir. Maintenant nous voulons des actesFDRS».
Aurore Bruna insiste sur l’importance de l’éducation alors que «le dernier sondage Ifop nous annonce que 10% des Français ne connaissent pas la Shoah, 15% le génocide arménien et 21% celui des Tutsi». Et, précise-t-elle: «Quand on se focalise sur la jeunesse, le constat est encore plus alarmant: 28% ne connaissent pas le génocide arménien». Or, juge-t-elle: «La transmission de la vérité historique permet de pacifier une société et d’améliorer le vivre-ensemble». Raison pour laquelle la présidente du CCAF Sud a demandé à l’Éducation Nationale de mettre en place des formations pour les enseignants sur la façon d’enseigner le génocide arménien ainsi que l’ajout au programme de 3e d’une séquence sur l’étude des génocides et du concept génocidaire. Didier Parakian, intervient au nom du maire de Marseille, il insiste sur le fait que la richesse de la communauté arménienne réside dans sa diversité, ses associations. Annonce: «Le 30 avril, avec sa famille, ses amis artistes, nous rendrons hommage à Charles Aznavour dans la salle du Silo qui portera son nom, à proximité de la place Henri Verneuil, sur ce port où arrivaient les rescapés du génocide arménien». Pour Caroline Pozmentier-Sportich, vice-présidente de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur représentant Renaud Muselier, le président de Région: «Le devoir de mémoire relève de l’intime, il est le guide qui permet de donner la voie, la parole aux cris étouffés, de ceux qui ont vécu l’horreur de l’extermination. Notre responsabilité est bien d’enseigner, d’éduquer et de transmettre». Après le passé comme outil pour le présent elle en vient à l’économie en mettant en exergue l’accord de partenariat signé par la Région avec celle de Lori «qui ambitionne de devenir la première Smart région d’Arménie» avant d’annoncer la visite en Arménie de Renaud Muselier. Et invite à continuer «d’œuvrer pour l’avenir afin que ne soit jamais remis en cause le droit de donner à nos enfants des racines et des ailes.»

«Ce serait bien qu’une nouvelle loi sur le négationnisme passe les fourches caudines du Conseil Constitutionnel

Pour Martine Vassal: «Osez nier le génocide arménien est inacceptable, inadmissible, c’est une insulte à tous les morts». Alors, elle plaide pour «une prise de position officielle de la France sur le négationnisme». Se réjouit de la présence de nombreux élus de couleurs politiques différentes, profite de cela pour indiquer: «Ce serait bien qu’une nouvelle loi sur le négationnisme passe les fourches caudines du Conseil Constitutionnel». Plus largement, elle invite les 80 000 personnes d’origine arménienne des Bouches-du-Rhône «à se saisir du Grand débat national et qu’elles aillent écrire dans les livres de doléances leur volonté de voir la France voter une loi contre le négationnisme. C’est ce que je ferai dans ma mairie de secteur». Puis d’avouer «trouver très inquiétant l’autoritarisme et l’aveuglement d’Erdogan et le rapprochement avec l’Azerbadjian doit nous rendre vigilant». Elle conclut en indiquant qu’elle se rendra en Arménie en 2019 dans le cadre de ses fonctions de présidente du Département.
Hasmik Tolmadjian met en exergue les relations entre Marseille et l’Arménie «qui ne datent pas d’hier puisque dès le XVe siècle des commerçants arméniens y étaient installés. Bien avant que Marseille ne devienne le lieu de résurrection et d’espoir pour les rescapés du génocide». Elle reprend les mots de Charles Aznavour pour qualifier cette communauté : «Elle est 100% française et 100% arménienne». Pierre Dartout considère enfin: «La France a une relation singulière avec l’Arménie et ces liens très forts méritent d’être développés». Il insiste sur le fait que «la France milite pour une reconnaissance internationale du génocide arménien car l’humanité sans mémoire perd ses valeurs, ses repères, ne voit pas les dangers qui peuvent la menacer».
Michel CAIRE

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