Entretien – Jean-Luc Chauvin revient sur ses 5 années à la tête de l’UPE 13

Publié le 22 septembre 2015 à  22h24 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h44

Au bout de son mandat non renouvelable de 5 ans, Jean-Luc Chauvin quitte la présidence de l’UPE 13. Il dresse le bilan de ses années passées à la tête de l’organisation patronale: «Je suis très fier d’avoir pu représenter les entrepreneurs des Bouches-du-Rhône pendant cette période qui n’était pas simple du fait de la crise, où le combat était encore plus dur pour les entreprises pour survivre. Et, dans ce contexte, avec mes équipes, je suis très fier d’avoir pu faire bouger les lignes sur un certain nombre de dossiers, pour faire avancer les choses».

Jean-Luc Chauvin revient sur ses 5 années à la tête de l’UPE13 (Photo Philippe Maillé)
Jean-Luc Chauvin revient sur ses 5 années à la tête de l’UPE13 (Photo Philippe Maillé)

Vous parlez de faire bouger les lignes, qu’entendez-vous par là ?
Il faut bien mesurer que nous ne sommes pas dans une crise normale mais dans un changement de modèle. Il faut donc être conscients qu’il importe de se réorganiser dans nos entreprises si l’on veut relever les défis du XXIe siècle. Voilà 40 ans que nous sommes confrontés à un chômage de masse. Face à cela, il faut offrir le maximum d’adaptabilité aux entreprises pour leur permettre de résister aux à-coups de la vie de l’entreprise. L’économie numérique vient bouleverser les activités traditionnelles, dans le commerce comme dans l’industrie. Alors, il est plus que temps de se mettre autour d’une table. D’autant que des pays réussissent à diminuer le chômage, et pas seulement des pays sans protection sociale. Le problème de la formation continue se pose également car, elle ne donne pas les résultats attendus. Il faut prendre conscience que la France n’a pas le monopole du bien-penser, il faut essayer d’autres voies. Il faut donner la chance d’avoir un emploi aux uns et aussi celle de pouvoir en changer aux autres. Et, je ne crois pas que ces changements doivent se faire au détriment des uns ou des autres. Il faut préserver notre modèle social dans une logique gagnant/gagnant. Cela veut dire que toutes les parties devront faire des concessions.

Mais une fois les enjeux nationaux posés, qu’en est-il du local ?
En premier lieu il y a le port. Lorsqu’en début de mandat nous avons dénoncé les difficultés qu’il y avait à évoquer certains sujets on nous a dit que cela ne servait à rien. Et bien nous avons débattu et la Loi « Port » est partie de Marseille. Et cela marche, depuis 2014, sa croissance est de 7%, 9% en 2014 lorsque celle des autres ports n’est que de 3 à 4%. Sur le premier trimestre 2015 elle est de 7%. C’est la première fois que nous allons plus vite que les autres ports. Changer, on le voit là, permet d’avoir des résultats, lorsqu’on le fait ensemble. Et, si cela se poursuit -alors que depuis des années, on perd de l’emploi- on va pouvoir réembaucher. D’ailleurs, nombre d’entrepreneurs, qui avaient quitté le port, commencent à revenir avec l’aide des dockers et des grutiers. Il est évident que le Grand port maritime de Marseille a un bel avenir et qu’il sera un élément de reconquête pour notre métropole. C’est vrai que nous avons eu tendance, lors de la deuxième moitié du XXe siècle à tourner le dos à la mer alors que les métropoles qui ont un port sont repartis à partir de lui. Il n’y a pas de raison pour qu’il en aille autrement pour nous. Cela doit être d’autant plus vrai que nous avons une position géostratégique exceptionnelle et, que nous avons encore de la place pour nous développer. Ce n’est pas pour rien si l’un des plus grands armateurs chinois vient s’installer à Fos afin d’attaquer le marché africain. Par ailleurs, l’Europe vient de choisir cinq ports stratégiques, un seul est en Méditerranée: Marseille. Après, il importe d’accroître notre hinterland si l’on veut accompagner la croissance et non le casser. Alors, force est de constater que, pendant des années, l’activité portuaire diminuant, cela ne donnait pas envie de réaliser des investissements. La situation a évolué positivement et des choses se réalisent : l’autoroute Port-Salon, la gare de tri de Miramas, le contournement autoroutier de Martigues-Fos. Et puis, alors que nous allons accueillir à Paris la COP21, je rêve que se pose la question du canal Fos-Arles et une remontée fluviale jusqu’à Lyon. Ce serait intéressant pour le port tout comme pour le bilan carbone et je ne pense pas que cela soit plus coûteux que la construction d’autoroute.

Le monde de l’économie s’est fortement mobilisé en faveur de la métropole, qu’en attendez-vous ?
Le monde bouge et il faut le regarder avec les lunettes du XXIe siècle sous peine de perdre de vue les réalités. Nous nous retrouvons avec des frontières administratives trop petites. Elle doivent coller à la vie des gens : là où ils vivent, travaillent, font leurs courses, se divertissent, se soignent… Et cela impose de sortir des luttes de clochers. D’autant que notre territoire Aix-Marseille-Provence a tous les atouts pour devenir une grande métropole européenne. Elle a un port, deux gares TGV, un aéroport, la première université francophone au monde. Nous avons une population jeune, tous les facteurs sont donc réunis pour connaître un développement qui s’inscrit dans la durée. Et, de plus, comment ignorer que Marseille est déjà une ville monde avec une partie importante de sa population venue de la rive sud de la Méditerranée, d’Afrique, ce qui est un atout pour réfléchir différemment, préparer ensemble l’avenir. Enfin, nous avons de nombreux leaders ici, dans une grand nombre de secteurs ce qui nous permet d’être plus à l’abri d’une crise sectorielle. Il nous reste, pour développer toutes ces opportunités, à changer d’échelle, mettre en place un outil de gouvernance pour gagner ensemble. Pour qu’il en aille ainsi, la proximité doit rester aux maires et les grands dossiers venir à la métropole. C’est de cette manière, ensemble, que nous réussiront à équiper ce territoire en mode de transport pour, enfin, permettre à tous d’aller de partout sur son périmètre. C’est ainsi que l’on pourra améliorer le bien-vivre qui permettra de gagner des emplois.

La thématique du travailler ensemble a été forte sous votre mandature. Pourquoi avoir autant insisté là-dessus?
Voilà longtemps que je suis persuadé qu’ensemble on va moins vite mais plus loin. Alors nous avons élargi le jeu collectif du monde économique. Avant chacun faisait ses vœux de son côté, maintenant nous nous rassemblons. Sous la mandature précédente s’était créée mon entreprise ma ville, structure ouverte au monde syndical, ce qui nous a permis de porter ensemble des dossiers tels celui du logement qui touche tout le monde en termes de coût, d’éloignement, de fatigue… Je suis aussi persuadé que c’est le jeu collectif qui, historiquement, nous a manqué face à Lyon, Bordeaux, Lille. C’est le défi de la métropole en 2016… En fait, le port, la métropole, tout cela me permet de dire que les seuls combats perdus d’avance sont ceux que l’on ne mène pas. Et je suis extrêmement fier de pouvoir dire que ces combats nous les avons menés en équipe, sur 55 conseils exécutifs 54 ont été voté à l’unanimité, un seul a vu un vote contre et une abstention.

La Méditerranée, la francophonie ont été des enjeux qui ont marqué votre mandat. Où en êtes vous sur ces questions ?
J’ai presque un regret à ce propos : Ce n’est qu’à mi-mandat que nous avons commencé à nous en préoccuper. Or, l’Afrique va se développer; or, la situation actuelle montre que tout impose qu’elle se développe. On pourra mettre tous les murs, les militaires que l’on veut, les gens feront tout pour passer s’ils fuient la guerre, la misère ou la famine. Le seul moyen pour y parvenir c’est de créer du développement, investir dans l’eau, l’énergie, la révolution numérique. C’est en donnant les moyens de vivre, d’avoir accès à la connaissance que l’on peut permettre de sortir de l’obscurantisme. La guerre peut être une solution, un temps, elle n’en est pas une sur le long terme. Là, seul compte le développement de l’économie et du savoir. Nous devons d’autant plus nous en préoccuper que nous avons une chance extraordinaire, on va, dans les années à venir, compter 150 millions de francophones, principalement en Afrique. Or, Marseille a des liens forts avec ces pays, ces populations. Tout cela fait que la Provence est le hub d’entrée de l’Europe sur l’Afrique, tout comme il est celui de l’Afrique sur l’Europe. Pendant trop longtemps nous n’avons regardé que vers le Nord alors qu’il nous faut également regarder vers le Sud. J’ajoute que nous sommes très bien accueillis au Sud pourvu que nous n’arrivions pas en donneur de leçons. Et il est important de noter qu’il y a là des marchés potentiels, pour nos TPE/PME, qui sont entre deux et quatre heures de vol de Marseille quand les États-Unis et l’Asie sont à 12 heures. Et, en plus, sur la rive Sud de la Méditerranée nous n’avons pas la barrière de la langue. Mais force est de constater que nos amis canadiens sont plus conscients que nous de l’intérêt que cela représente et sont en train de s’installer au Maroc notamment. Ne nous laissons pas prendre la place.

Cette année a vu Marseille accueillir la MedCop 21 avant la tenue de la Cop21 à Paris. Que pensez-vous des enjeux écologiques ?
Il est fondamental de traiter les dossiers de l’environnement et il faut des règles contraignantes au niveau mondial. Les questions environnementales sont transversales, je les ai évoquées à propos de la métropole concernant les transports, le logement, ou encore à propos du Port et d’une liaison fluviale avec Lyon… Ainsi, avec le Canal de Suez, la Méditerranée devient très attractive en termes de bilan carbone pour les pays asiatiques. Mieux vaut venir à Marseille que de monter vers la Hollande… Mais attention de ne pas jouer au super-héros et que la France ne se mette pas seule des contraintes supplémentaires qui affaibliraient notre économie et n’auraient pas d’impact sur l’environnement. En revanche, il faut prendre conscience que la lutte contre le réchauffement représente aussi des opportunités économiques. Et nous avons de quoi faire, notre région est ensoleillée, elle compte pourtant moins de panneaux solaires que l’Allemagne. Nous avons du vent et pourtant moins d’éolien qu’ailleurs. Il n’y a que sur l’hydraulique, avec la Durance, que nous sommes à un bon niveau. Pourtant nous avons des PME innovantes. Je pense, entre autres, à une société de La Ciotat 3e mondiale dans son secteur de l’éolien off-shore. Elle fait actuellement des expérimentations… au Japon et pas chez nous.
Propos recueillis par Michel CAIRE

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