Entretien : Samuel Coquard, le directeur musical et artistique de la Maîtrise des Bouches-du-Rhône met en lumière les voix, les répertoires et une structure qui a le mérite de s’inscrire dans une exigence tout autant artistique qu’humaine

Publié le 8 septembre 2014 à  19h32 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h44

Dans le cadre des Journées européennes du Patrimoine, « les Balades » du Conseil général des Bouches-du-Rhône proposent le dimanche 21 septembre un concert donné par la Maîtrise des Bouches-du-Rhône en l’Abbaye de Saint-Pons à Gémenos. Chef de chœur, d’orchestre, pianiste et organiste, Samuel Coquard, le directeur musical de la Maîtrise de revenir sur la richesse de cette structure artistique basée sur la voix. Entretien.

(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)

Comment s’articule cette Maîtrise que vous dirigez depuis 12 ans ?
C’est une structure artistique dense, basée sur la voix et en direction des enfants, en priorité. La Maîtrise comprend 4 chœurs : un pour les enfants du primaire de 7 à 11 ans; le chœur d’enfants pour les collégiens de 11 à 15 ans; le jeune chœur pour les ados du lycée de la seconde à la terminale. Je tiens à souligner que certains jeunes restent dans le chœur durant les 2 premières années d’université. Après il y a un chœur d’adultes, constitué de chanteurs lyriques, intermittents du spectacle, qui s’appelle le Chœur de chambre Asmarä.

Pour être accepté au sein des différents chœurs, est-ce que l’enfant ou le jeune doit avoir obligatoirement reçu une formation ?
C’est une structure professionnelle et professionnalisante. A partir du moment où les enfants sont motivés, qu’ils aiment chanter, ils passent une audition et sont formés chez nous. Une fois qu’ils ont intégré la structure, ils ont un statut de professionnel. Nous appliquons les règles de la rémunération des enfants du spectacle. Depuis que je suis arrivé c’est ce que j’ai mis en place. Ils ont des contraintes de spectacles, des emplois du temps, des autorisations de travail, des règles et, un résultat artistique que je souhaite de haut niveau. La maîtrise est constituée d’enfants d’une grande mixité sociale, religieuse. Vient qui veut à partir du moment que l’on respecte l’Autre et les règles de la laïcité. Et puis, on trouve dans cette pratique artistique une rigueur, une discipline qui, il ne faut pas se le cacher, rassurent certains parents. Les parents font confiance à la Maîtrise qui est l’outil musical et vocal du département ainsi qu’un Centre ressources en termes de répertoire.

A ce propos, quel est votre répertoire de prédilection ?
Un répertoire de musique ni actuel, ni populaire. Je veux faire accéder les enfants à un répertoire basé sur quelque chose dont on a besoin d’avoir les clefs. Il s’agit de musiques de la Renaissance, Baroque, Romantique, de l’opéra… et, une ouverture vers la variété française riche avec du texte, engagée, que l’on retrouve chez Barbara, Jean Ferrat, Brassens. Mais aussi Mireille du Petit conservatoire qui permet de travailler la diction. Je pense que les enfants ont besoin de revenir aux textes et à la culture du mot, du verbe. Les inspecteurs de l’Éducation Nationale vantent les qualités de cet enseignement parce que je travaille sur la diction, sur le texte et le vocabulaire.
On pratique tous les répertoires sacré, profane. On va dans tous les lieux, sans aucun a priori, des églises, des temples, des maisons de retraites, des opéras … La richesse de cette Maîtrise est pluriel. C’est ce qui fait sa force.

In fine, vous transmettez à la fois aux enfants et au public ?
Mon travail en tant qu’artiste est d’apporter au public en transmettant cette culture à des enfants qui visent le haut niveau, dans un souci de rigueur et d’excellence. Nous passons dans de très grandes scènes, nous sommes très demandés. Les concerts de la Maîtrise sont pleins. On est sur le même niveau que la Maîtrise de Radio France, de Notre-Dame de Paris, de Versailles,
Je forme aussi des enfants qui vont renouveler le public de l’opéra parce qu’ils vont pratiquer Carmen, la Gioconda, chanter la Bohème ou Tosca. Je vois des enfants, que j’ai formés il y a 7 ans, qui prennent des abonnements à l’Opéra et qui y emmènent leurs parents, leurs grands-parents.

Au mois de février, la Maîtrise a été invitée aux Victoires de la Musique. Qu’est-ce que cela lui a apporté ?
Ce passage aux Victoires de la musique nous a apportés pour la première fois le soutien du ministère de la Culture et cela grâce à Aurélie Filippetti.

Vous semblez souvent sous-entendre que les Maîtrises en France n’ont pas la place qu’elles méritent. Qu’en est-il ?
Effectivement, on devrait reconnaître le travail des Maîtrises en France. On parle des chorales, des conservatoires, pourtant les Maîtrises existent depuis avant la Révolution, le conservatoire, lui, par exemple, est né après.

Êtes-vous impliqué dans les fameux rythmes scolaires ?
Je ne peux pas parce que je n’ai pas les locaux adéquats et le personnel suffisant. En revanche je fais des aménagements pour pallier l’urgence. Dans un premier temps. Le vendredi après-midi, j’ai 91 enfants.

Quels sont les prochains concerts de la Maîtrise et les projets ?
Il faut savoir que dans le cadre de sa politique de développement de l’enseignement musical et artistique, le Conseil général des Bouches-du-Rhône est le partenaire principal de la Maîtrise des Bouches-Du-Rhône. Chaque année, lors des Journées du Patrimoine, il nous invite et ouvre les portes de l’Abbaye de Saint-Pons à Gémenos. Ainsi ce dimanche 21 septembre, nous donnerons le concert « Voix-Cî, Voix-LÂ » qui proposera un répertoire éclectique et populaire. En première partie, l’univers vocal présenté par le chœur d’enfants nous plonge dans les histoires enfantines, les contes merveilleux mais aussi les métiers d’antan. La deuxième partie, interprétée par le Jeune chœur de la Maîtrise est consacrée aux grandes pages lyriques du répertoire. Elles nous font partager des états et des réflexions plus humanistes avec les célèbres chœurs de Rossini.
J’essaie de bâtir des programmations soit sur des thématiques engagées afin que les gens repartent en réfléchissant soit sur des répertoires musicologiques. Je trouve toujours des liens constants entre les œuvres. C’est pour cela que le directeur de l’Opéra de Marseille, Maurice Xiberras, avec lequel je travaille souvent, nous donne toujours des cartes blanches parce qu’il me fait confiance dans la manière de bâtir les programmes. On a donné un grand concert Bach en juin dernier. Il nous a recommandé un concert sur de la musique sacrée, avec une carte blanche.
Je suis également en train de créer un partenariat étroit avec l’Ensemble baroque de Lyon « Unisoni » et j’aimerais aussi travailler avec l’Orchestre régional de Cannes Paca. Après les journées du patrimoine, on fera, en octobre, La Gioconda de Ponchielli à l’Opéra de Marseille. Ensuite, on a été appelé pour les Nuits de l’Avent qui se tiendront en novembre en Avignon pour un programme avec Art Music. En décembre, on partira sur la tournée des Chants de Noël du Conseil général des Bouches-du-Rhône. Après, nous sommes invités pour la 8e année au Festival international du chœur d’enfants en Vendée où l’on sera Maîtrise d’honneur. Par ailleurs, je réserve une surprise pour le 20e anniversaire de la Maîtrise avec un concert de prestige qui aura lieu à Marseille avec la grande cantatrice Inva Mula. Et enfin, la Maîtrise va enregistrer l’œuvre vocal et choral du compositeur Florent Gautier.
Des projets toujours, avec le directeur de l’Opéra on souhaite développer un atelier lyrique pour les jeunes qui veulent continuer le projet. Parce qu’on va perdre tous ces talents qui vont partir à Paris, Lausanne ou en Angleterre. J’aimerais, à ce titre, une collaboration avec l’Opéra de Marseille.
Propos recueillis par Patricia MAILLE-CAIRE

Maîtrise des Bouches-du-Rhône: 250, rue Albert Einstein, 13013 Marseille. Tél : 04 91 11 78 42.
Plus d’info sur «Les balades» du Conseil général des Bouches-du-Rhône dans le cadre des Journées européennes du patrimoine sur Culture 13

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