Entretien avec Jean-Marc Coppola sur la réforme ferroviaire et le devenir des services publics

Publié le 25 juin 2014 à  23h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h54

Les députés ont adopté, le texte de la réforme ferroviaire le 24 juin après une grève record des cheminots à la SNCF. Le même jour un mouvement de grève est entamé à la SNCM. Entretien avec Jean-Marc Coppola, vice-président (FG) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, conseiller municipal de Marseille.

Jean-Marc Coppola, vice-président (FG) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Conseiller municipal de Marseille (Photo Philippe Maillé)
Jean-Marc Coppola, vice-président (FG) de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Conseiller municipal de Marseille (Photo Philippe Maillé)

Pouvez-vous apporter quelque éclairage sur la réforme ferroviaire ?
Jean-Marc Coppola: Il faut revenir en 1997, lorsque le gouvernement Jospin, scinde en deux l’outil ferroviaire de la SNCF, d’un côté la SNCF et de l’autre Réseau Ferré de France (RFF). Une manœuvre qui a permis de transférer la dette de la SNCF sur RFF et ainsi assainir les comptes de la SNCF, lui donner de l’oxygène. Mais, comme ce sont deux entreprises d’État, la dette est restée publique. Et il faut l’assumer cette dette sachant qu’en termes de transport ferroviaire, des investissements importants sont nécessaires. Et, plutôt que regarder la dette, il faudrait s’intéresser aux taux d’intérêts pratiqués par les banques pour le remboursement de cette dette. C’est là, que l’on trouverait d’autres solutions pour diminuer les charges de l’entreprise ferroviaire et de l’État. Donc deux entités, on savait que c’était une mauvaise solution, la suite des événements l’a prouvée. On a vu ces deux entités marcher en parallèle, avec des incohérences, les dysfonctionnements que l’on connait avec une insuffisance de moyens financiers, humain, matériel. Mais aussi, un manque de compétence, de qualification, de professionnalisme du côté de RFF. Au début RFF s’est construit à partir de cheminots qui venaient de la SNCF et au fil du temps ce sont des gens qui venaient d’ailleurs, du privé. Il y a une culture ferroviaire, un état d’esprit, une qualification ferroviaire et cela ne s’invente pas.
En ce qui concerne la réforme, l’idée de ce gouvernement est de rassembler tout cela mais, au lieu de rassembler pour revenir à la situation d’avant 1997, il crée un troisième opérateur qui viendra chapeauter les 2 premiers. Et là, les cheminots ont raison d’être inquiets puisque contrairement à ce qui est affiché, c’est-à-dire une seule entreprise, ce sont 3 entreprises qui voient le jour.

Et pour quelles raisons ?
Pour se conformer aux directives européennes et ouvrir à la concurrence. Cela va permettre à des opérateurs privés de venir sur des segments, les plus juteux, contrairement à ce qui est avancé, de se présenter aux collectivités en disant : «Avec nous cela va marcher, cela va coûter moins cher». Ce qui est faux, l’expérience britannique, entre autres, le montre.

Qu’est-ce les cheminots ont gagné avec ce mouvement de grève ?
Ce qui a été gagné par la grève n’a pas été médiatisé. Cela a permis, malgré ces 3 entités, aux cheminots de n’avoir qu’un seul et même employeur. L’efficacité du ferroviaire ne peut exister que dans une entreprise unique, unifiée, cohérente avec des qualifications. Au-delà des amendements et de la réforme telle qu’elle a été votée, un investissement très important de l’État dans cette entreprise est indispensable. Puis, il s’impose de réfléchir à la façon de désendetter pour construire encore des lignes ferroviaires. Dans cette région, il y a bien des besoins. Quand on nous dit que l’on va faire un bout à la gare Saint-Charles à Marseille, un bout du côté des Alpes-Maritimes et puis entre les deux on verra après 2030, on peut s’inquiéter. En 2030 on aura une thrombose au niveau ferroviaire mais aussi routier. Comment se déplacer dans cette région qui est asphyxiée, hyper polluée, s’il n’y a pas plus de dynamisme et d’investissements.

Que pensez-vous de la situation de la SNCM ?
Cela montre qu’il y a une offensive de privatisation dans tous les transports publics avec des opérateurs privés uniquement guidés par la rentabilité financière. Il faut accepter aujourd’hui qu’un service public puisse être déficitaire et nécessite des moyens supplémentaires. Regardez la santé publique, les dépenses de santé progresse plus vite que la croissance. Comment ensuite par la collectivité, un impôt juste tout cela pourra être financé. C’est aussi ces investissements qui vont permettre de vivre mieux et plus longtemps.
On est toujours dans cette bataille idéologique, on décrie, dénie les services publics, on promeut l’individualisme. Un sujet de société, d’actualité, la Coupe de monde de football, tout le monde est heureux des résultats de l’équipe France. Ces résultats c’est quoi ? C’est une équipe qui joue collectif. Tout le contraire de cette société, on joue individuel, on écrase l’Autre. Alors que sans l’Autre on n’est rien et qu’il faut au contraire s’appuyer sur l’Autre. C’est cela les services publics, l’intérêt général qui devrait d’ailleurs guider toutes les politiques locales et nationales. Malheureusement on en est loin. Aujourd’hui, on a besoin de l’intervention citoyenne et je me félicite des mouvements citoyens, les marins, les cheminots, les intermittents et les Fralib qui donnent la voie à suivre.
Propos recueillis par Patricia MAILLE-CAIRE

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