Environnement – « Il n’y a pas de petits pas si on est 7 milliards à les faire » par Madeline Carlin

Publié le 16 septembre 2018 à  20h35 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h46

Et si on arrêtait de croire que seuls les grands décideurs peuvent faire de grands pas puisque apparemment, les rares qui en ont l’élan sont pieds et poings liés, cernés de toute part par les lobbyistes. Et si nos mobilisations pouvaient inspirer les décideurs politiques ? Et si, enfin, on prenait conscience de notre pouvoir de changer les choses? Et si, demain, nous étions soudain 7 milliards à faire le même petit pas, puis après-demain un autre, ensemble… Ces petits pas prendraient alors l’allure de pas de géant! Alors bien sûr, on pense à couper l’eau du robinet en se brossant les dents…c’est déjà ça… Et ensuite ? Comment aller plus loin?

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Par exemple, que pourrions-nous faire pour toutes ces chasses d’eau? Ces chasses-d’eau potable. Certains en allègent la fréquence -celle-ci est-elle vraiment nécessaire? D’autres revendiquent de « faire pipi » sous la douche (une opération, plusieurs fonctions, de quoi séduire les amateurs de permaculture !), d’autres encore construisent des toilettes sèches… Les citadins pourraient dire : «Euh, vous êtes gentils, mais en ville, c’est quand même pas facile! » Et ils auront raison. D’autres solutions se présenteront: un seau qui collecte de l’eau dans la douche (vous savez, cette eau qu’on laisse couler parce qu’elle n’est pas encore chaude… ) et qui remplacera efficacement la chasse d’eau lorsqu’il sera plein. Mine de rien, il peut épargner jusqu’à 1 chasse d’eau sur 2 . Ou encore le réglage du niveau de flotteur du mécanisme de la chasse-d’eau, qui peut diviser par 2 le volume d’eau à chaque opération. Certes, cette solution emballera surtout les plus bricoleurs d’entre nous. Alors curieux, bricoleurs, aventuriers, à vos outils.

Et au sujet des déchets, qu’est-ce qu’on fait ?

Ceux d’entre nous qui ont déjà parcouru plusieurs petits pas ont de précieuses pistes à nous proposer : les sacs à légumes en tissus, lavables et personnalisables à souhait, les «charlottes» en tissus pour couvrir les plats (en substitut du légendaire et très pratique film étirable), les éponges en crochet ou tricot, les disques à démaquiller en tissu, etc. Autant d’occasions de fabriquer soi-même, de stimuler notre créativité, ou de soutenir un artisan local et, pour joindre l’utile à l’agréable, de dispenser la mer des tonnes de plastique qu’elle récolte aujourd’hui… Pour lui épargner cela, on peut aussi commencer plus léger : des sacs en papier que l’on conserve et que l’on réutilise d’un marché à l’autre, d’une session courses à l’autre, et qui finissent, une fois bien usés, au compost ! Si si, même en ville, on peut composter… ou confier à notre cher voisin, qui lui, a un balcon et y accueille un élevage de lombrics, qui transforment tous ses déchets en un bon jus fertilisant qu’il pourra partager avec tous les amateurs de plantes vertes, et faire des voisins contents et coopérants. A propos de compost, l’élevage de «lombrics-transformateurs de matière» nous épargne de nombreux trajets de sacs poubelles, c’est sacrément intéressant… Alors, curieux, à vos lombricomposteurs !

Et si, tant qu’on y est, on réduisait encore un peu plus nos volumes de poubelles ?
Pourquoi héritons-nous de la gestion des emballages, de plus en plus excessifs de surcroit, que nous imposent les industriels ? C’est assez injuste comme concept ! Un collectif avait lancé un mouvement assez intéressant au début des années 2000, et certains ont gardé le pli : il s’agit, après passage en caisse, en remplissant son chariot, panier, sac à dos, de sortir les produits de leur sur-emballage, pour laisser le soin au magasin distributeur de gérer ces tonnes de déchets que nous n’avons pas demandées. C’est, comme souvent, une solution si simple qu’elle semble absurde : on décale tout simplement le ballet infernal de paquets vides, à trier et plier pour les cumuler dans un sac poubelle trop volumineux, qu’il faudra évacuer au plus vite…sans compter le tracas perpétuel de la fameuse question « poubelle bleue ou poubelle jaune?» Alors pourquoi ne pas le décaler pour en confier la responsabilité aux distributeurs, qui peut-être, s’ils étaient dépassés à leur tour par les déchets cumulés, sauraient suggérer aux producteurs industriels de réduire leur fol emballement pour le sur-emballage… Certains d’entre nous pourraient trouver cette option un peu trop culottée, ou trop exigeante au niveau logistique :«Qu’est-ce que je fais de mes pots de yaourts ? je les embarque un par un ?»

Alors bien sûr, d’autres options sont plus facilement réalisables : opter en rayon pour les produits les moins emballés, s’équiper progressivement de sacs réutilisables, optimiser le tri sélectif à la maison, minimiser les produits en plastique…et vous verrez, cela en devient ludique : lorsqu’on se met en «chasse» après toutes les formes de plastique, on se surprend soi-même par nos élans de créativité et de génie face à ce défi de sevrage du plastique ! C’est un sevrage, il est partout, on s’y est accoutumé et on ne le voit plus, mais il est partout…même dans les mégots de cigarettes, paraît-il. A ce propos, amis fumeurs, on estime que plus de 50% des mégots finissent à la mer…en considérant qu’en une année dans une ville comme Marseille 1 milliard de cigarettes est fumé…il s’agit là d’un bon exemple de petit pas qui peut avoir une allure de pas de géant : à l’échelle de Marseille, en 1 an, on peut épargner les fonds marins de 500 millions de mégots, dont on sait que les composés sont toxiques pour les organismes vivants. Et si, demain, tous les fumeurs se voyaient offrir un cendrier de poche ? Et si soudain, 1 milliard de mégots de cigarettes arrivaient à bon port : dans un cendrier qui permettrait son recyclage [[www.recyclop.org]] ?

Et si, tous ensemble nous cumulions tellement de petits pas que l’on mesurerait quel pas de géant nous sommes en train de franchir ? Conservons précieusement cette notion de petit pas, elle est fondamentale pour que chacun puisse prendre les rênes et décider de changer. On ne parvient pas du jour au lendemain à faire 1h de footing ou de gymnastique chaque matin, mais quand on s’accorde le droit de commencer par 10 minutes alors, oui, c’est réalisable, et toutes nos parties, corps, cerveau, esprit, sont d’accord… Par exemple, si le concept « Zero déchet » , avec son équipement de bocaux, de sacs et éponges textiles, vous semble un pas infranchissable pour le moment, on peut commencer par le petit pas « XS », celui qui semble réalisable dès demain… Gardons en tête le concept abouti, que des pionniers explorent pour nous dès maintenant, ils sèment ainsi sur notre chemin les astuces pour y parvenir en toute simplicité et fluidité ! Si on parvenait à appliquer le petit pas dans tous les domaines ? Éteindre les appareils électriques au lieu de les laisser en veille… Prendre le vélo ou le train plutôt que la voiture ou alors avec des covoitureurs. Croiser un papier abandonné par terre et l’acheminer vers la poubelle la plus proche… Jeter un œil sur l’origine et la composition d’un produit, s’interroger sur ses conditions de production : sociales, environnementales et économiques…et choisir consciemment d’acheter ou de ne pas acheter. Choisir ou subir. Et tout cela en s’amusant, parce que, promis, c’est stimulant de relever ces petits défis du quotidien. Un va en conduire un autre, et on y devient vite accro, à cette satisfaction de faire chaque jour un nouveau petit pas !

Et si alors, on parvenait à se satisfaire chaque année de ce que cette planète est capable de produire? Cette année, la France a atteint le «jour du dépassement des ressources» le 5 mai, c’est-à-dire que pour une année au rythme de consommation des ressources à la vitesse des Français, il faudrait 2,9 planètes… Bien sûr, on peut dire que l’on n’est pas pire que les Américains -dont le rythme nécessiterait 5 planètes- mais on est bien moins bons que le Vietnam ou le Niger, qui eux ont leur jour de dépassement des ressources en décembre ! Inspirons-nous les uns des autres, partageons nos expériences et nos essais pour qu’ensemble, nous puissions être vraiment efficaces. On peut faire mieux! On peut être 7 milliards à faire tous les petits pas qui sont en notre pouvoir.

Et pour aller plus loin :
terrevivante
famillezerodechet.com
cacommenceparmoi.org

Madeline Carlin, ingénieur agronome est membre du réseau des animateurs en agroécologie (AAE) -formés par Terre & Humanisme afin de transmettre l’agroécologie, ses pratiques et son éthique en suivant la voie que Pierre Rabhi a initié pour la souveraineté alimentaire, le respect de tous et du vivant…

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