Festival d’Aix-en-Provence : la chronique de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée

Publié le 24 juillet 2014 à  0h08 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h05

C’est le jour « J » ou le « D » day pour les 92 instrumentistes de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée. Ce soir, à 20 heures au Grand Théâtre de Provence, ils auront laissé dans les loges leurs bermudas et leurs tee-shirts pour revêtir chemises blanches et costumes sombres avant de connaître, pour une majorité d’entre eux, le trac d’une première entrée sur une grande scène pour donner concert devant le public. Un moment inoubliable, pour tous, qui participent ainsi à l’un des plus grands festivals de musique et d’art lyrique du monde. Et au-delà d’une simple participation, ce sont eux qui baissent le rideau sur l’édition 2014 de la manifestation. Ce soir, sous la direction d’Alain Altinoglu, et avec la participation de la jeune soprano Léa Trommenschlager, ils donneront «Hidd’n Blue», une œuvre contemporaine de Francisco Coll, les «quatre derniers lieder» de Richard Strauss, dont on célèbre, cette année, les 150 ans de la naissance, «Im Sommerwind» d’Anton Webern et «Daphnis et Chloé, suite n° 2» de Maurice Ravel.
Rappelons que cet ensemble est totalement, et officiellement, entré cette année dans le giron du Festival d’Aix-en-Provence, intégrant l’Académie Européenne de Musique. Dès l’année prochaine, certains instrumentistes de l’OJM seront appelés à travailler sur un opéra les associant au London Symphony Orchestra et au Philharmonique de Vienne.
Mais gageons que la belle histoire de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée se poursuivra longtemps. Bernard Foccroulle, le directeur du Festival et Émilie Delorme, la directrice de l’Académie, ayant de nombreux projets pour cette formation. Destimed vient d’accompagner avec une chronique quotidienne cette résidence aixoise de l’OJM. Nous avons ainsi voulu vous présenter quelques jeunes musiciens venus de tous les coins du bassin méditerranéen ainsi que quelques-uns de leurs formateurs. En attendant le compte-rendu du concert de ce soir, qui sera un point final pour l’édition 2014 de cette chronique, nous avons invité aujourd’hui Alain Altinoglu, le directeur musical de la session.
M.E.


Alain Altinoglu : « Ils sont bien ces petits… »

Pour le moins expressif, Alain Altinoglu, en répétition à la tête de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (Photo Jean-Claude Carbonne)
Pour le moins expressif, Alain Altinoglu, en répétition à la tête de l’Orchestre des Jeunes de la Méditerranée (Photo Jean-Claude Carbonne)

Il a le sourire aux lèvres en permanence, Alain Altinoglu. Et les yeux bleus qui pétillent sous son épaisse chevelure sombre. A 38 ans, il n’est pas beaucoup plus âgé que les instrumentistes qu’il a face à lui. Une quinzaine d’années, seulement, une génération, en fait. Mais il sait leur parler; avec ses mots, avec leurs mots.
«L’autre jour, nous raconte Quentin Hindley, le chef assistant de la session, il voulait demander aux cordes beaucoup de sensibilité avec la main gauche. Alors il s’est penché vers les pupitres et leur a susurré « I love you » doucement, passionnément. Et ça a marché.»
C’est ça la méthode Altinoglu. Et Quentin Hindley nous avouait avoir beaucoup appris, lui aussi, en travaillant à ses côtés.
«Ils sont bien ces petits…» C’est la première chose que nous dit Alain Altinoglu pour débuter l’interview. « Il y a un effet jeune indéniable, mélange d’inexpérience, d’enthousiasme, de découverte du monde, de joie d’être ensemble, de jouer ensemble. L’ambiance est incroyable.»
Et il a profité de tout cela, le maestro, pour construire un vrai orchestre en quelques jours, lui donner un son, une unité.
«C’est marrant, dit-il, mais je peux déterminer les cultures des différents musiciens à travers leur regard. Cette multiculturalité est une force pour l’orchestre.»
Même s’il lui a fallu travailler pour estomper les différences de niveau.
« Tout s’est joué sur le Ravel (Daphnis et Chloé, suite n°2-ndlr). C’était le plus compliqué, là où la disparité des niveaux était évidente au départ. Alors il a fallu niveler, par le haut… Et c’est là que la présence des coaches fut importante. Le chef n’est pas forcément un technicien. Il est là pour donner sa vision de l’œuvre, ses désirs concernant l’interprétation. L’orchestre, par son jeu, doit traduire cela. Et la présence des coaches qui expliquent et conseillent en permanence permet d’y arriver. C’est d’autant plus important que ce n’est pas un orchestre de professionnels.»
Alors, pour faire passer sa sensibilité, sa passion, Alain Altinoglu parle beaucoup aux jeunes, souvent de façon imagée, comme expliqué plus haut.
« C’est important de parler leur langage. Employer leurs mots pour demander de la sensualité, de la puissance, c’est ce que je fais. Je le fais aussi avec les orchestres professionnels, mais les mots sont différents.»
Alain Altinoglu est d’autant plus heureux d’être cette année à la tête de cet ensemble qu’il est, lui-même, enfant de la Méditerranée.
«Notre famille est d’origine arménienne. Mes parents vivaient à Istanbul jusqu’en 1970 avant de venir en France. Ma mère était pianiste, mais je l’ai peu connue, elle est décédée, j’avais 12 ans à peine. J’ai aussi un cousin qui est un musicien très connu en Turquie. La famille, c’est très important pour moi. Encore plus maintenant que j’ai un enfant. Avec Nora ( Nora Gubisch, mezzo soprano, son épouse-ndlr) nous essayons vraiment de coordonner nos engagements et nos emplois du temps respectifs pour y laisser une part à la famille. »
Une gestion du temps de plus en plus difficile à maîtriser car le jeune directeur musical est de plus en plus demandé.
«Le Met, le philharmonique de Vienne, Bayreuth en 2015, cela se vit au jour le jour avec le regard d’un enfant émerveillé. Ce sont les autres qui me rappellent l’histoire, mes amis qui me disent que je vais être le troisième chef français à diriger à Bayreuth depuis que Bayreuth existe. J’essaye de ne pas trop penser à ça. Pour moi, à New York, Aix-en-Provence, Vienne ou Bayreuth, il y a des musiciens devant moi et c’est la musique qui compte.»
La musique et l’enseignement puisqu’Alain Altinoglu devient professeur de direction musicale au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris dès l’année prochaine.«La pédagogie et l’enseignement me tiennent à cœur. Pour coller à mon activité de directeur musical, je pense pouvoir donner les cours par sessions au CNSM. »
Et, pour terminer cet entretien, Alain Altinoglu nous a parlé de Lorin Maazel qui est décédé il y a quelques jours. «J’ai dirigé, la semaine dernière, l’Orchestre National de France pour un concert hommage. Et je me suis rappelé que nous avions dirigé en alternance au Met. Et qu’un jour où c’était son tour de diriger, il m’avait invité dans sa loge pour boire du champagne afin de fêter ses 84 ans. Et je me souviens qu’il m’avait demandé si je lisais son blog… Il écrivait sur tout ou rien sur ce blog. Mais avec l’intelligence et la finesse qui étaient siennes. C’était un grand défenseur de la musique française.»
De la musique française, avec «Daphnis et Chloé » ainsi que le «Prélude à l’après-midi d’un faune» les musiciens de l’OJM en ont travaillé avec Alain Altinoglu. Tous se retrouvent dans quelques heures au point d’orgue. A tout à l’heure…
Michel EGEA

Pratique
L’orchestre des jeunes de la Méditerranée terminera sa résidence par trois concerts ; le premier aura lieu au Grand Théâtre de Provence le 24 juillet à 20 heures. Le lendemain, à 20h30, c’est la Villa Méditerranée, à Marseille, sur le J4, qui accueillera les musiciens puis le 26 juillet, déplacement dans les Hautes-Alpes, au bord du lac de Serre-Ponçon, à Savines-le-Lac, exactement, pour un concert donné à 21 heures sur la place de la mairie.
Le prix des places pour le concert à l’Archevêché est fixé à 15 euros et
10 euros pour les détenteurs du Pass et les jeunes.
Renseignements et réservations : la Boutique du Festival, place des Martyrs de la Résistance, 13100 Aix-en-Provence. Tél. 0820 922 923. Festival d’Aix
Le concert du 24 juillet sera enregistré par France Musique et diffusé en direct sur You Tube

Articles similaires

Aller au contenu principal