Festival de Ramatuelle : Entretien avec Jacqueline Franjou, présidente et fondatrice de cet événement culturel prestigieux qui démarre ce mercredi 31 juillet

Publié le 30 juillet 2013 à  7h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h06

Le Festival de Ramatuelle affiche bientôt trois décennies d’existence. Jacqueline Franjou qui le porte depuis toutes ces années, s’inscrit dans les personnalités qui œuvrent pour la culture. Elle la défend, la soutient, rappelle toujours l’importance des festivals petits ou grands car, avance-t-elle : « Si l’on tue les festivals, en diminuant des budgets culturels, on risque de devenir comme ces dictatures où il n’y a plus de culture». Le décor est planté. Entretien.

Michel Boujenah, directeur artistique du Festival de Ramatuelle et la présidente Jacqueline Franjou (PHOTO MICHELINE PELLETIER)
Michel Boujenah, directeur artistique du Festival de Ramatuelle et la présidente Jacqueline Franjou (PHOTO MICHELINE PELLETIER)

Jacqueline Franjou, de par sa longévité, la qualité de ses programmations, le Festival de Ramatuelle est ancré dans l’incontournable. Qu’est-ce qui fait sa force ?
Nous sommes partis pour une 29e édition, c’est une date, non pas un anniversaire. Mais, 29 ans dans un petit village, certes bien connu – depuis que Gérard Philipe y a habité – il est toujours compliqué de pérenniser un événement, aujourd’hui national, assez majeur même. Avec Jean-Claude Brialy, nous avons toujours voulu faire un festival familial engagé dans cette commune. Et depuis que Jean-Claude nous a quittés, cette politique touristique continue avec Michel Boujenah pour que les gens ne viennent pas ici juste pour bronzer mais profiter de moments de spectacles qu’ils n’auraient peut-être jamais vus. A Ramatuelle, aujourd’hui il y a un cinéma, la culture fonctionne un peu plus et le festival permet aux habitants d’aller au théâtre au moins une ou deux, trois fois par an, chez eux au village. Je suis là aussi, depuis 29 ans, je pense qu’il n’y a pas beaucoup de festivals qui vivent autant d’années et présidés par une femme. Je dois dire que j’ai une équipe exceptionnelle qui m’a permis de résister aux coups de la vie comme la disparition de Anne Philipe, Albert Raphaël, le maire de Ramatuelle, Jean-Claude Brialy. J’ai eu aussi de la chance avec la venue de Michel Boujenah. Grâce à sa générosité et à son talent le Festival a poursuivi sa route. Tenir 29 ans, me procure une grande fierté. Ce festival a été fait par des hommes et des femmes qui croient en quelque chose. Et j’ose dire que j’aime mon festival à cause de cela. Il y a eu tellement de moments extraordinaires. Ramatuelle, c’est aussi des créations et des distributions qui permettent de faire connaître des artistes un peu partout, en dehors des grandes villes. Et surtout et par-dessus tout, la scène est vraiment magique et je ne connais aucun artiste qui n’a pas eu envie de venir ou de revenir ici. De fait, on a quelque part des sociétaires. On a aussi pendant ces 29 ans inventés des tas de choses : les tirés à part, nous avons été les premiers à mettre des bases informatiques sur le festival ; on a permis de monter des expositions notamment avec les photographies de tous ceux qui sont venus ; on a aussi monté des programmes tapés de 200 pages qui racontent des histoires sur les artistes ; et enfin on a un site – j’invite tout le monde à le visiter – qui correspond à ce que souhaitent les artistes avec des textes très courts sur les spectacles et des liens à travers les logos des partenaires pour qu’ils se retrouvent et montrer ce qu’ils ont fait dans le cadre de ce festival.

Et que comptez-vous faire de tous ces souvenirs ?
J’espère les collecter dans un ouvrage. Ce sont des mots, des phrases, des photos, des moments, des vidéos qui vont montrer que c’est quelque chose de magnifique de construire un théâtre et un festival. Parce que cela permet de rêver tout le temps. Parce qu’il y a quelque chose d’éternel dans cette magie.

Qu’en est-il de la programmation 2013 qui démarre ce mercredi 31 juillet ?
On a atteint, cette année, un festival pratiquement complet puisqu’il y eu le festival de musique classique les 27, 28 et 29 juillet. Demain, le Festival de Ramatuelle ouvrira sur une soirée internationale de danse classique et contemporaine, « Les Étoiles sous les étoiles ». Je rappelle toujours que je dépose les noms, cet intitulé est un label, une marque. Pour la 2e année consécutive, nous avons les plus grands noms du ballet classique et contemporain qui interpréteront les pas les plus célèbres du répertoire : Le cygne noir, La dame aux camélias, Roméo et Juliette, la Chauve-Souris, etc. L’année dernière, cette soirée a reçu un tel succès qu’à la demande du public, nous avons décidé de la réitérer. Ensuite le 1er août une captation de France 2 de la pièce L’étudiante et Monsieur Henry, pour une diffusion ultérieure. Dans la distribution, on retrouve une très jeune comédienne Lysiane Meis qui vient du conservatoire. Malgré son jeune âge, elle semble posséder son métier, comme si elle comptait 10, 20 ans d’expérience. L’étudiante et Monsieur Henry est une pièce décapante qui met en scène une jeune fille qui cherche un studio et se retrouve à partager un appartement avec un vieux monsieur. Tous deux vont essayer de concilier la manière de vivre de l’un et de l’autre. Le 2 août, la même pièce est rejouée et le 3 août, nous avons Julien Clerc pour la 2 fois avec Pianistic. Je ne vais pas présenter Julien Clerc, les jeunes-femmes sont très amoureuses de Julien Clerc. je suis fan aussi. Avec lui c’est un coup de bonne humeur et de fraîcheur à Ramatuelle. Cher trésor, de Francis Veber, le 4 août avec Gérard Jugnot. C’est un peu la suite de François Pignon. Plus un sou sur le compte, chômeur de longue durée… une pièce légère et drôle. Le 5 août, Drôle de père avec Michel Leeb. Le fils et le père que tout oppose et qui se retrouve, grâce à un événement que je ne dévoilerai pas. Ensuite, le 6 août, un humoriste, Éric Antoine, avec « Mysteric ». Un homme à la fois conférencier, magicien, musicien, qui a fait des études de psychologie, de philosophie, dans sa tête toutes les questions se bousculent. C’est un personnage très grand, un professeur Nimbus, il passe souvent dans les émissions de télé. C’est notre bébé humoristique. Le 7 août, nous accueillons Juliette Gréco. Elle a participé à la première édition du Festival, un beau soir d’été de 1985. Je dis toujours que Juliette Gréco est une seconde mère pour moi. J’ai eu beaucoup de chance de la rencontrer, de devenir une amie. Elle est jeune, belle, magnifique, si l’on pouvait tous être comme elle en vieillissant ce serait formidable. Passer une soirée avec elle, c’est parler philosophie, parler de tous ses hommes et ses femmes qu’elle a connus, qui ont fait notre vie philosophique, littéraire et poétique durant toutes ces années. C’est un personnage très mystérieux, qui se cache, qui sort peu, qui sait dire la vérité. Je n’en finirais pas de parler de Juliette.
La Contrebasse sera joué le 8 août. On avait reçu Jacques Villeret, il y a quelques années, avec une panne d’électricité mémorable. Cette année, j’ai vraiment souhaité avoir Clovis Cornillac. Il vient pour la première fois à Ramatuelle. On a reçu sa mère de nombreuses fois ici mais lui, je ne le connais pas. J’adore aller voir ses films, c’est un comédien magnifique qui donne l’impression d’être un peu boudeur. Cette rencontre est intéressante. J’en dirais un peu plus l’année prochaine. Le nouveau spectacle de Christelle Chollet sera proposé le 9 août. Elle a une énergie à revendre, c’est un One woman show « 100% comique, 100% musical », de deux heures. Elle dit avoir créé une petite société qui remplace les chanteuses et les chanteurs quand ils sont malades. Elle imite Véronique Sanson, Piaf, etc. Elle a de la gouaille, des vannes incroyables. Dans la vie, c’est une jeune femme vraiment charmante. Elle était venue, il y a trois ans, quand on avait créé une scène qui regroupait de nombreux humoristes. On n ‘abandonne toujours pas l’idée d’organiser une ou deux grandes soirées dédiées aux humoristes. Ensuite, je suis contente d’avoir persuader Alain Sachs de venir avec Tout Offenbach ou presque qu’il remonte spécialement pour Ramatuelle puisque le spectacle s’est arrêté à Paris. Je rappelle que Alain Sachs, c’est Le Quatuor. Pour Tout Offenbach ou presque, il a inventé une intrigue qui permet de réciter tout le répertoire d’Offenbach. Et enfin, le 11août, Michel Bouquet sera dans le Roi se meurt d’Eugène Ionesco. J’ai une folle admiration pour Michel Bouquet qui fait partie des plus grands comédiens de notre siècle et du siècle dernier.

L’année prochaine verra une édition spéciale puisqu’il s’agira de la 30e. Avez-vous déjà envisagé un programme ?
On va mettre quelque chose en scène, on réfléchit avec Michel Boujenah. Dans tous les cas, je veux rendre un hommage aux jeunes auteurs, aux jeunes metteurs en scène qui nous ont fait de si belles pièces ces trois, quatre dernières années. On va essayer de raconter une histoire.

Vous parlez souvent de la politique culturelle. Qu’en est-il exactement selon vous ?
Avoir une politique culturelle passe forcément par les politiques, puisque que c’est eux, je simplifie beaucoup, qui doivent définir une stratégie. Non pas tant d’aider financièrement mais au moins communiquer sur la stratégie qu’ils veulent appliquer notamment dans les petites communes. Nous avons aujourd’hui une ministre de la Culture, Aurélie Filippetti. Je l’aime beaucoup, elle écrit de jolies choses, c’est quelqu’un de sensible qui aime la culture et les artistes. Mais quand elle m’a accroché une médaille ainsi qu’à Juliette Gréco et Michel Boujenah, nous avons voulu faire cela tous les trois ensemble, je lui ai dit qu’André Malraux a apporté beaucoup à la culture parce qu’il y avait le général de Gaulle, Il y a eu François Mitterrand avec Jacques Lang. Elle est jeune, elle est Normalienne, elle a, je pense l’oreille du Président de la République, et si le président faisait un couple culturel avec Aurélie Filipetti, ce serait formidable. Il faut conserver le ministère de la Culture en France, c’est indispensable. J’entends de-ci de-là, que l’on mettrait la culture sous la tutelle de l’Éducation nationale, ce sont des rumeurs. Si tel était le cas, cela serait regrettable car il faut donner une part entière au ministre de la Culture, lui donner du pouvoir, des budgets. On a un patrimoine en France tellement magnifique, on a des artistes magnifiques, des écrivains, nous avons des lieux magiques mais tout cela, il faut le préserver parce que c’est ça la France. Je voyage beaucoup, je dirige le Women’s Forum qui se déroule à Deauville. Je vais au Brésil, à Dubaï, en Afrique du sud, je vais organiser un Forum en Birmanie sur l’invitation d’Aung San Suu Kyi. A ce propos, c’est incroyable ce que peuvent faire les femmes dans des situations financière et politiques compliquées, cela permet d’avoir une vision du monde différente, c’est tellement enrichissant. Quand on va à l’étranger, on nous parle de Versailles, du Louvre, du musée d’Orsay, des Châteaux de la Loire, etc. On vit dans un pays magnifique. Donnons des crédits à la culture, soutenons la culture, que les entreprises soutiennent la culture, c’est indispensable pour notre liberté.

Comment est financé le Festival ?
Je suis en auto-financement à 45% par la billetterie. On fait 50 à 60% du Chiffre d’affaires par Internet mais pour le contact et les gens du village, on a toujours une billetterie ouverte sur place. Dans les partenariats, on est dans les mêmes eaux que l’année dernière. J’ai dû perdre 2%. Dans l’ensemble, ce n’est pas mal.

Propos recueillis par Patricia MAILLE-CAIRE

Plus d’info et réservations : www.festivalderamatuelle.com

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