Fondation du Camp des Milles: « j’ai marché sur les pas des internés »

Publié le 31 octobre 2016 à  23h25 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h41

Les collégiens toulousains découvrent au Camp des Milles les conditions de vie des internés: le froid, la promiscuité, la peur... (Photo Robert Poulain)
Les collégiens toulousains découvrent au Camp des Milles les conditions de vie des internés: le froid, la promiscuité, la peur… (Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)
(Photo Robert Poulain)

«Je pensais venir dans un petit musée et en fait j’ai marché sur les pas des internés. J’ai vécu quelques heures dans les mêmes lieux qu’eux mais pas dans les mêmes conditions. Et si j’entends des blagues racistes, je dirai que ce n’est pas rigolo, je dirai: « Cultive toi avant de dire n’importe quoi »», explique Rayen, 13 ans. Il vient de prendre part à la visite du Site-mémorial du Camp des Milles, ce dimanche 30 octobre, avec d’autres élèves du collège Bellefontaine de Toulouse, (ancien collège de Mohammed Merah) et du collège toulousain Stendhal. Une visite que, José Gomez, chargé de mission à la Fondation et boxeur professionnel, a fait vivre aux jeunes avec autant de pédagogie que d’intensité. Sébhore, 12 ans, avance pour sa part: «Je dirai à mes amis que nous vivons bien par rapport à cette époque de la deuxième guerre mondiale. Que je suis allé dans un endroit où des gens ont souffert avant de les envoyer vers des camps où ils mouraient. Je ne savais pas cette souffrance. Et, avant de venir, je pensais que cela ne pouvait plus se reproduire, j’ai appris que c’était faux et qu’il faut faire attention à ce que nous disons».

«Cette année de nombreux collégiens ont voulu venir»

Grefi Ilham raconte la genèse de la venue de ces collégiens au camp des Milles: «J’ai rencontré Alain Chouraqui au Conseil National des Villes dont nous sommes tous deux membres. Il m’a parlé de la Fondation du Camp des Milles et nous avons décidé de venir l’an dernier avec un groupe de 16 adolescents. Lorsque nous leur avons annoncé où nous voulions aller des réticences se sont fait jour. Ils ne comprenaient pas pourquoi; ont fait part de leurs préjugés, ce à quoi nous leur avons répondu que ces préjugés étaient les mêmes que ceux que les gens avaient à leur encontre. Puis José Gomez leur a parlé avec leurs mots et ce fut un choc. En cours l’Histoire leur paraît lointaine, fictive. Ici, ils ont été touchés parce qu’ils ont vu: du concret. Pour être claire, les Juifs pour eux, ce n’était plus le conflit israélo-palestinien mais, un peuple opprimé avec lequel ils ont eu la sensation d’avoir des points communs. A leur retour ils ont interrogé leurs enseignants, certains ont fait une présentation en classe, en ont parlé à tout le monde. Résultat, cette année de nombreux collégiens ont voulu venir».

«Cette histoire n’est pas un film»

José Gomez emmène les jeunes visiteurs dans une histoire qu’ils n’imaginaient pas, qu’ils ne pouvaient pas imaginer. Il fait d’eux des acteurs de cette histoire qui, ne cessera-t-il de rappeler, «n’est pas un film». Il évoque l’arrivée au pouvoir, par des voies démocratiques, d’Adolf Hitler,«par des jeux d’alliances car il n’avait pas la majorité». Signale que, «quand des pays vont mal, les extrêmes montent et l’on a toujours tendance à se dire que c’est la faute des autres. Hitler s’en est pris à une religion et a dit que c’était la faute des Juifs». Il en vient au moment où Hitler est à son apogée, où la France de Pétain collabore: «Qu’est-ce que vous auriez fait-vous? Vous auriez résisté? Moi je ne sais pas, d’autant que cela imposait de mettre sa famille en danger. Alors, il vaut mieux résister avant que le pire n’arrive». Puis d’informer son jeune public que des enfants -que les Allemands ne réclamaient pas- ont été envoyés par la France vers les camps de la mort. «Aux Milles le plus jeune n’avait qu’un an et demi». Il interroge à nouveau les collégiens à propos des stéréotypes, du racisme: «Vous avez des frères et des sœurs? Êtes vous leur copie conforme? Non. Alors vous êtes d’accord avec moi pour dire que lorsque l’on dit qu’un groupe est pareil en raison de sa couleur de peau, de sa religion, de son origine c’est n’importe quoi. Il faut donc arrêter, lorsque cela va mal, de chercher des bouc-émissaires, de dire qu’un groupe est différent et inférieur».

Les notions d’effet de groupe, de conformisme, de soumission aveugle à l’autorité et sur les capacités de chacun à y résister

Après la visite, les élèves ont participé à un atelier pédagogique autour du film «La vague». Au travers d’échanges et de débats, ils ont pu travailler et s’exprimer sur les notions d’effet de groupe, de conformisme, de soumission aveugle à l’autorité et sur les capacités de chacun à y résister. L’occasion pour ces collégiens de prendre conscience de la permanence de ces mécanismes humains parfois mortifères.
Lionel Hanctin a fondé en 2001 à Toulouse, après AZF, l’association Jeunesse Action Loisirs qui, dans le secteur dit sensible du Mirail, mène de nombreuses actions avec le dispositif Recolle ouverte. Il explique dans quel cadre s’inscrit ce voyage et son contenu. Il indique en premier lieu que l’association, qui finance et, le dispositif école ouverte ont pour objet notamment de remédier au relatif abandon socio-éducatif du quartier quand le collège ferme ses portes; d’offrir un lieu d’accueil de qualité par la nature et la diversité des activités proposées; d’éduquer à la citoyenneté, la démocratie, l’autonomie, l’éducation au choix… «Nous proposons des séjours tel celui que nous effectuons à Marseille. Nous en discutons avec les jeunes et nous faisons en sorte qu’il soit multifacettes. Ainsi, nous venons au camp des Milles, nous sommes allés au Frioul, nous allons au Vélodrome voir jouer l’OM. Nous aurons également une rencontre sportive avec des jeunes et nous visiterons le Mucem».
Michel CAIRE

José Gomez: J’ai pris une gifle en venant aux Milles

Le boxeur, José Gomez, chargé de mission au Camp des Milles apporte pédagogie et intensité à cette visite (Photo Robert Poulain)
Le boxeur, José Gomez, chargé de mission au Camp des Milles apporte pédagogie et intensité à cette visite (Photo Robert Poulain)

José Gomez raconte comment il en est venu à être boxeur professionnel et chargé de mission au Camp des Milles. «La première fois que je suis venu, par obligation, pour représenter la communauté tzigane. Car l’Histoire, à l’école, m’avait gonflé. Et puis j’ai fait la visite et j’ai pris conscience qu’en ne suivant pas attentivement les cours, j’étais passé à côté de quelque chose, que des gens étaient morts. Je me suis pris une gifle et encore plus lorsque j’ai appris que le dernier génocide a eu lieu en 1994 au Rwanda, j’étais né en 1994, comment avais-je pu passer aussi à côté de cela? Alors, lorsque quelques temps plus tard on m’a proposé de travailler ici pour transmettre aux jeunes je me suis senti obligé d’accepter d’autant que je suis issu, moi aussi, d’un quartier prioritaire»
M.C.

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