Fondation du camp des Milles : témoignage d’Herbert Traube, interné au camp, évadé, Résistant, libérateur de la France

Publié le 7 juin 2014 à  21h26 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h52

Herbert Traube, interné au Camp des Milles, évadé, Résistant, libérateur de la France et aujourd'hui Président d'honneur de l'association Devoir de mémoire (Photo Philippe Maillé)
Herbert Traube, interné au Camp des Milles, évadé, Résistant, libérateur de la France et aujourd’hui Président d’honneur de l’association Devoir de mémoire (Photo Philippe Maillé)
Herbert Traube avec à ses côtés un jeune lycéen lors de la Journée nationale de la résistance au Camp des Milles (Photo Philippe Maillé)
Herbert Traube avec à ses côtés un jeune lycéen lors de la Journée nationale de la résistance au Camp des Milles (Photo Philippe Maillé)
La Fondation du Camp des Milles vient d’accueillir Herbert Traube qui a rencontré des collégiens, raconté sa vie. Un camp qu’il a connu pour y être interné avant de s’évader, s’engager dans la Légion Étrangère, lui le juif autrichien, qui a été interné à Gurs, puis à Rivesaltes. L’homme, ne manque pas de dynamisme. Militant associatif, il est le président d’honneur de l’association Devoir de mémoire, ainsi que le responsable du site.
Il raconte : «Je suis né à Vienne le 15 juillet 1924. Après la Nuit de Cristal (9 novembre 1938), mon père est arrêté et déporté à Dachau». Lui et sa mère peuvent se réfugier, un temps, en Belgique. Puis, de nouveau, c’est le départ, vers la France, le 12 mai 1940, dans un train de réfugiés belges. Ce train, bondé, les amena jusqu’à Luchon. «Là, nous fûmes triés et répartis en plusieurs groupes. Le nôtre, fort d’une centaine de personnes, échoua dans un village de l’Ardèche, Villeneuve-de-Berg, où nous passâmes tout l’été». Puis, on leur dit qu’ils ne peuvent plus rester, on les envoie vers un « centre d’accueil »qui se révèle être Gurs, un camp, dans lequel il est séparé de sa mère, fait la connaissance de réfugiés espagnols. Il subit l’antisémitisme et connaît la faim. Vient l’heure du transfert vers Rivesaltes, «peu de temps après ma mère mourut. De malnutrition et de manque de soins. Je fus autorisé à assister à ses obsèques et en profitais pour m’enfuir du camp».
Direction Marseille. «Des braves gens m’adressèrent à l’American Friends Service Committee (organisme d’aide aux réfugiés créé par les Quakers). Ils m’acceptèrent dans l’un de leurs Centres d’hébergement et je pus ainsi obtenir un titre de séjour».
Herbert Traube en profite pour résister : «Je participe au premier mouvement de résistance dans la cité phocéenne». Jusqu’à ce qu’il soit arrêté lors de la rafle d’août 1942. Direction le Camp des Milles. «Je réussis à éviter deux convois de déportation vers Drancy, en me cachant dans les méandres de la tuilerie, mais je fus arrêté en essayant de me faufiler à travers l’enceinte de barbelés». Le convoi suivant, «le dernier en partance des Milles va à Rivesaltes».
De là, il est déporté, le 14 septembre, vers Drancy. Dans le wagon de marchandises, «pour 40 hommes, nous étions entre 60 et 80. La chaleur est éprouvante, rapidement la tinette déborde. Nous n’avons rien à boire». Mais les fenestrons n’étaient pas obstrués. «Je réussis à passer ma tête entre les deux barreaux horizontaux. Un homme me lance: « Si la tête passe, le corps passe aussi ! ». On me pousse, je saute du train. Libre. Je retourne à Marseille».
Un résistant lui explique comment s’engager dans la Légion en se faisant passer pour un Luxembourgeois, en ne signalant pas qu’il est Juif. «Je quitte Marseille le 6 novembre 1942, quelques jours avant l’arrivée des troupes allemandes». Il arrive en Algérie juste avant le débarquement des Alliés. «Je participe à la campagne de Tunisie. Puis, dans la division blindée du 1er Régiment de marche de la Légion, je participe au débarquement des forces alliées en Provence». C’est ensuite la libération de Lyon, celle de Belfort, de Colmar, la bataille du Rhin, la Forêt Noire. « Le 8 mai 1945, je suis en Autriche, les armes à la main, victorieux, dans le pays où je suis né, dont j’ai été chassé ».
La guerre prend fin, Ernest Traube prend la nationalité française. «C’est l’aboutissement de mon action de résistant et de combattant, un acte de gratitude pour ce pays qui m’a sauvé de la déportation».
Il ne cache pas son inquiétude après le résultat des élections européennes en France, rappelle : «Hitler a pris le pouvoir avec 30% des voix». Et de conclure : «Je conjugue toujours résister au présent ».
Michel CAIRE

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