Formation : le monde de l’entreprise plaide pour l’apprentissage

Publié le 13 juillet 2013 à  4h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  15h43

L’Union patronale régionale PACA et la CCI de la région PACA ont remis lundi 8 juillet, au Palais de la Bourse à Marseille, le fruit de la collecte de la Taxe d’apprentissage 2013 aux écoles soutenues par le monde de l’entreprise, à l’occasion d’une manifestation à l’initiative de la CCI Marseille Provence et de l’UPE 13. Plus de 5 M€ seront ainsi remis à des écoles du territoire qui contribuent à former sur les métiers dont les entreprises « ont réellement besoin ». L’occasion de promouvoir l’apprentissage et de pointer les dangers de la réforme dans les tuyaux pour 2015.
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Plus de 5 millions d'euros ont été remis lundi, au Palais de la Bourse à Marseille, aux écoles soutenues par le monde de l'entreprise.
Plus de 5 millions d’euros ont été remis lundi, au Palais de la Bourse à Marseille, aux écoles soutenues par le monde de l’entreprise.
Promouvoir l’apprentissage et inciter les entreprises à verser le montant de la taxe d’apprentissage à l’Union patronale régionale (UPR) Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) : c’était le double l’objectif de la cérémonie qui s’est tenue lundi 8 juillet à la Chambre de Commerce et d’Industrie Marseille-Provence (CCIMP) en présence de Christian Malaterre, vice-président de l’Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône (UPE 13) et Stéphanie Chauvet, responsable Ressources humaines, Formation, Taxe d’apprentissage à l’UPR. Une manifestation, initiée par la CCIMP et l’UPE 13, au cours de laquelle l’UPR et la CCI de la Région PACA ont remis le fruit de la collecte de la taxe d’apprentissage 2013 aux écoles soutenues par la monde de l’entreprise (*), soit plus de 5 M€ ainsi versés aux établissements qui contribuent à former les futures ressources des entreprises du territoire.
Chaque année, les entreprises de la région PACA investissent au total plus de 160 M€ dans la formation via le versement de la taxe d’apprentissage. Or, comme l’explique Stéphanie Chauvet, « elle constitue un levier pour appuyer une politique de formation sur le territoire là où les entreprises ont des besoins ». « On les invite à la verser à des écoles en lien avec leurs métiers. Et pour celles qui n’auraient pas véritablement d’idées, de nous les confier via des « fonds libres » qui sont attribués à un certain nombre d’écoles que nous avons labellisées sous la certification « Campus éco » », explique-t-elle. Un label qui est né d’un manque comme le rappelle la responsable de l’UPR. « Un certain nombre d’entreprises avaient un grand nombre de besoins mais ne savaient pas forcément vers quelles écoles se tourner. Ce label leur offre ainsi la garantie que les jeunes sont bien formés, que ce soit en termes de résultats de la formation que de taux d’intégration sur le marché du travail : c’est un processus qualité. Et il garantit surtout que les jeunes sont formés sur des métiers qui correspondent aux besoins des entreprises : nous sommes très attentifs aux liens développés par ces écoles avec les entreprises locales », précise Stéphanie Chauvet.

Dix-huit écoles labellisées « Campus éco »
Pas question ainsi pour le monde de l’entreprise de labelliser des écoles pour former des jeunes « qui sont ensuite envoyés vers Pôle Emploi : il faut que ça réponde à un besoin des entreprises ». Et Stéphanie Chauvet de prendre en exemple le lycée scientifique marseillais La Forbine. « Ce lycée de biologie a perdu une classe du fait de la réforme du BTS biologie. La Région PACA était prête à mettre l’argent pour permettre de conserver cette classe. L’établissement aurait donc pu la maintenir : ils avaient les professeurs, les laboratoires, les fonds… Mais derrière ils savaient qu’il n’y avait pas d’emplois. Alors ils ont préféré réorienter l’ouverture de cette classe vers des métiers dont les entreprises ont besoin », souligne-t-elle.
Dix-huit établissements de la région se sont ainsi vu décerner ce label « Campus éco ». « Ce sont dix-huit écoles, proposant des formations du CAP au Bac+5, qui représentent 2 500 apprentis en PACA. Ces établissements accueillent aussi 3 000 salariés en formation continue, poursuit Michel Valente élu à l’UPR. L’objectif est surtout de créer un réseau, d’établir des relations afin de bâtir des parcours de formation où les écoles sont de plus en plus proches des entreprises, avec le souci de futures embauches. Il s’agit aussi, à travers ce label, d’améliorer les formations. » Une politique qui porte ses fruits puisque « dans 78% des cas, les jeunes trouvent une solution en termes d’emploi dans la région ou ailleurs », PACA abritant des entreprises « qui ont une ouverture nationale et internationale ».
La manifestation a également permis de mettre en lumière tous les apports bénéfiques de l’apprentissage que ce soit pour les entreprises que pour les jeunes qui suivent ces formations en alternance. L’un des mieux placés pour en parler est Fabien Fiducci, directeur régional d’Orange, puisque l’entreprise accueille chaque année 4 200 apprentis sur l’ensemble de l’Hexagone – dont 300 dans le Sud-Est -, soit quasiment 1% du nombre total d’apprentis en France (430 000).

40% des apprentis sont recrutés chez Orange
« C’est une opération gagnant-gagnant. Cela apporte à l’étudiant une formation sur le terrain au sein d’une entreprise importante dans un domaine qui évolue beaucoup. L’entreprise est également gagnante car ce sont des jeunes qui sont nés dans le monde des smartphones : cela nous fait du bien. Et ça nous permet aussi de tester des gens qu’on peut ensuite recruter », explique le directeur régional d’Orange.
Ainsi sur les 300 personnes en apprentissage dans le sud-est, prises en charge par des tuteurs (3 700 au total chez Orange), 40% auront la chance d’être recrutées, moitié en CDI, moitié en CDD « avec de fortes chances de basculer ensuite en CDI ». « On ne peut pas recruter tout le monde. Mais pour ceux qui ne le sont pas, l’apprentissage chez Orange constitue ensuite, je pense, un bel argument pour trouver un emploi ailleurs », estime Fabien Fiducci. 85% des recrutements s’effectuent sur des métiers non cadres, « boutiques et installations clients avec deux développements de réseaux importants », 15% sur des métiers de cadres. Un rythme d’embauche qui, comme le déplore le directeur régional, « risque de diminuer un peu ces prochaines années ». « En raison des turbulences des télécommunications, avec l’arrivée d’un 4e opérateur, au lieu de recruter 10 500 personnes comme les 3 dernières années, nous n’en recruterons que 4 500 cette année. Mais le président s’est engagé à ne pas diminuer le volume d’apprentis dans les années à venir », souligne Fabien Fiducci.
D’autant qu’à l’heure où le cuivre, qui a permis le déploiement des connexions ADSL à domicile, a « une durée de vie limitée », la fibre optique, qui représente « l’avenir », réclame pour sa part « des compétences différentes ». Orange travaille ainsi actuellement avec les universités pour « adapter les formations ». Ce qui fait dire à Fabien Fiducci que l’histoire de l’apprentissage au sein de l’entreprise a « un beau passé et un bel avenir ».

« En apprenant le métier sur le terrain, les connaissances viennent plus vite »
Un bel avenir semble aussi promis à Flory Bonnaffoux, étudiante à Futurosud, CFA dédié aux métiers du sport, de l’animation et du tourisme, qui a suivi durant un an et demi une formation en alternance, 23h hebdomadaires en entreprise et 12h à l’école. « En apprenant le métier sur le terrain, les connaissances viennent plus vite. L’enseignement général ne m’a jamais intéressée. Avec l’apprentissage, on comprend le métier plus rapidement, c’est incomparable : les compétences viennent directement, c’est beaucoup plus facile », explique la jeune fille qui a été contactée par 3-4 entreprises à l’issue de son cursus. « On m’a demandée en CDI, c’est extraordinaire », se réjouit-elle.
Estimant qu’il s’agit de « la meilleure manière d’apprendre un métier », elle loue notamment « le fait d’acquérir une petite expérience ». « On nous apprend le travail, le métier, ce n’est pas toujours facile mais après, quand on arrive en entreprise, on sait comment se comporter. Ceux qui n’ont été qu’à l’école ne savent pas en revanche si le métier leur correspond : ils n’en ont pas eu une idée précise », souligne-t-elle.
Stéphanie Chauvet indique que la formule joue aussi un rôle d’« ascenseur social ». « Pour certains jeunes l’apprentissage est un choix, pour d’autres une obligation : c’est soit l’apprentissage, soit rien du tout. Car l’apprentissage permet de former un jeune, lui permet d’apprendre réellement un métier et en même temps, il perçoit un salaire. Sur les niveaux supérieurs, des jeunes peuvent ainsi suivre des formations en écoles de commerces car ils touchent un salaire, là où les parents n’en auraient pas les moyens. C’est quelque chose qu’on constate fréquemment », témoigne-t-elle.
Car contrairement à certaines idées reçues, l’apprentissage n’est pas l’apanage des faibles niveaux de qualification, comme en atteste l’Ecole Centrale de Marseille qui forme des ingénieurs par les voies de l’apprentissage. Cela permet de « toucher de nouveaux publics » et témoigne d’une démarche militante car « former des cadres via l’apprentissage va colorer la culture de ces entreprises en les ouvrant à d’autres modalités », résume un responsable de l’établissement.

« On risque de se priver de la dimension d’ascenseur social sur les grandes écoles »
Mais au grand dam de Stéphanie Chauvet, cette formule, qui a pourtant fait la preuve de son efficacité, pourrait prendre du plomb dans l’aile avec une réforme dans les tuyaux pour 2015. « Aujourd’hui, l’apprenti touche un salaire et bénéficie d’avantages fiscaux, ainsi que son foyer fiscal donc ses parents. Or, il y a une évolution dans les tuyaux qui remettrait cela en cause et donc, bien évidemment, le succès de la formule », déplore-t-elle.
Et de poursuivre : « La taxe d’apprentissage, c’est un ascenseur social. Envoyer tous ces fonds vers les conseils régionaux, c’est se priver de cette dimension d’ascenseur social sur les grandes écoles. Or, en France, on a beaucoup d’apprentis sur les niveaux 4 et 5, mais pas assez au niveau supérieur. Là les fonds risquent d’être réorientés vers les niveaux 4-5 car on sait que c’est le souci du financeur et on risque de perdre cette possibilité-là », explique-t-elle.
Pourtant, il s’agit bel et bien à ses yeux d’une « formule gagnant-gagnant ». « Cela permet de rétribuer l’étudiant qui est payé et derrière souvent embauché et en même temps, l’entreprise participe au coût de la formation en finançant l’organisme de formation. On est aussi très attentif à s’inscrire dans une logique de filière : des jeunes sortis de l’Ecole nationale supérieure d’Arts et Métiers à Aix-en-Provence ont débuté par un CAP », insiste-t-elle.
Enfin, alors que « la volonté du gouvernement est de coller au modèle allemand », Stéphanie Chauvet fait observer qu’outre-Rhin « on forme des jeunes tous niveaux confondus par le biais de l’apprentissage : des jeunes de niveaux 4 et 5 comme des BTS, des Bac+5 comme des CAP ». « L’apprentissage est juste indispensable. Le jeune acquiert une expérience, l’entreprise contribue à l’effort de formation et, au final, les jeunes apprentis sont beaucoup plus employables, 10 points de plus en moyenne, que celui qui sort d’un cursus initial », conclut-elle.
Serge PAYRAU

(*) Arts et Métiers ParisTech, Axe Sud, CFA Corot, CFA Epure Méditerranée, CFA Futurosud, Cité des Métiers, Don Bosco, Groupe École Pratique, École Centrale, EMD Management, Kedge, Formation et Métier, ISBA-TP, ISM La Cadenelle, Lycée La Forbine, Point A, Provence Formation, Science Po Aix (IEP), 4IM, CFA IFRIA et CFA de Travaux Publics de Mallemort.

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