Forum des entrepreneurs : les patrons mettent la pression sur l’Etat

Publié le 4 septembre 2013 à  22h17 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h17

En marge de la présentation de la 13e édition du Forum des entrepreneurs, qui se tiendra ce vendredi 6 septembre à la Kedge Business School de Luminy à Marseille sur le thème « Entreprises et Pouvoirs », le président de l’Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône (UPE 13), Jean-Luc Chauvin, s’est livré à un tour d’horizon de l’actualité économique et sociale de la rentrée. L’occasion de remettre la pression sur l’Etat au niveau de la réduction des dépenses publiques et de la réforme des retraites, comme l’avait déjà fait Pierre Gattaz, le nouveau président national du Medef.

Le président de l'UPE 13 Jean-Luc Chauvin aux côtés de Frédérique Jeske, secrétaire général de l'organisation patronale. (Photo S.P.)
Le président de l’UPE 13 Jean-Luc Chauvin aux côtés de Frédérique Jeske, secrétaire général de l’organisation patronale. (Photo S.P.)

« C’est un thème complétement d’actualité, majeur de la rentrée et en même temps, il s’agit d’un thème très militant ce qui change un peu par rapport aux années précédentes » : c’est en ces termes que Jean-Luc Chauvin, président de l’Union pour les entreprises des Bouches-du-Rhône (UPE 13), a présenté, ce mercredi 4 septembre à midi au restaurant « Les Arcenaulx » dans le premier arrondissement de Marseille, la 13e édition du Forum des entrepreneurs qui aura lieu ce vendredi 6 septembre sur le thème « Entreprises et Pouvoirs ». Un forum, qui constitue aux yeux du patron des patrons du département « l’incontournable rendez-vous de la rentrée du monde économique et social du département », dont le succès ne se dément pas. « Ce lundi à 9h nous avions 2 048 personnes inscrites. On enregistre encore 50 à 80 inscriptions par jour donc on va vers une affluence record », se réjouit Jean-Luc Chauvin.
Il faut dire que du côté de l’UPE 13 on n’a pas touché à une formule qui marche avec une succession de tables rondes, sur des thèmes tels que « Les hommes politiques aiment-ils l’entreprise ? », « Qui détient le pouvoir dans l’entreprise ? », « La mondialisation asservit-elle le politique ? » ou encore « L’entreprise doit-elle se mêler de politique ? », mettant aux prises des intervenants prestigieux, à l’instar de Xavier Bertrand, ancien ministre de la Santé et du Travail, des économistes Nicolas Bouzou et Daniel Cohen, de Franz-Olivier Giesbert, directeur du Point, de Nathalie Loiseau, directrice de l’ENA, de Guillaume Sarkozy, délégué général de Malakoff Mederic, ou encore de Jean-Marc Forneri, président-fondateur de Bucéphale Finance.
Comme le veut la coutume, les débats se tiendront, de 8h30 à 16h30, dans les locaux de l’Ecole de management Euromed Marseille à Luminy, sauf que cette dernière s’appelle désormais depuis le 1er juillet Kedge Business School. « Les écoles de management de Marseille, Toulon et Bordeaux ont fusionné pour donner naissance à Kedge Business School, Kedge étant une ancre de navigation qui donne un cap », explique Christophe Mouysset, directeur de la Relation Entreprises et Marchés de la nouvelle entité, dirigée par Bernard Belletante et présidée par François Pierson, qui étaient déjà respectivement directeur et président d’Euromed Marseille. « Grâce à cette fusion, l’école va pouvoir entrer dans la cour des grands avec 10 000 étudiants, 8 campus, 300 partenariats académiques et plus de 150 réseaux d’entreprises dans le monde. Le groupe dispose d’un budget de 80 à 90 M€ ce qui va lui permettre d’investir 52 M€ sur 5 ans », souligne Christophe Mouysset, alors que d’ores et déjà le Global MBA Part-Time (maîtrise en administration des affaires) se classe parmi les 100 meilleurs MBA professionnels au monde (48e).

« La France est à la traîne »

Une volonté de grandir qui sera notamment nourrie par une double ambition. « Nous voulons contribuer au rayonnement de notre territoire en restant ancrés dans nos racines et en développant des liens avec le tissu économique local. Nous souhaitons aussi servir l’employabilité et l’emploi : nous disposons de plus de 150 projets d’action avec les entreprises et nous accueillons plus de 400 apprentis. Nous voulons être plus qu’une business school en accompagnant les entreprises pour dénicher les talents », précise encore le directeur de la Relation Entreprises et Marchés de Kedge Business School.
C’est donc dans ce cadre où l’on se veut « acteur de la mondialisation » que les différents intervenants vont débattre sur le thème « Entreprises et Pouvoirs » dont Jean-Luc Chauvin assure lui-même qu’il ne savait pas, quand il l’a choisi, qu’« il serait autant d’actualité ». Et le président de l’UPE 13 d’aller droit au but. « La France est à un carrefour qu’il faut bien arriver à négocier. Ou cette France grandit, ou on laisse les choses en l’état et on va décrocher », résume-t-il. Car à ses yeux il y a urgence. « Les économistes recensent 8 millions de pauvres en France et prédisent 15% de chômeurs en 2014. Il est important pour nous aux les choses changent », martèle-t-il.
Mais s’« il y a un réel besoin d’évolution », Jean-Luc Chauvin estime que le France actuellement « décroche car nos partenaires européens font des réformes que nous ne faisons pas ». Le patron des patrons du département en veut pour preuve le « classement de Davos », palmarès de la compétitivité des nations, où la France a glissé de la 21e à la 23e place. Le président de l’UPE 13 épingle particulièrement la 116e place (sur 148) occupée par la France en matière de « rigidité du marché du travail » et la 127e place en matière de régime fiscal. Et le léger rebond de croissance survenue dans l’Hexagone (+0,5% au deuxième trimestre) ne suffit pas, à ses yeux, à rééquilibrer la balance. « Dans le même temps, le Portugal enregistre une croissance de 1,1% et l’Espagne et l’Italie des taux de croissance négatifs de -0,7% et -0,9% qui ont fortement été réduits par rapport au premier trimestre », observe-t-il. Or, si la France devrait éviter de plonger dans la récession en 2013, avec un taux de croissance de 0,3% au lieu de -0,3% comme on le prédisait, il estime que d’autres pays enregistrent des redressements plus spectaculaires, à l’instar de la Grande-Bretagne, « 1,8% de croissance au lieu de 0,8% » et de l’Allemagne, « 0,7% de croissance au lieu de 0,4% ». « Certains sont en situation de rebond grâce aux réformes faites, alors que la France est à la traîne. C’est un modèle qu’il faut faire évoluer. Car pour nous, il y a une urgence, c’est l’emploi, et si on continue, on aura 15% de chômage à la fin 2014 », insiste Jean-Luc Chauvin.

En France, « finalement on ne réforme rien »

La récente réforme des retraites est d’ailleurs selon lui la démonstration qu’en France, « finalement, on ne réforme rien ». « Avec la réforme, en 2018, on ne pourra plus payer le régime Agirc (NDLR : Association générale des institutions de retraite des cadres qui gère le régime de retraite des cadres du secteur privé). Donc en 2016, 2017, il faudra à nouveau réformer : il faut sortir de cette logique », résume-t-il. Le président de l’UPE 13 observe aussi que « sur les feuilles de paie, on va avoir une augmentation du brut et une diminution du net pour les salariés ». « On instaure de nouvelles taxes et, trois jours après, on annonce une pause en disant « on va compenser ». Pourquoi compenser, alors qu’il va falloir financer cette compensation ? Pourquoi pas la bonne mesure tout de suite ? », s’interroge-t-il.
Il brocarde aussi la réforme des heures supplémentaires mise en place il y a un an. « C’est une réforme idéologique qui n’a rien résolu en termes d’emploi. Et en recevant les feuilles d’impôt, on s’est aperçu que ces heures supplémentaires constituaient pour certaines personnes un pouvoir d’achat nécessaire pour vivre Alors un an après, on nous dit qu’on va recréer les heures supplémentaires, pour certains », ironise-t-il.
Ce qui pour Jean-Luc Chauvin conduit à « une situation de zig zag où ne réforme pas, on n’a pas de cap, pas de vision ». « Quand on a un problème dans ce pays depuis 30 ans, on taxe les entreprises et les salariés. Or, aujourd’hui, trop d’impôt tue l’impôt, on le dit même au ministère des Finances. Il faut rompre avec ce vieil adage où quand on est en difficulté, on taxe », martèle-t-il. Il plaide également pour un rapprochement des entreprises et des politiques. « L’enjeu est de réussir ensemble, politique et entreprise, alors qu’aujourd’hui ils ne travaillent pas ensemble. Dans d’autres pays, les politiques savent qu’ils sont là pour créer un terreau afin que les entreprises se développent. Ici, on ne travaille pas ensemble. Or, ce n’est qu’ensemble qu’on s’en sortira. Il faut créer une vision partagée, pas un discours contre les politiques », analyse-t-il.
Cette « rupture », qu’il faut « enfin oser » car « les autres pays sont en train de le faire » dans une situation qui « ne laisse plus le temps aux choses », Jean-Luc Chauvin en a une vision très précise à travers les cinq priorités qu’il décline et qui ressemblent à s’y méprendre à celles de Pierre Gattaz, le nouveau président national du Medef. « Il n’y a pas de raison qu’il y ait scission. Mais on continuera à pousser les idées qui vont dans le sens de la modernité sociale », assure le président de l’UPE 13.

« 100 Mds€ de charges et d’impôts qu’il ne faut plus faire peser sur les entreprises »

Tout d’abord, il estime qu’« il faut redonner de la compétitivité aux entreprises ». « Il faut leur permettre de produire, de créer de l’emploi en diminuant le coût du travail », plaide-t-il.
Jean-Luc Chauvin appelle également à réduire les dépenses publiques. « C’est 100 Mds€ de charges et d’impôts (50 Mds€ de charges et 50 Mds€ d’impôts) qu’il ne faut plus faire peser sur les entreprises. Cela représente 20 Mds€ d’économies par an, soit 1,7% de dépenses en moins dans le budget de l’Etat. 1,7%, n’importe quelle ménagère, famille sait que c’est possible. Surtout lorsque l’on sait que le budget de l’Etat n’a cessé d’augmenter depuis 40 ans », souligne-t-il. Et de brocarder au passage le ministre de l’Economie et des Finances. « Pierre Moscovici (PS) parle de 10 Mds€ d’économies alors qu’en réalité c’est 1,7 Mds€ car le budget de l’Etat augmente automatiquement chaque année. Donc, les 10 Mds€, ce sont 10 Mds€ d’actualisation en moins, 10 Mds€ d’augmentation en moins », rectifie-t-il. Avant de s’interroger à haute voix : « Quand ça fait 40 ans qu’on n’arrive pas à équilibrer le budget, est-ce nécessaire de l’actualiser sachant qu’à chaque fois qu’on augmente une cotisation ou un impôt de 0,1%, on détruit de l’emploi ? ».
Le président de l’UPE 13 réclame aussi davantage de flexibilité du travail. Et de prendre en exemple l’Espagne qui vient de « passer de 41 contrats de travail existants à 5 ». Il souhaite aussi que diminue « la charge administrative qui pèse sur les entreprises ». « Nous avons 3 codes de plus de 3 000 pages, 40 000 normes. Pour les entreprises, c’est du temps perdu, mais pour l’Etat aussi », tranche-t-il. Et de lorgner cette fois-ci vers la Grande-Bretagne et son « 1 in, 2 out », c’est-à-dire que chaque fois qu’une loi est créée, deux sont supprimées.
Jean-Luc Chauvin veut enfin sauver notre système de protection sociale qui à ses yeux « va droit dans le mur ». « Nous avons un très bon système de protection sociale, les Français y sont très attachés, et si on veut le faire perdurer, il faudra le réformer », résume-t-il. Ce qui passe selon lui par une véritable réforme des retraites et « pas une réformette qui ne permet pas en 2018 de payer la retraite des cadres ». « Il y avait 4 à 5 salariés pour financer la pension d’un retraité après-guerre, il y a 1,4 aujourd’hui et il y en aura 1,2 en 2020. Donc on peut jouer sur le curseur qui est plus de cotisations. Mais on peut aussi jouer sur un deuxième curseur qui est celui de la durée. D’autant que l’espérance de vie entre la deuxième guerre mondiale et aujourd’hui a très largement augmenté », argumente-t-il.

« Aujourd’hui, il ne faut qu’un seul système où on est tous égaux »

Il considère aussi qu’il faut « le courage d’avoir un système pour tous ». « La pénibilité est désormais prise en compte pour tous, c’est fait. Donc il faut aller au bout et supprimer les régimes spéciaux », plaide-t-il. Il appelle enfin à davantage d’« égalité » entre les fonctionnaires, dont la pension est calculée sur les six derniers mois, et les salariés du privé où elle est calculée sur les 25 meilleures années de la carrière. « Aujourd’hui, il ne faut qu’un seul système où on est tous égaux », prône le président de l’UPE 13.
Jean-Luc Chauvin porte en revanche un regard très critique sur la journée d’action interprofessionnelle, avec grèves et manifestations, du 10 septembre à laquelle appellent la CGT, FO, la FSU et Solidaires, mais ni la CFDT, ni la CFE-CGC, ni la CFTC, ni l’Unsa. « C’est la mise en avant d’un fonds de commerce obsolète, dénonce-t-il. Plus on veut maintenir le système rigide d’aujourd’hui, plus on va dans le mur. On sait qu’on veut maintenir un système qui n’a pas d’avenir. Il est peut-être temps d’être responsable. » Et de considérer que « la division syndicale montre que les positions sont en train d’évoluer en fonction des prises de responsabilité des uns et des autres ».
Le président de l’UPE 13 attend enfin beaucoup de l’initiative « France 2020 » lancée par Pierre Gattaz, le nouveau président du Medef au plan national, qui vise à ce que « jeunes, universitaires, entreprises et politiques » livrent leur vision de ce que pourra être la France en 2020. « Pierre Gattaz souhaite que le plus grand nombre de chefs d’entreprise puissent s’exprimer. La première étape de ce groupe de réflexion, sur 7 thèmes principaux, se tiendra à Marseille au Forum des entrepreneurs. Nous ferons ensuite un Tour de France d’un an, en allant dans les écoles de commerce pour que les jeunes s’expriment car ce sont eux qui vont construire la France de demain. Il faut leur donner envie de rester. Le diagnostic le plus large possible sera ensuite remis au président de la République », indique celui qui a intégré le bureau des territoires du Medef à la demande du nouveau président national.
Et Jean-Luc Chauvin de conclure : « Une entreprise sans vision, on ne peut pas la faire avancer. Il faut se doter d’une vision et la décliner en actions concrètes. On ne va pas forcément y arriver mais, en même temps, on n’a jamais eu autant besoin d’une vision commune. Peut-être qu’une grande idée peut voir le jour si elle est portée par le plus grand nombre, c’est l’esprit de « France 2020 » : que l’idée portée par tous soit plus forte qu’un rapport d’expert. »
Serge PAYRAU

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