Jean Leselbaum et Antoine Spire présentent « Le dictionnaire du judaïsme français depuis 1944 » au centre Fleg à Marseille

Publié le 20 mai 2014 à  23h11 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h51

A l’occasion du lancement de son exposition sur « 50 ans de vie juive à Marseille », le centre Fleg a accueilli Jean Leselbaum et Antoine Spire qui sont à l’initiative du «Dictionnaire du judaïsme français depuis 1944 », un ouvrage qui rassemble 360 articles et traite des plus importantes questions, moments du judaïsme français, appréhendé comme un fait social total, relevant de l’histoire, la sociologie, les sciences politiques, la vie économique et intellectuelle, le culturel et le religieux. Il est l’œuvre de 170 auteurs juifs et non juifs.

Raymond Arouch, Jean Leselbaum, Antoine Spire, Hagay Sobol (Photo Philippe Maillé)
Raymond Arouch, Jean Leselbaum, Antoine Spire, Hagay Sobol (Photo Philippe Maillé)

« Le fil rouge de ce livre est la transmission »

Pour Jean Leselbaum : «Il y a deux façons de parler du judaïsme français, soit à travers un essai, soit autre chose. J’ai très vite eu l’idée d’un dictionnaire. Il compte autant d’entrées que de sujets traités, chacun sur 2 à 3 pages. Il s’agit donc d’une encyclopédie. Car il était temps de faire le point sur un certain nombre de questions». L’auteur parle, en effet, à propos de l’histoire du judaïsme et des juifs, «d’histoire tronquée, des marqueurs réducteurs du communautaire, de l’orthodoxie, de la mémoire de la Shoah, des résurgences de l’antisémitisme et de l’attachement à l’État d’Israël. Nous n’ignorons pas cela, bien sûr, mais notre volonté est de compléter cette figure tronquée, par les richesses et les promesses inscrites dans le mouvement des idées, le politique, le culturel, les lettres et les arts, sans omettre les nouveaux chemins de la pensée et de la pratique juive».
Antoine Spire enchaîne : «Le fil rouge de ce livre est la transmission. Les Juifs, quelle que soit leur appartenance, ont là un document dans lequel ils peuvent aller chercher ce qu’est le judaïsme? Qu’est-ce qui s’est passé à Carpentras? Les grands intellectuels Juifs? Et point ici de réponses dogmatiques mais une volonté d’ouvrir la palette des possibilités». Puis de prévenir : «Pour nous il n’y a pas de communauté juive nationale, la seule communauté nationale est la française».
Jean Leselbaum en vient au cadre : «Nous avons choisi la France, sur le plan géographique et, de partir de 1944 pour le cadre temporel. Pourquoi ne pas avoir commencé en 1936 ou en 1939 ? Parce que, là, ce n’est pas un mais deux ou trois ouvrages. Alors, des questions n’entrent pas directement dans ce cadre, telle l’affaire Dreyfus mais nous abordons tous les débats qui se sont poursuivis depuis 1944, sachant, par exemple, qu’il n’existe aucun texte de l’Armée française reconnaissant l’innocence de Dreyfus».

« Nous n’avons pas voulu faire de liste car, certains, n’aimant pas les Juifs l’ont fait pendant la guerre »

Il précise : «Vous ne trouverez pas dans le livre toutes les personnalités que vous aimeriez y trouver». Antoine Spire poursuit : «Nous n’avons pas voulu faire de liste car, certains, n’aimant pas les Juifs l’ont fait pendant la guerre».
Alors, la présentation des personnes vivantes est faite à partir de leurs œuvres pour rendre compte de la trace écrite qu’ils laisseront, plus que de leur biographie. À quelques exceptions près pour les figures les plus marquantes tels Élie Wiesel, Simone Veil, Claude Lanzman, Serge Klarsfeld ou Robert Badinter.
Lorsque des personnalités expriment leurs liens au judaïsme, cela est abordé, tel est le cas de Jean Zay, Léon Blum, Pierre Mendes-France, Laurent Fabius ou encore Michel et Jean-Louis Debré… «En revanche, Bernard Kouchner est absent car il n’a jamais rapproché une de ses activités de son judaïsme», explique Antoine Spire. Une grande place est réservée aux essais essentiels et à la littérature, qu’elle soit française ou non, en raison de leur effet sur le judaïsme français et de leur retentissement dans la conscience nationale.
Antoine Spire d’ajouter: « Nous avons un article sur les Juifs sans Dieu. Il permet de mesurer que tous les Juifs font référence à quelque chose qui les a formé : la religion. Non pas qu’il faille être religieux pour être juif mais la religion est la colonne vertébrale qui permet la transmission ».
Et pour illustrer la nécessité d’un tel ouvrage, Antoine Spire relate deux anecdotes qu’il a vécu dans le cadre de la présentation du dictionnaire. «Une femme vient me voir lors d’une signature dans une librairie. Elle m’explique ne pouvoir acheter le livre car elle craint de se faire repérer en tant que juive dans cette ville où l’antisémitisme serait fort. Nous n’en vendrons pas moins plusieurs dictionnaires. Un des acquéreurs me dit être catholique revenir « de Terre Sainte » où il a découvert à sa grande surprise que les juifs étaient différents. Et il était tout aussi surpris que ceux de France aient une prière pour la République. Il a souhaité en savoir plus en achetant ce dictionnaire afin de pouvoir en discuter avec son curé». Lors d’une autre signature, Antoine spire retrouve des amis de longue date, intellectuels de gauche. L’auteur est invité dans un centre communautaire juif. «Mes amis me disent, nous t’attendrons à la sortie. Je m’en étonne et leur demande pourquoi ils ne veulent pas venir? C’est à leur tour de s’étonner. Non juifs, ils ne pensaient pas être autorisés à entrer…»
Michel CAIRE

«Le dictionnaire du judaïsme français depuis 1944», Éditions Armand Colin, ouvrage publié sous la direction d’un comité scientifique constitué de Dominique Schnapper, Annette Wieviorka, Moïse Cohen, Freddy Raphaël, Jean Louis Schlegel, Antoine Spire et Jean Leselbaum.

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