Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de la Shoah au Camp des Milles: Reconstruire l’espoir ébranlé du « plus jamais ça »

Publié le 28 janvier 2017 à  20h11 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  15h50

Le froid est là, vif, ce 27 janvier, devant le wagon-souvenir du Camp des Milles pour la Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de la Shoah en ce jour anniversaire de la libération d’Auschwitz. Mais, plus que le froid, ce sont des temps déraisonnables que nous vivons, chaque jour un peu plus. Dans ce contexte il est à noter que de nombreuses personnalités étaient présentes à cette manifestation, dont des élus, des représentants du corps diplomatique, des forces de sécurité, des cultes juif, chrétien, musulman dont une importante délégation du Conseil représentatif du culte Musulman. Délégation au sein de laquelle on notait la présence du grand Mufti de Marseille, Ali Mohamed Kassim, précisant: «Nous sommes là pour dire notre affection à nos frère Juifs, exprimer nos condoléances à ceux qui ont eu la douleur de perdre des membres de leur famille dans cette tragédie». Chacun rappelant les dangers auxquels font face aujourd’hui nos démocraties et la nécessité de s’appuyer sur la Mémoire et les valeurs de la République comme repères pour la vigilance et l’action.

Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de la Shoah au Camp des Milles (Photo Robert poulain)
Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de la Shoah au Camp des Milles (Photo Robert poulain)
Alain Chouraqui Albert Veissid Président de la Fondation du Camp des Milles et  Albert Veissid rescapé d'Auschwitz (Photo Robert Poulain)
Alain Chouraqui Albert Veissid Président de la Fondation du Camp des Milles et Albert Veissid rescapé d’Auschwitz (Photo Robert Poulain)
Une importante délégation du Conseil représentatif du culte Musulman au sein de laquelle on notait la présence du grand Mufti de Marseille, Ali Mohamed Kassim (Photo Robert Poulain)
Une importante délégation du Conseil représentatif du culte Musulman au sein de laquelle on notait la présence du grand Mufti de Marseille, Ali Mohamed Kassim (Photo Robert Poulain)

C’est d’une voix émue, grave, qu’Alain Chouraqui, le Président de la Fondation du Camp des Milles, cite Denise Toros-Marter, déportée à Auschwitz à 16 ans et Présidente de l’Amicale des Déportés d’Auschwitz: «Nous proclamons plus jamais ça et nous gardons l’espoir que cela ne soit pas en vain». «Reconstruisons cet espoir ébranlé», déclare-t-il avant de s’inquiéter : «Notre pays est pris en tenaille entre des extrémismes identitaires, religieux, nationalistes, politiques, qui ont toujours été, dans l’histoire, le moteur ayant conduit aux génocides. Ce moteur des crispations identitaires il est là aujourd’hui. Réactivé. Tous les jours nous voyons monter les crispations identitaires. Réveillons-nous. Agissons avant qu’il ne soit trop tard, avant de devoir être des résistants héroïques» Comme une alerte adressée à chaque citoyen en cette année décisive pour notre pays et notre démocratie.
Albert Veissid, se souvient d’un autre froid, bien plus vif. Son propos donne tout son poids aux mots d’Alain Chouraqui, «Il y a 72 ans, le 27 janvier, Auschwitz était libéré, mais le 18 janvier nous étions, 60 000, hommes et femmes, a être contraint à partir, de nuit, squelettiques, avec rien sur nous, rien à manger pour une marche de 70 km qui dura une nuit et un jour, la marche de la mort». Il se remémore ceux qui tombaient, immédiatement abattus. L’arrivée au camp de Cleiwitz, le départ dans des wagons à ciel ouvert vers Buchenwald. «Nous étions tellement serrés que c’est à l’arrivée que nous avons mesuré combien d’entre nous étaient morts»…

«Les étapes vers le pire sont aujourd’hui franchies les unes après les autres»

L’horreur, une horreur qui a commencé aux Milles pour 2 000 hommes, femmes et enfants juifs dont les noms furent égrenés par des jeunes en réinsertion de l’EPIDE (Établissement public d’insertion de la Défense. «Notre grille de lecture scientifique, longuement élaborée à partir de l’expérience historique, nous montre que les étapes vers le pire sont aujourd’hui franchies les unes après les autres, en France et ailleurs. Et nos anciens nous alertent depuis des mois sur la montée des périls qu’ils disent revivre, après nous avoir plutôt rassurés pendant plusieurs années… »
Serge Gouteyron, sous-préfet de l’arrondissement d’Aix-en-Provence, représentant Stéphane Bouillon, Préfet de Région, retenu par une visite ministérielle, rappelle que «la démocratie est un modèle et la République une exigence. Nous devons mettre en avant les valeurs de Liberté, d’Égalité et de Fraternité, pour continuer à avoir un avenir commun ».

«Un ennemi dont la plus grande arme serait notre silence»

Caroline Pozmentier-Sportich, vice présidente de la région Paca (Photo Robert Poulain)
Caroline Pozmentier-Sportich, vice présidente de la région Paca (Photo Robert Poulain)

Caroline Pozmentier-Sportich, vice-présidente de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur, représentant Christian Estrosi, le président de Paca, avance: «En nous réunissant ici, nous avons tous fait le choix de l’action. Gageons que ce choix est celui de l’avenir face à un ennemi dont la plus grande arme serait notre silence». «Tous ensemble, affirme-t-elle, vous symbolisez -nous symbolisons- le front uni d’une lutte contre une barbarie qui, par-delà les années, change de visage, change de méthodes, mais poursuit le même funeste objectif, et ne doit, pas plus que la barbarie des Nazis, triompher de la civilisation». Rappelle que «l’Histoire n’est pas écrite à l’avance, pour vaincre, à nous de nous donner les moyens». Et à l’heure où, à Paris comme à Nice, comme un peu partout dans le monde, «une idéologie meurtrière mue par un élan nouveau a juré de frapper nos civilisations et de les mettre à mort, il nous revient de prendre nos responsabilités et d’agir», avance-t-elle. «Voilà pourquoi, insiste-t-elle, il est si important de demeurer unis face à un danger qui n’est pas fantasmé, à l’image des Nations Unies, fondées au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, sous les auspices desquelles nous sommes ici présents ce matin».

«La mort habite encore ces lieux»

Fabienne Bendayan représentant  le Crif Marseille-Provence(Photo Robert Poulain)
Fabienne Bendayan représentant le Crif Marseille-Provence(Photo Robert Poulain)

Fabienne Bendayan, pour le CRIF Marseille-Provence, regardant le Camp des Milles, dit: «la mort habite encore ces lieux». Rappelle que «le devoir de mémoire c’est encore un devoir d’histoire et je frémis à l’idée de savoir qu’elle pourrait se renouveler. Peut-être même qu’elle se renouvelle déjà à en croire les soubresauts de l’actualité. L’antisémitisme continue de ramper, de faire son œuvre. Récemment des personnes sont mortes, assassinées parce que Juives et l’épidémie ne s’arrête pas à ces crimes odieux; elle se traduit par des menaces, des insultes, des slogans haineux». Alors, à ses yeux: «Cette commémoration a aussi pour vertu (…) de nous inviter à la conscience politique pour développer un travail de prévention et de vigilance».

Jean-Marc Perrin, représentant le département des Bouches-du-Rhône et Daniel Gagnon, vice-président de la métropole Aix-Marseille-Provence ont, quant à eux, mis l’accent sur la culture et l’éducation des jeunes qui sont, pour Daniel Gagnon «non seulement des outils de transmission mémorielle mais aussi et surtout, le fondement de la prévention des génocides et des crimes contre l’humanité. Le Site-mémorial est à ce titre un formidable bouclier contre les extrémismes».
Après le Chant des Déportés interprété par les élèves du Lycée Militaire d’Aix-en-Provence, la lecture des noms des Justes parmi les Nations ayant œuvré au Camp des Milles, permit de rappeler que «face aux extrémismes il est possible d’agir au nom du vivre ensemble et des valeurs de justice, de tolérance et d’humanité».
Michel CAIRE

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