Publié le 22 novembre 2013 à 10h08 - Dernière mise à jour le 27 octobre 2022 à 16h40
En cette année où Marseille-Provence est capitale européenne de la culture, les journées des communautés urbaines de France ne pouvaient, venant à Marseille, qu’aborder la question de la culture, en faisant le lien avec l’économie. Un lien qui, le débat le montrera, est relativement récent. Pour aborder ce dossier, autour d’Eugène Caselli qui présidait la séance, on trouvait, Jacques Pfister, le président de la CCI Marseille-Provence ; Jean-François Chougnet, le directeur général de MP2013 à qui il reviendra d’ouvrir les pistes de réflexion en débat pour l’après 2013; Jean Blaise, le directeur général de la SPL « Le Voyage à Nantes »; l’artiste Vanessa Santullo qui a participé à un atelier de l’Euro-Méditerranée et Gilles Brunschwig, le directeur de Futur Télécom, qui a accueilli une artiste dans son entreprise dans le cadre des ateliers de l’Euroméditerranée.
Jacques Pfister insiste en premier lieu sur le fait que l’ensemble des collectivités a joué le jeu « et MPM a été extraordinaire, par son soutien tout au long de la candidature avec notamment la piétonnisation du Vieux-Port ». Et puis il y a le Mucem « dont on m’a parlé jusqu’à Shanghai ».
Jean-François Chougnet avance quelques chiffres : « A la mi-novembre nous avons franchi la barre de 8 millions de participation cumulés aux événements de MP2013. Nous avons 10% d’augmentation de la fréquentation touristique dans le Département. Un sondage réalisé au niveau national montre que le taux de notoriété de MP2013 est de 83%. Et, lorsque l’on interroge les gens qui ont participé à un événement, le taux de satisfaction est de 70 à 90%. Enfin, l’aéroport Marseille-Provence est celui qui connaît la plus forte progression de France ».
« Qu’est-ce-qui fait le tourisme d’agrément à Nantes si ce n’est la culture »
Des chiffres qui montrent l’impact de la culture sur l’économie. Jean Blaise précise : « Ce lien n’a pas toujours été fait, ce n’est qu’à partir des années 2000 qu’il a été réalisé. Et, pour être clair, qu’est-ce-qui fait le tourisme d’agrément à Nantes si ce n’est la culture ». Jacques Pfister constate : « Aujourd’hui c’est le monde culturel qui parle économie alors que le monde économique n’a pas forcément pensé aux retombées financières lorsqu’il s’est lancé dans l’aventure de l’Année capitale. Et nous sommes sensibles au fait que des centaines de milliers de gens soient venues aux grandes manifestations populaires. Nous avons senti un territoire apaisé, une fierté modeste et nous avons envie que cela recommence ».
Eugène Caselli interroge : « Croyez-vous que sans MP2013 nous aurions eu le Mucem, la Villa Méditerranée, qu’il aurait été possible de réaliser en 8 mois la piétonnisation du Vieux-Port alors que le chantier en nécessitait 16 ? Est-ce que vous pensez que tous les grands musées de Marseille auraient été remis aux normes sans cette année capitale ? MP2013, c’est 600 millions d’euros d’investissement dont 15 à 20% viennent du privé. C’est aussi 13 communes qui se sont mises ensemble. Et bien sûr qu’il y a eu Marseille, Aix et Arles, mais dans quasiment chaque commune il y a eu un événement majeur à la hauteur de ce qu’elles pouvaient faire. Nous avons donc eu 8 millions de visiteurs, mais aussi 1 million de croisiéristes-contre 700 000 au préalable-2 millions de nuitées d’hôtels ».
« Alain Juppé était seul face au jury alors que nous chassions en meute »
Pour en arriver là, il a fallu gagner la compétition, le président de MPM rappelle : « Nous avions en face de nous Lyon, Toulouse et surtout Bordeaux. Lorsque nous sommes montés nous étions unis, il y avait la CCI, les Mairies d’Aix-en-Provence et de Marseille. Et Alain Juppé était seul face au jury alors que nous chassions en meute ».
Vanessa Santullo raconte son expérience d’artiste qui a participé à un atelier de l’Euroméditerranée. Ces ateliers ont permis de mettre en œuvre une véritable collaboration entre l’artiste et l’entreprise au sein de laquelle ce dernier se plongeait totalement le temps de sa création. « J‘ai travaillé à la joaillerie Frojo où l’on m’a accueilli à bras ouverts et où j’ai facilement obtenu la liberté de faire ce que je souhaitais. J’ai ainsi fait des photos ainsi qu’une vidéo sur le rôle des femmes dans cette société qui se transmet de père en fils ».
Gilles Brunschwig explique qu’il n’est pas un mécène, que sa société de 120 salariés n’a pas les moyens de communiquer. « Il s’agissait pour moi d’impliquer les salariés, mais aussi de leur permettre de mettre en œuvre leur créativité. C’est ainsi que nous avons accueilli une vidéaste qui accompli un travail sur les trajets qu’accomplissent quotidiennement les salariés. Le résultat est superbe. Mais je dois avouer que ce n’est pas cela qui m’importait mais le parcours ».
MP 2013 a ainsi fait intervenir la population dans les grands événements, mais aussi ces ateliers de l’Euroméditerranée (63 ont eu lieu). Les quartiers ont également participé à l’année avec l’organisation de 14 quartiers créatifs. « Ce ne fut pas toujours simple, la cohabitation entre les artistes et la population fut parfois complexe, mais, à 80%, ce fut une réussite », explique Eugène Caselli
Revenant aux enseignements de MP2013, Eugène Caselli considère : « Les grands événements, quel que soit le lieu où il se situait, ont mobilisé des personnes sur tout le territoire. C’est là une des grandes leçons de cette année et cela va nous permettre de continuer à construire ».
« Le monde économique ne s’intéresse à la culture que si elle s’inscrit dans une logique de territoire »
Jean Blaise ajoute : « Le monde économique ne s’intéresse à la culture que si elle s’inscrit dans une logique de territoire. Ainsi, la métropole Nantes-Saint-Nazaire existe dans les faits, pas dans les têtes. Alors on a fait naître des œuvres sur ce territoire, sur l’estuaire entre les deux villes. Jean-Marc Ayrault, depuis 1989, a souhaité que nous menions une politique culturelle. C’est un lien pour le territoire et notre offre touristique ». Mais vient la question qui fâche : « Est-ce que MP2013 préfigure la future métropole ? » Jean-François Chougnet réagit: «On ne doit pas confondre un projet culturel qui s’est construit librement et un autre qui naît de la Loi ». Jacques Pfister affirme : « Je suis un métropolitain convaincu. Mais il y a un paradoxe MP2013. Tout le monde est content du succès, Aix et Arles sont les villes qui, proportionnellement ont le plus profité de cette année. Mais lorsqu’on parle de poursuivre, la réponse est non pour cause de projet métropolitain. Alors la métropole n’aide pas mais, dans le même temps, cette année a permis un exercice métropolitain car nous nous sommes écoutés et nous avions une ambition partagée ». Eugène Caselli poursuit par une question : « Pouvons-nous réussir si nous ne sommes pas unis ? Pour moi la réponse est non. On a besoin d’un territoire fort. Alors mettons de la cohérence, organisons les équipements structurants à l’échelle du territoire ». Jacques Pfister acquiesce : « Il doit y avoir deux niveaux, la proximité et la métropole, cette dernière devant porter les grands projets ».
Jean-François Chougnet en revient aux suites possibles de MP2013 : « Un document d’orientation a été présenté à tous les partenaires. Il ne s’agit pas d’un projet artistique mais d’un cahier des charges. Nous avons étudié plusieurs hypothèses afin d’organiser une coopération entre les acteurs. Nous nous demandons s’il faut un organisme de coordination, pour nous ce serait mieux. On a étudié la possibilité de s’organiser en association Loi 1901, celle du Groupement d’Intérêt Public ou encore, comme c’est le cas à Nantes, de société Publique Locale ».
Michel CAIRE