L’onirisme de Chagall en version XXL aux Carrières de Lumières des Baux-de-Provence

Publié le 5 mars 2016 à  21h01 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h44

L’endroit est toujours aussi fascinant ; à quelques encablures du village des Baux-de-Provence, la route du Val d’Enfer chemine entre pins tordus par le mistral et grandes falaises de calcaire dorées dont l’homme venait découper des pans entiers pour construire de somptueuses bastides et des hôtels particuliers d’exception il y a quelques années. Sur cette route, à droite, sont situées les Carrières de Lumières qui sont célèbres pour leurs dimensions imposantes mais aussi, pour les spectacles qui y sont donnés, projections géantes des sites et d’œuvres des grands maîtres de la peinture.

(Photo M.E.)
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Géré par Culturespaces depuis quelques années, ce lieu qui offre 5 000 m² d’écran naturel pour les projections, a accueilli 1,6 million de visiteurs depuis 2012. Cette année, c’est l’univers de Marc Chagall qui est proposé à la découverte. Une première pour Culturespaces puisque depuis 2012 jamais une monographie n’avait été présentée ici. Ce spectacle, réalisé par Gianfranco Iannuzzi, Renato Gatto et Massimiliano Sicardi, avec la collaboration musicale de Luca Longobardi a bénéficié du concours du Comité Marc Chagall et, notamment de Meret Meyer, vice-présidente du comité et petite-fille de l’artiste et de Mikhaïl Rudy, pianiste et proche de l’artiste. En un peu plus de 20 minutes, c’est tout le parcours du peintre qui est retracé avec puissance et intelligence. Vitebsk, la vie, la poésie, les collages, la guerre, les vitraux, l’Opéra Garnier, « Daphnis et Chloé », les mosaïques, le cirque, les illustrations et la Bible : autant de séquences présentant la créativité de Chagall dans toute sa diversité et ses sources d’inspiration. Les thèmes universels comme l’amour, la famille, les racines, le paysage, la musique se déploient ainsi avec liberté et force dans les carrières. Aux explosions colorées succèdent les images en noir et blanc des années 1940/50; au rabbin de Vitebsk et aux musiques Yiddish succèdent les allégories lyriques de la coupole du Palais Garnier alors que la voix de la Reine de la Nuit envahit l’espace. Sans temps mort, sans fausse note, les images s’enchaînent et la fascination devient de plus en plus intense. « Rendre accessible au plus grand nombre la découverte des œuvres de mon grand-père…» Pour Meret Meyer ce spectacle est l’un des médias pour y parvenir ; elle l’a dit haut et fort jeudi au cours de l’inauguration. Nul doute que les centaines de milliers de personnes qui passeront par là jusqu’au 8 janvier 2017 auront à cœur, s’ils en ont la possibilité, d’aller visiter Marc Chagall dans son musée Niçois au cours d’une prochaine villégiature. En attendant, le grand spectacle des Carrières de Lumière est à ne manquer sous aucun prétexte avec, il faut le souligner, un spectacle court, «Au Pays d’Alice, Hommage à Lewis Caroll» réalisé par MM. Iannuzzi, Siccardi et Napoleoni. Une première partie très onirique, elle aussi.
Michel EGEA

Cinq questions à Gianfranco Iannuzzi, Directeur artistique

Pourquoi votre choix s’est-il porté sur Marc Chagall ?
L’idée est née, il y a trois ans, et c’est grâce à la collaboration de Meret Meyer, vice-présidente du comité Marc Chagall, et à son adhésion au projet que celui-ci a pu se concrétiser. Un de nos précédents spectacles, Monet, Renoir… Chagall. Voyages en Méditerranée approchait déjà, dans son final, l’œuvre de Marc Chagall. Mais elle est tellement riche et diversifiée qu’elle méritait d’être exposée et proposée dans son intégralité sur les immenses surfaces de projection de la carrière. Comme cela arrive souvent, notre mémoire ne retient que les éléments les plus significatifs de l’œuvre des grands artistes. Et c’est seulement quand nous prenons conscience de l’ensemble de leur production que nous pouvons en saisir le côté avant-gardiste. Le message que Marc Chagall a voulu transmettre à l’humanité à travers son activité artistique prolifique est aujourd’hui d’une grande actualité. Lorsque j’ai visité le Musée national Marc Chagall à Nice, j’ai été impressionné par l’épaisseur de la matière dans les œuvres picturales exposées. Grâce à la collaboration de la conservatrice du musée, j’ai pu photographier des détails infimes des œuvres de l’artiste et ainsi faire ressortir sa touche si moderne et presque abstraite dans l’utilisation de la couleur sur la toile. Ces minuscules détails de toile imprégnée de matière seront offerts pour la première en « grand format » aux yeux du public lui permettant ainsi d’être au plus près du geste créateur de Marc Chagall. Grâce à la forme d’expression innovante du spectacle et à la créativité de toute une équipe, j’espère pouvoir apporter une modeste contribution et permettre à un large public d’approcher l’œuvre de l’un des plus importants protagonistes de l’art du XXe siècle.

Comment la technologie s’insère-t-elle dans la création du spectacle ?
Comme je le dis souvent, la technique est seulement un outil. Comme l’instrument pour le musicien ou le pinceau et la couleur pour le peintre, nous devons utiliser et maitriser la technologie pour transmettre notre intension créative pour éveiller une forte émotion chez le spectateur. Les techniques infographique et d’animation, les moyens de vidéo-projection et de diffusion sonore nous permettent de «révolutionner» le point de vue et l’attitude du spectateur en le mettant au cœur de l’œuvre, en stimulant sa perception multi- sensorielle. Il ne s’agit pas simplement de montrer des œuvres plus ou moins connues. Avec Renato Gatto et Massimiliano Siccardi, nous nous sommes attachés, comme pour les autres spectacles déjà réalisés, à créer une forte vibration émotionnelle entre l’animation des images, la musique et notre mise en scène originale. Notre objectif est de laisser au spectateur sa liberté de perception et d’interprétation dans un espace où ses mouvements et déplacements font partie intégrante du spectacle. En amplifiant la dimension émotionnelle et en immergeant le public dans une œuvre tridimensionnelle, nous l’invitons à développer une attitude plus participative vis-à-vis du spectacle et de l’art en général. Nous essayons cette année encore d’aller toujours plus loin dans cette démarche artistique qui est la nôtre.

Comment organisez-vous votre travail de la définition du sujet, à la projection finale dans les Carrières ?
La réalisation d’un spectacle demande plus d’un an de travail. L’équipe de réalisation s’occupe de la recherche et de l’étude du sujet, la récolte d’un fonds iconographique riche d’un millier d’images, l’écriture du scénario et du story-board, le traitement informatique des images, la réalisation des vidéos et animations, les choix musicaux, la composition, l’arrangement et le montage de la bande son. Tout cela joue dans la préparation des contenus qui seront testés et adaptés sur les 7 000 mètres carrés de surface de projection des Carrières de Lumières.

Qu’apporte la bande-son à l’image ?
La musique illumine nos yeux, enrichit notre regard. Elle permet d’aller plus loin et plus en profondeur dans l’émotion. Cette année nous avons eu la chance de bénéficier de la collaboration et des conseils du pianiste Mikhaïl Rudy, ce qui nous a été particulièrement utile pour affiner nos choix musicaux. La richesse de la vie et des œuvres de Marc Chagall nous ont permis d’amplifier la palette des atmosphères musicales et de créer un parcours original et harmonieux. Nous avons alterné des morceaux de compositeurs classiques comme Tchaïkovski, Ravel, Prokofiev, Mahler, Bizet avec des morceaux d’auteurs interprètes contemporains comme Uri Caine, Louis Armstrong, Ella Fitzgerald, Janis Joplin, John Surman, Nino Rota ou Chick Corea. J’aimerais que la musique apporte au spectacle l’étincelle que Chagall a apportée à la peinture et à l’art.

Quelle est la promesse du spectacle ?
Une immersion sensorielle dans les couleurs et les formes, les thèmes et les techniques, la vie et les visions faussement oniriques de Chagall, une errance illuminée par la lumière de l’espoir, de l’amour et de l’art.
Propos recueillis par M.E.

Pratique. Les Carrières de lumières, Route de Maillane – 13520 Les Baux-de-Provence – Site Internet : carrieres-lumieres.com – Tarifs : 12 € ; Tarif réduit : 10 €. Offre famille : entrée gratuite pour le 2e enfant âgé de 7 à 17 ans (avec 2 adultes et 1 enfant payant). Pass Provence : Carrières de Lumières + Château des Baux-de-Provence. Avec animations au Château (d’avril à septembre) :18 € Tarif réduit: 14,5 €. Sans animation au Château (d’octobre à mars) : 16 € ; Tarif réduit : 12,5€. Horaires : Du 4 mars au 31 mars : de 10 à 18 heures. Du 1er avril au 30 juin : de 9h30 à 19 heures. Du 1er juillet au 31 août : de 9h30 à 19h30. Du 1er septembre au 31 octobre de 9h30 à19 heures. Du 1er novembre au 8 janvier 2017 de 10 à18 heures.

À ne pas manquer

L’Intégrale des Carrières de Lumières : les 25, 26, 27 juillet – 1, 2,
3 août – 16, 17 septembre – Accès dès 20 heures, début du spectacle 20h30, avec entracte- Lors de ces soirées uniques, venez découvrir ou revivre l’émotion des spectacles des saisons passées. Réservation des places uniquement sur internet : carrieres-lumieres.com Chagall et la Musique jusqu’au 13 juin 2016 au Musée national Marc Chagall à Nice Marc Chagall – Le Cirque du 2 mai au 29 septembre 2016 au Musée Yves Brayer des Baux-de-Provence

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