LE MARCHE AUX ETATS-UNIS

Publié le 25 avril 2013 à  4h00 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  16h06

L’Américain urbain voit le vin en rose
Les Etats-Unis représentent 14% de la consommation mondiale de rosé. Le marché est en plein essor suite à une « explosion du rosé » en 2007. Un vin qui connaît un grand succès dans les grandes métropoles, en Californie, dans l’Etat de New York et en Floride. Il est particulièrement apprécié par les jeunes hommes (21-34 ans) et les femmes (35-45 ans).

Les Rencontres internationales du Rosé, qui se sont tenues les 23 et 24 avril à l'Hôtel de Région à Marseille, ont permis de dresser les grandes tendances du marché américain, très porteur actuellement pour le rosé et notamment les vins de Provence. (Photos S.P.)
Les Rencontres internationales du Rosé, qui se sont tenues les 23 et 24 avril à l’Hôtel de Région à Marseille, ont permis de dresser les grandes tendances du marché américain, très porteur actuellement pour le rosé et notamment les vins de Provence. (Photos S.P.)
Destimed 2p4235319
Le marché du rosé est d’ores et déjà porteur outre-Atlantique puisque, comme le souligne Denis Lesgourdes de la société Baron François, qui importe du vin dans quatre Etats américains, « les Etats-Unis représentent 14% de la consommation mondiale de rosé avec 3 milliards d’hectolitres ». « Elle s’effectue essentiellement dans trois Etats-clés : Californie, New York et Floride. Le rosé représente ainsi aujourd’hui 13% de la consommation totale du vin (28% en France) : c’est celui qui augmente le plus vite sur les trois couleurs aux Etats-Unis », a indiqué l’importateur lors de son allocution mardi 24 avril dans le cadre des 4èmes Rencontres internationales du rosé qui se sont tenues à l’Hôtel de Région à Marseille.
Un tiers des vins consommés aux Etats-Unis sont des vins nationaux. Au niveau des importations, si l’Italie tient le haut du pavé sur le rouge (30% des volumes), c’est la France qui est en pole position pour le rosé (24% des volumes) devant l’Australie (14%). Le marché américain est également marqué par la progression des rosés venus d’Argentine et d’Espagne commercialisés « autour de 10 $ ». « Avec 28 millions d’hectolitres, la part de la France a progressé de 38% entre 2010 et 2012, et de 45% en valeur (17 M€). Cette progression plus rapide est liée à la part des vins de Provence », précise Denis Lesgourdes.
Outre-Atlantique, le rosé attire particulièrement les femmes âgées de 35 à 45 ans et les hommes âgés de 21 à 34 ans. « Ces deux tranches d’âge représentent 25% de la consommation du rosé alors qu’elles ne pèsent que 20% de la population totale », observe-t-il. Et les consommateurs sont majoritairement des consommatrices (52% de femmes). « Le profil est très largement urbain. Le rosé est très prisé dans les grandes métropoles : New York, Miami, San Francisco, Boston, Chicago, Los Angeles. »

« Le millésime est une caractéristique clé »

Au-delà de ces tendances générales, l’importateur, dont la société, qui emploie 20 salariés, a triplé de volume en 10 ans, tient à rappeler que le marché américain a ses propres règles. « On ne peut pas cumuler trois licences aux Etats-Unis : importateur, producteur et distributeur : on peut en posséder deux mais pas trois. C’est le système du « Three tier ». C’est plus difficile pour les nouveaux entrants, c’est un peu déstabilisant au départ. Le marché est très structuré », explique Denis Lesgourdes.
Deux circuits de distribution du vin coexistent. Tout d’abord, le circuit traditionnel des cafés, hôtels, restaurants, boutiques. Le vin est également commercialisé dans la grande distribution, que ce soit dans les chaînes de supermarchés ou les chaînes spécialisées nationales et régionales. « Le millésime est une caractéristique clé. Quelle que soit la couleur, les Américains attachent une grande importance à la fraîcheur du millésime. Et cela s’applique très clairement pour le rosé », insiste l’importateur. Aux Etats-Unis, il est ainsi « extrêmement difficile de vendre le millésime n-1 ». « En tant qu’importateur et distributeur, vendre fin avril le millésime 2011 devient très compliqué », reconnaît-il.
Une spécificité du marché qui a amené la société Baron François à adapter sa stratégie commerciale. « Nous avons pris le parti de faire rentrer des vins en janvier, février, mars sans toutefois sacrifier à la qualité. Le vin qui rentrerait en mai-juin serait handicapé pour prendre le virage de l’année. Nous serions obligés de le discounter », indique Denis Lesgourdes. Un goût des Américains pour les millésimes les plus récents qui frise même parfois l’absurde. « Il arrive qu’on me demande le millésime 2014 alors que 2013 n’est pas encore produit. »
Une autre caractéristique à prendre en compte Outre-Atlantique est le goût des Américains pour les « vins dosés ». « Le palais américain est encore très marqué par le sucre même s’ils clament qu’ils veulent du sec. C’est une population qui sera plus enclin à préférer du vin dosé, notamment les afro-américains et les latino-américains. Mieux vaut ne pas l’ignorer avant de leur proposer du vin », relève-t-il.

La capsule à vis qui remplace le bouchon

C’est cette spécificité qui explique à ses yeux « la percée du rosé de Cahors » aux Etats-Unis. « Trois éléments pourraient expliquer ce succès : le cépage malbec, le fait que ce soit un vin français ou qu’il soit un peu dosé avec 8 à 10 g de sucre. Je pencherais pour la troisième solution », souligne l’importateur.
Ultime élément spécifique à prendre en compte aux Etats-Unis : le bouchonnage de la bouteille. « La capsule à vis est répandue pour le vin blanc, un peu pour le rouge et très clairement sur le rosé. Cela nous a vraiment aidés dans le développement des ventes. La capsule à vis incarne ce côté convivial, pratique, nomade que les Américains recherchent. A New York dès que les beaux jours arrivent, on part en pique-nique. Et la capsule à vis présente alors un avantage énorme par rapport au tire-bouchon. Il ne faut pas ignorer le sens très pratique des Américains », insiste Denis Lesgourdes.
En termes de prix, le marché américain du vin est structuré autour de trois gammes. On trouve tout d’abord un segment « très bataillé » de 7,99 à 9,99 $. « Les vins de la zone dollar ont alors un avantage car ils sont plus stables en termes de prix que ceux de la zone euro », relève l’importateur. Au niveau des importations, c’est un segment de marché où l’on trouve des vins italiens, espagnols, argentins et chiliens.
Vient ensuite le segment de 10 à 14,99 $ qui est « un secteur intéressant pour les vins d’appellation d’origine protégée (AOP) français et notamment les vins de Provence ».
Il existe enfin un ultime marché « beaucoup plus large » qui couvre une gamme de prix allant de 15 à 45,99 $. « Le consommateur fait le lien avec des domaines renommés et acceptent de payer le prix pour la version rosé. Un prix un peu moindre que pour le rouge mais plus élevé que la moyenne », précise Denis Lesgourdes.

La « success story » du Château de Pourcieux

C’est à ce marché si spécifique que la société Baron François, qui commercialise du vin depuis 25 ans aux Etats-Unis, a parfaitement su s’adapter pour atteindre aujourd’hui le seuil de 100 000 bouteilles de rosé vendues chaque année. Une « success story » qui s’est appuyée sur la commercialisation Outre-Atlantique du rosé « Côtes de Provence » du Château de Pourcieux, un domaine dans le vignoble de la Sainte-Victoire.
« On a connu trois phases, raconte l’importateur. Tout d’abord de 1987 à 2002, nous étions des pionniers. Il s’agissait de petites importations faites pour des restaurants français. Il n’y avait pas beaucoup de chiffre d’affaires. » Puis arrive « un déclic formidable » entre 2002, 2003 et 2004. « On a enregistré une augmentation significative des ventes : les gens ont commencé à stocker les « Côtes de Provence ». De deux caisses, ils sont passés à l’achat de cinq caisses », se souvient-il tout en relevant qu’il a « aujourd’hui des clients qui achètent 240 caisses de Château de Pourcieux ».
Car entre-temps s’est produite en 2007 une « explosion du rosé ». « C’est le phénomène de « Provence easing » : c’est devenu la classe avec tout l’imaginaire derrière. Dans un magasin, on est passé à 50-100 références sur le rosé dont 15 de la Provence, ce qui a été bénéfique à la propriété du Château de Pourcieux », souligne Denis Lesgourdes.
Cette période, qui « n’est pas terminée », s’appuie sur « trois phénomènes ». On assiste d’une part à « une augmentation de la rotation chez les revendeurs » et d’autre part à « une disparition de la saisonnalité ». « Avant il n’y avait rien entre octobre et mars. Aujourd’hui, les magasins vont stocker plusieurs vins rosés toute l’année », explique-t-il. Enfin, le vin rosé est devenu « commodity : s’il n’y a pas de rosé dans un magasin, ce n’est pas un bon magasin ».

Le concept de « value for money »

Une tendance lourde du marché que la société Baron François a accompagnée en développant le concept de « value for money ». « C’est une notion qui recouvre les deux idées en même temps : maintenir voire augmenter la qualité du Château de Pourcieux tout en laissant le prix en dessous de 15 $ », explique-t-il. Ainsi, « malgré le renchérissement de l’euro », aujourd’hui « 1,30 $ pour 1 € » -il oscille entre 1,20 et 1,50 $ -, le prix de la bouteille du domaine du vignoble de la Sainte-Victoire a « très peu augmenté en 15 ans ». « Il varie entre 12 et 13 $ en fonction de la marge du magasin. On a su ne pas sortir de cette tranche qui va de 10 à 14,99 $. C’est le fruit d’un partenariat entre notre maison et le Château de Pourcieux avec une concertation permanente. Car le prix peut être un frein aux Etats-Unis », insiste-t-il.
La société Baron François a également fait le choix des capsules à vis dès 2008. « C’était une décision difficile à prendre. Avec notre œil français, cela renvoie à des vins plus entrée de gamme. A l’époque, c’était surtout des blancs qui utilisaient la capsule à vis. Mais dès qu’on a fait ce choix, on a eu une augmentation des ventes immédiate. Et aujourd’hui le bouchon est dépassé », relève l’importateur.
Et de conclure en soulignant que ce marché américain est actuellement particulièrement porteur pour les vins français avec « une augmentation de la demande sur tous les segments de marché ». « Il y a un effet domino. Les vins français font un retour en force en termes de qualité, d’image, ce qui devrait favoriser les rosés. A contrario, les vins australiens rencontrent aujourd’hui des problèmes d’images, de qualité : il ne faut surtout pas que ça touche les vins rosés français », avertit Denis Lesgourdes en insistant sur « l’art de créer des marques fortes sur un segment premium ».
Un exposé qui ne manquera pas de faire réagir François Millo, directeur de l’Interprofession des Vins de Provence, surpris par le goût des Américains pour les millésimes les plus récents. « Il faut peut-être produire des vins qui se conservent mieux ou davantage un rosé de garde. »

Serge PAYRAU

Articles similaires

Aller au contenu principal