La chronique de Christine Letellier: « François le Petit » de Patrick Rambaud, un monarque qui rêvait d’incarner un homme normal

Publié le 20 janvier 2016 à  18h41 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  21h36

La Marquise de Pompatweet compagne de M. de la Corrèze ferraillant avec l’Archiduchesse des Charentes, un certain M. Ayrault, duc de Nantes, le colérique duc d’Evry,M.Valls…. Chroniqueur méticuleux, aussi hilarant qu’imbattable au jeu des portraits, Patrick Rambaud, auteur de «François le Petit», récidive après avoir été, durant cinq longues années, l’observateur impitoyable de « Nicolas 1er » au gré de six tomes tout en drôlerie, six petits trésors épinglant les hauts et les bas d’une présidence Bling Bling. Au tour de «François le Petit» de passer à la moulinette de ce pasticheur qui n’a pas son pareil pour croquer d’un regard aussi corrosif que jouissif le si grand petit monde de la Politique.

Destimed rambaudcopie2Vingt ans après la mort de François III (Mitterrand) Rambaud qui ne cachait pas son désenchantement face au spectacle affligeant qu’offrait la cour du nouveau monarque, «François le Petit», a donc réaffûté sa plume. De citations en citations, il revisite le temps et l’espace qui séparent les périodes des illusions et des déconvenues du nouveau monarque «lequel pour avoir brillé en Enarchie, sortant huitième de la promotion Croquignol» voulait se donner l’apparence d’un homme normal. Et pourtant, comme s’amuse l’auteur : rien en lui qui n’allât naturellement à plaire «Saluant d’un comment vas-tu le premier venu lui tendant la main, – attitude courante avec les fermiers de Corrèze – mais ne sachant pas écouter le peuple de France, parler avec les gens de leurs problèmes» probablement, ironise Rambaud «parce qu’on n’apprend pas aux énarques à le faire».
En pleine déconfiture, l’homme qui pensait que le style normal était une trouvaille, le contre-point souhaité «des cinq années d’hystérie qui l’avaient précédé» dû se rendre à l’évidence, il était aussi piètre stratège que ne l’avait été son prédécesseur. En ligne de mire : une vision à court terme, multipliant les couacs avec des annonces fulgurantes avant de retomber très vite en confettis.
Reconnaissons sans peine que la dureté du propos est à la hauteur des espérances trahies par «François le Petit», dont «Nicolas 1er», «Nicolas-le-Retors» affublé par ailleurs de tous les noms d’oiseaux ne cesse de vouloir se venger….
Reste que l’énergie flamboyante du Président de 2007 a tourné en saga mécanique, comme ces piles Wonder made in Tapie que vantait, en des termes anciens, des pubs bien ficelées. Tout cela s’est enlisé dans les urnes en mai 2012 pour laisser poindre le soleil de l’alternance.

Verve, talent et Nostalgie

Patrick Rambaud ©JF Paga.
Patrick Rambaud ©JF Paga.

Est venu alors le temps de «François IV». Pas de bataille de Marignan pour l’énarque, mais d’abord des histoires de concubines, s’écharpant par tweets déplacés ou trahies par des escapades insolites en scooter. Qu’à cela ne tienne! Les gazettes se frottaient les mains, les tirages augmentaient, le nouveau monarque faisait vendre ! Ce dont s’amuse volontiers le pasticheur des lettres françaises: «Moi Souverain , je ferai en sorte que mon comportement soit en chaque instant exemplaire».
Le gars Rambaud n’a donc rien perdu de sa verve et de son talent. Tout y est, tout y passe. Des affres de la Rochelle à l’affaire Leonarda, l’ensemble des couacs d’un quinquennat se voulant normal est passé au scanner d’une plume au vitriol aussi vraie, déjantée que jouissive.
Les formules font mouche au fil d’un casting éclairé d’une lumière crue: On y croise entre autres Ayrault, l’homme au charisme de « bulot », le connétable de Montebourg, Mlle de Montretout, patronne du «Front populiste», l’abbé Buisson, l’Archidiacre Wauquiez, Mme de Prosciutto-Morizet, duchesse de longjumeau, luttant pour le «Parti impérial», plus rien ne semblant l’arrêter après ses safaris de découvertes vers les quartiers excentriques de la capitale lorsqu’elle en briguait la mairie qu’emporta la Baronne Hidalgo. Une femme de poigne qu’un certain « Alain de Lon » qui n’a jamais caché ses affinités avec la Droite, gratifie volontiers de sa sympathie, nous informe Rambaud.
Sont aussi présents qu’incontournables, les Balkany, M.D’Hortefouille, quant à « Charles 1er De Gaulle », il en est question aussi, tout un petit monde qui s’agite depuis des décennies laissant à Mitterrand plus friand de lettres que de chiffres le plaisir de savourer quelques formules d’un Jules Renard faciles à faire siennes : «Il y a des moments où tout réussit. Il ne faut pas s’effrayer : ça passe.» Et si c’était une façon sage de gérer les finances …
Ce qui frappe le plus, en parcourant cette chronique où le pur bonheur de l’image et des mots fait plaisir à lire, ce n’est pas le cynisme qui sied à l’exercice. Il est maîtrisé à merveille. Non… Par instant affleure, ça et là, comme une nostalgie. Dont ne se cache pas l’auteur : «Je raconte ici l’histoire d’un petit nombre d’hommes qui poussés par les événements ne se hissaient point à leur portée». C’est aussi la nostalgie d’un temps où les joutes oratoires ne servaient pas uniquement à alimenter l’info en continu mais d’abord à aller de l’avant. Très touffu, balayant plusieurs époques, ce livre prolonge d’une certaine manière les six chroniques précédentes. A quand la suite ? …
« François le Petit » de Patrick Rambaud aux éditions Grasset

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