La chronique de Pierre Distinguin : Les nouveaux fantômes se dessinent en 2015

Publié le 29 décembre 2014 à  21h33 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h32

(Philippe Maillé)
(Philippe Maillé)

Le film «La French» qui parait actuellement dans les salles de ciné, remet en perspective une période qui marquera au fer rouge la ville de Marseille, l’infiltrant au plus profond de ses entrailles, des vieux démons d’un système dont elle mettra 40 ans à se défaire. Sur un autre registre, la victoire de l’OM contre le Milan AC en 1993 scellera la réputation de Marseille et de l’OM pendant 20 années et ce, malgré des résultats modestes sur la période. Ces deux exemples sont opposés dans leur registre comme dans leur graduation d’importance hiérarchique mais ils sont tout à fait semblables dans les fantômes qu’ils retournent.

Notre monde est devenu bipolaire aussi sur les questions d’actualité

Notre monde est devenu bipolaire aussi sur les questions d’actualité lorsqu’il accélère d’un côté la transmission de l’information avec son corollaire autour du zapping, tandis qu’il sait marquer les esprits autour d’un fait d’actualité sportive pendant un demi-siècle. A la question d’identifier quels furent les 5 grands marqueurs identitaires qui ont construit l’image de ville de Marseille au cours des 70 dernières années, bien entendu la période de la 2e guerre mondiale est la plus remarquable quand bien même la ville et ses habitants ont été impactées localement par des faits relevant du national voire de l’international. Un événement de cette ampleur est dérogatoire car le local est confondu dans le global.

Tous ont impulsé durablement un souffle émotionnel puissant

Parmi les autres grands marqueurs qui font référence, citons dans le désordre, la French Connection, l’immigration, Gaston Defferre et la victoire de l’OM. Tous s’interprètent au travers des périodes plus ou moins longues et tous ont impulsé durablement un souffle émotionnel puissant. Un contre-exemple est la découverte de la grotte Cosquer en 1985, site de réputation mondiale qui n’a pourtant pas bénéficié d’un enthousiasme collectif démesuré, du fameux souffle émotionnel (contrairement aux grottes de Lascaux dans le Périgord qui sont entrées progressivement mais sûrement dans l’identité collective locale).
Il est encore bien trop tôt pour dire si le programme de rénovation urbaine Euroméditerrranée engagé depuis 20 ans, entrera dans l’histoire, d’une part parce que le chantier est long (4 générations), d’autre part parce qu’il ne diffuse pas (encore) une énergie suffisante autour de lieux et ou de symboles en rupture, même s’il dispose déjà de plusieurs références intéressantes: les croisières, le Mucem, la tour CMA, etc.

La prédominance du facteur émotionnel et humain dans la représentation collective

Ces exemples mettent en exergue la prédominance du facteur émotionnel et humain dans la représentation collective, toujours supérieure à la valeur objective d’un fait ou d’une réalisation singulière. La taille du périmètre ne rend pas l’exercice plus difficile, car la valeur émotionnelle sera alors en rapport avec l’échelle considérée cf. au niveau national, la 2e guerre mondiale, la guerre du Vietnam, l’élection de François Mitterrand en 1981, la victoire de l’équipe de France Black Blanc Beur de 2002… Il ne s’agit pas encore une fois de juger objectivement des faits en rapport de leur importance mais de sonder les impacts émotionnels les plus retentissants au niveau d’une nation ou d’une ville. Si les acteurs économiques suivent de près leur (ROI) (retour sur investissements), les États et les villes feraient bien de prendre en compte leur ROE (Return On Emotion), comme indicateur de la visibilité long terme d’un événement.
Alors que la France doit annoncer au CIO en juin 2015, si elle se lance ou non dans la candidature olympique 2024, Il serait pour le coup intéressant de coupler pour la première fois l’analyse du risque financier (ROI) au potentiel d’impact émotionnel (ROE), et d’en assumer la mesure.

La clef du succès est l’individu et les réseaux d’individus

Selon cette grille de lecture et si tout se passe comme prévu, Paris et Marseille pourraient entamer une portion de destinée commune avec les JO de 2014, et réconcilier définitivement les vieux fantômes qui opposent depuis très longtemps ces deux villes de France. Inspirons nous plutôt des propos de Chris Anderson (1) et de sa théorie autour de la « Long Tail », qui soutient qu’à l’ère digitale, la clef du succès est l’individu et les réseaux d’individus, que les grands desseins collectifs se gagnent sur la durée en rapport des adhésions individuelles qu’ils suscitent et des émotions que ces derniers propagent.
La capitale du sport 2017 a été gagnée mais elle ne sera réussie seulement si une Long Tail se constitue autour du Sport et du Bien-être que des JO viendraient un jour couronner, impulsant alors un souffle émotionnel puissant et long depuis la capitale jusqu’à la cité phocéenne.

(1) Chris Anderson, fut le premier à théoriser sur la longue queue (long tail en anglais) a propos des perspectives incalculables que peuvent générer au fil du temps les distributions individuelles (Wired magazine 2004)

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