La chronique du Pr Gilbert Benhayoun : Que veut le Hamas?

Publié le 12 juillet 2014 à  19h52 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h56

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Difficile de répondre à cette simple question. Jean-Paul Chagnollaud, universitaire s’exprimant hier soir sur France-Culture, n’avait pas, pourtant expert des questions du Moyen-Orient, de réponse à cette question[[Une réponse plausible consiste à se référer à la Charte du Hamas, qui appelle à la libération de la Palestine, considérée comme terre d’Islam (art 11) et est explicitement antisémite. Cependant, pour certains, tel Khaled Hroub de l’Université de Cambridge, la Charte n’est pas représentative du Hamas d’aujourd’hui.]]. Pour Zvi Bar-El, du Haaretz, le Hamas n’a pas « voulu participer au festival de rockets lancés sur Israël, au début des hostilités par le Jihad Islamique et les Comités Populaires« , car contraire aux intérêts du Hamas, dont le « seul objectif important est de préserver son statut de gouvernement de la Bande de Gaza, sur le plan militaire et civil« .

Dès le début des hostilités le Hamas a exprimé trois revendications, qui, si elles étaient satisfaites, l’auraient inciter à arrêter l’envoi de rockets et de missiles : l’ouverture du point de passage de Rafah entre Israël et la Bande de Gaza[[A titre d’information la population palestinienne de la Bande de Gaza est estimée à mi 2014, à 1.76 million habitants. La Cisjordanie est plus peuplée, 2.79 million habitants. La densité de population dans la Bande de Gaza est l’une des plus élevée au monde, 4 822 habitants au km2 (source : Palestinian Bureau Central Statistics).]], la libération des prisonniers libérés lors de l’échange avec Shalit, et arrêtés à nouveau par les Israéliens, après le meurtre des trois adolescents, et enfin, la possibilité de recevoir l’argent promis par le Qatar, afin de pouvoir payer les 40 000 fonctionnaires (civils et militaires) qui n’ont pas reçus leurs traitements depuis plusieurs mois. Il est difficile de penser que les Israéliens allaient répondre positivement au Hamas.

Notre hypothèse est que le Hamas souhaite être reconnu comme le responsable légitime du peuple palestinien, et donc veut conforter sa crédibilité. Le mouvement est actuellement isolé. L’Égypte ayant déclaré le mouvement des Frères musulmans, dont est issu le Hamas, organisation terroriste, ne viendra pas au secours du Hamas, d’autant plus que la coopération sécuritaire et économique avec Israël se développe[[L’Égypte vient de supprimer les subventions à l’achat d’essence, afin de réduire le déficit budgétaire et a décidé d’acheter du gaz israélien à British BG Group. Israël s’engagerait à fournir 7 milliards m3 de gaz par an pendant 15 ans (30 milliards $). Et, pour le ministre égyptien, Sherif Ismail, il n’y a pas à en avoir honte : “As the Minister of Petroleum, I remain of the opinion that there is no problem in letting BG Group import Israeli gas to protect Egypt from international fines and arbitration.” Daily News, Egypt, 6/7/2014. L’article a fait l’objet de commentaires qui semblent traduire le désintérêt des égyptiens pour les causes non égyptiennes. (dailynewsegypt.com/2014/07/06/shame-egypt-using-israeli-gas-british-oil-company-petroleum-minister-2/). Pour M. Hanna (Century Foundation) l’opinion publique égyptienne est aigrie, elle est contre le Hamas. (Agence palestinienne Ma’an du 11 juillet 2014). Elle est, plus probablement, partagée entre ceux qui souhaitent une action plus vive des autorités en faveur des habitants de Gaza et ceux pour qui aider le Hamas n’est pas dans l’intérêt de l’Égypte.]]. L’Égypte a accepté de n’ouvrir le point de passage que pour le transfert de blessés ou de malades.

Ayant conscience que militairement Israël est plus puissant, le Hamas d’une part, cherche, à réussir un coup d’éclat militaire soit en envoyant des commandos par la mer ainsi que par des tunnels, et d’autre part, cherche à impliquer les Palestiniens de Cisjordanie, à inciter la communauté internationale à intervenir. Aussi le Hamas, en diffusant des images de pertes humaines et de dégâts matériels, cherche à gagner la bataille médiatique. Le Hamas a probablement espéré infliger des pertes humaines israéliennes, ce qui aurait incité les Israéliens à accepter un cessez-le-feu. Cet objectif n’a pas été atteint[[Au moment où l’article a été rédigé.]]. Le système de défense (Dôme de fer)[[Le journal Yedioth Aharonoth l’a baptisé : the Golden Dome]] a parfaitement fonctionné. En interceptant 90% des tirs en provenance de la Bande de Gaza, le système de défense a modifié le rapport de forces. Pour le ministre de la Défense israélienne, Moshé Yaalon, « The Iron Dome system and its impressive success thus far have had a strategic impact on managing the campaign. It gives us wide options. » La discipline de la population israélienne, qui s’est rapidement mis à l’abri des rockets, a également joué.

Il s’agit également d’inciter M. Abbas à s’impliquer militairement dans le conflit, dans la mesure où existe un accord de réconciliation entre le Hamas et le Fatah et qu’un gouvernement agréé par les deux parties a été mis en place. Cependant, la réaction de M. Abbas a été, et est encore, à l’opposé de ce que souhaiterait le Hamas. Le Président de l’Autorité palestinienne a accordé une interview à un journaliste israélien, Akiva Eldar, qui a été diffusé lors de la conférence, « Israël Conference on Peace« , organisée par le journal Haaretz le 8 juillet dernier, alors que les hostilités avaient déjà commencé[[Saeb Erakat, responsable palestinien des négociations avec Israël, ainsi que Munib El-Masri, l’homme d’affaires palestinien ont annulé leur participation à cette Conférence sur la paix.]] . Lors de son interview, M. Abbas n’a fait aucune mention de la situation à Gaza, ce qui a fortement déçu les dirigeants du Hamas, d’autant plus qu’ils lui avaient demandé d’annuler la diffusion de son interview. Pourtant cela aurait été une excellente opportunité car de nombreux officiels, journalistes, israéliens et étrangers participaient à cette conférence. Yahya Moussa, officiel du Hamas, est allé jusqu’à demander à M. Abbas de « rapidement venir à Gaza, demander pardon à son peuple, présenter sa démission et donner le leadership à la résistance palestinienne, seul représentant légitime du peuple palestinien …[[Cité par Adnan Abu Amer, journaliste.]] ». Il est, à cet égard, surprenant que la rue palestinienne ne s’est pas (encore) manifestée en Cisjordanie. L’agence palestinienne de presse, WAFA, ne fait état, que d’un appel du nouveau Premier ministre palestinien, Rami Hamdallah, qui se contente d’en appeler au Conseil de sécurité des Nations-Unies. On peut se demander, dans ces conditions, si le processus de réconciliation entre le Fatah et le Hamas n’est pas définitivement enterré. Il est trop tôt pour se prononcer.

*Le groupe d’Aix, présidé par Gilbert Benhayoun comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées.

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