La chronique du Pr. Gilbert Benhayoun* – Élections israéliennes: on prend les mêmes et on recommence

Publié le 19 mars 2015 à  12h39 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h43

On prend les mêmes et on recommence. Ces élections se sont tenues 2 ans après celles qui avaient reconduit Netanyahu au poste de Premier ministre. Dimanche prochain, il sera très certainement désigné par le Président Rivlin pour former la nouvelle équipe ministérielle. Mardi dernier les israéliens ont voté pour élire les 120 députés de la Knesset, le Parlement israélien. Le Likoud, parti de droite, arrive en tête avec 30 sièges, alors que le parti de gauche, l’Union sioniste n’a obtenu que 24 sièges.

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Quels sont les premières leçons que l’on peut tirer de ces élections ?

(1) – La participation a été élevée, 71,8% des électeurs ont mis un bulletin dans l’urne. Ce score est le plus élevé depuis 1999. Les électeurs se sont mobilisés. Pourtant cette augmentation du taux n’a pas profité à un parti en particulier.

(2) – L’ensemble des instituts de sondage se sont trompés. Avant les élections ils avaient prédit une avance du parti de gauche. Celui-ci, l’Union sioniste, était crédité de 24 à 26 sièges alors que le Likoud était à la traîne avec 20 mandats. A l’issue du scrutin, les premiers sondages effectués à la sortie des urnes se sont à nouveau trompés. Ils indiquaient une parfaite égalité entre les deux «grands partis», avec 27 sièges chacun. Les commentateurs politiques évoquaient de plus en plus, l’idée d’une union nationale entre les deux partis pour former un gouvernement d’union. Les responsables des deux partis, Nétanyahu pour le Likoud et Herzog pour l’Union sioniste se seraient partagés, à tour de rôle la charge de Premier ministre. Cette situation de compromis s’est déjà présentée dans l’histoire mouvementée des élections législatives israéliennes. En 1984, Shamir, pour la droite, et Peres, pour la gauche avaient gouverné à tour de rôle. En fait, plus tard dans la soirée, les résultats, quasi définitifs donnaient le Likoud vainqueur, de manière nette. Il est probable, que la campagne agressive menée par Netanyahu les derniers jours a porté ses fruits. Il s’est adressé à l’électorat d’extrême droite, celui du parti de Bennet, pour l’inciter à voter utile, c’est-à-dire, à voter pour le Likoud. En quelque sorte, il a déshabillé, le parti de Bennet. Cette opération a réussi, car il a incontestablement dépassé le parti concurrent de gauche. La première leçon de ce scrutin est que les instituts de sondage, de manière unanime se sont lourdement trompés. Ce n’est par la première fois. Lors du dernier scrutin (janvier 2013), le score, remarquable, obtenu par le parti du centre laïc, celui dirigé par Yair Lapid, soit 19 sièges, n’avait été prévu par aucun institut de sondage.

(3) – La seconde leçon de ce scrutin, est que la victoire du Likoud, est plus celle de son chef, Netanyahu, que celle du parti. C’est lui qui a fait, dans les dernières heures, fait pencher la balance en sa faveur. Les électeurs ont voté «Bibi», plus que Likoud. Pour une partie de l’opinion, il est le seul à pouvoir assurer la sécurité du pays, en particulier face à l’Iran. Son discours au Congrès américain, le 3 mars dernier, qui a choqué l’électorat démocrate, une partie importante de la communauté juive américaine, qui vote traditionnellement démocrate, le Président Obama également, a finalement eu un impact limité sur l’électorat israélien de droite.

(4) – Le parti de gauche a obtenu, à l’issue du scrutin un score honorable, même si il n’a pas remporté les élections. Il aura, en tant que parti officiel de l’opposition à la Knesset un rôle important.

(5) – Pour former son gouvernement d’union, Netanyahu aura besoin du soutien des partis orthodoxes et du parti du centre, Koulanu, dirigé par Moshé Kahlon. Celui-ci obtiendra très certainement le portefeuille des finances, comme promis par Netanyahu. Il pourra ainsi mettre en œuvre les mesures sociales qu’il s’était engagé à promouvoir lors de la campagne, en faveur des plus défavorisés, en particulier dans le domaine sensible du logement. Israël, pays membre de l’OCDE, reconnu dans le monde entier par la qualité de sa recherche, par le nombre très élevé, de start-up, est aussi, paradoxalement le pays où les inégalités de revenus sont les plus élevées des pays riches.

% de ménages sous le seuil de pauvreté – 2010
-Israël: 19.8%
-Turquie: 19.3%
-Espagne: 15.4%
-Grèce: 14.3%
-Italie:13%
-France: 7.9%
-États-Unis: 17.4%
-Pays de l’OCDE: 11.1%

Arié Dhéry, du Shas, aura probablement le ministère de l’Intérieur.

(6) – Une loi récente, initiée par le ministre controversé, Lieberman, a modifié les modalités électorales. Une liste ne pourra entrer au Parlement que si elle obtient 3.25% des voix, ce qui correspond à quatre sièges. C’est un pas en faveur d’un système moins proportionnel. A cet égard, beaucoup en Israël souhaitent une modification profonde du système électoral qui, malgré cette nouvelle loi, favorise les petits partis. Le résultat, inattendu de cette modification du mode d’élection, et, probablement non souhaité par son initiateur, est que les quatre petits partis arabes ont été dans l’obligation de fusionner et de présenter une liste commune afin de pouvoir entrer à la Knesset. Cette liste a obtenu 13 sièges, ce qui en fait un parti important du Parlement. Rappelons que les arabes représentent environ 20% de la population israélienne. Ces quatre partis sont très opposés entre eux. L’un représente les communistes, un autre les ultra-orthodoxes musulmans. Leur comportement lors des futurs votes au Parlement seront attentivement analysés car, tous les sondages montrent que le souhait profond de la population palestinienne est en faveur d’un seul parti arabe et non de l’extrême division qui a favorisé l’émergence de quatre partis. L’augmentation de 10% de leur taux de participation en est la preuve. La liste commune obtient 13 sièges, deux de plus que le total obtenu par les quatre petits partis dans la Chambre sortante.

(7) – La «nouvelle» équipe ministérielle aura à gérer les mêmes dossiers que le gouvernement précédent : sur le plan intérieur, les inégalités sociales et sur le plan extérieur, la probable relance du processus de paix avec les Palestiniens.
Affaires à suivre…

(*)Le groupe d’Aix, présidé par Gilbert Benhayoun comprend des économistes palestiniens, israéliens et internationaux, des universitaires, des experts et des politiques. Son premier document, en 2004, proposait une feuille de route économique, depuis de nombreux documents ont été réalisés, sur toutes les grandes questions, notamment le statut de Jérusalem ou le dossier des réfugiés, chaque fois des réponses sont apportées

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