La première lumière associée à des ondes gravitationnelles a mobilisé des milliers de chercheurs du monde entier

Publié le 17 octobre 2017 à  10h27 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  17h41

Le CNRS a tenu une conférence de presse ce lundi 16 octobre, pour annoncer au public la première détection de la contrepartie optique d’une émission d’ondes gravitationnelles. C’est la première fois qu’une observation mobilise autant de chercheurs et d’instruments, au sol et dans l’espace, afin de l’observer à toutes les longueurs d’ondes possibles. Les chercheurs marseillais sont également partie prenante dans cet événement exceptionnel.

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La kilonova observée dans la galaxie NGC4993, à 130 millions d’années-lumière de nous, photographiée par l’instrument VIMOS (conçu au LAM) installé au Chili, sur l’un des télescopes du VLT de l’ESO. Cette source d’ondes gravitationnelles, résultant de la fusion de deux étoiles à neutrons, est visible ici comme un petit point en haut à gauche du noyau de la galaxie, dans le cercle jaune. ©ESO.
La kilonova observée dans la galaxie NGC4993, à 130 millions d’années-lumière de nous, photographiée par l’instrument VIMOS (conçu au LAM) installé au Chili, sur l’un des télescopes du VLT de l’ESO. Cette source d’ondes gravitationnelles, résultant de la fusion de deux étoiles à neutrons, est visible ici comme un petit point en haut à gauche du noyau de la galaxie, dans le cercle jaune. ©ESO.
L’existence des ondes gravitationnelles a été prédite en 1916 par Albert Einstein et il a fallu attendre 2015 pour enfin les détecter. Il faut dire que le phénomène est difficile à déceler puisqu’il s’agit de mesurer d’infimes distorsions de l’espace (un millième de milliardième de milliardième) induites par le passage d’une telle onde. De plus, le phénomène est relativement rare puisqu’il est produit par la fusion d’objets compacts tels que les trous noirs ou les étoiles à neutron et on estime qu’il s’en produit seulement un tous les 100 000 ans dans une galaxie.

La première détection d’ondes gravitationnelles a eu lieu le 14 septembre 2015, grâce aux deux détecteurs Ligo installés aux USA. Ces ondes résultaient de la fusion de deux trous noirs d’une trentaine de masses solaires chacun et leur détection a été récompensée par le prix Nobel de physique 2017, attribué à trois chercheurs américains. D’autres détections ont eu lieu depuis, mais il était impossible jusque-là de localiser l’endroit du ciel d’où provenaient ces ondes. Cette année, avec la mise en service du détecteur franco-italien Virgo, dans la plaine du Pô, une détection simultanée faite par Ligo aux USA et Virgo en Europe, le 17 août 2017, a permis (par triangulation) de repérer la zone du ciel où se trouvait la source d’émission. Les télescopes du monde entier se sont alors braqués vers cet endroit et c’est l’observatoire européen ESO (European Southern Observatory) qui a mobilisé la plupart de ses télescopes au Chili et a permis de détecter, en lumière visible, la source d’émission de ces ondes gravitationnelles. Cette détection de la contrepartie optique d’une source d’ondes gravitationnelles est une première qui a mobilisé des chercheurs du monde entier et des instruments opérants à toutes les longueurs d’ondes, au sol et dans l’espace. Les résultats de toutes ces observations vont permettre une avancée considérable de notre connaissance des phénomènes de haute énergie dans l’Univers.

L’événement détecté le 17 août 2017 correspond à la fusion de deux étoiles à neutrons [[Une étoile à neutrons est une étoile si compacte que toutes les particules qu’elle contient se retrouvent collées les unes contre les autres par la force de gravitation. Au point que les protons et les électrons fusionnent et que l’étoile n’est plus composée que de neutrons.]] de masse relativement faible, à peine plus massives que le Soleil. Le résultat de la fusion d’étoiles à neutrons, baptisé «kilonova» est un phénomène qui a été étudié de manière théorique mais qui n’avait jamais été observé jusque-là. L’énergie produite est considérable, même si elle est moindre que celle produite par la fusion de deux trous noirs massifs. Par chance, l’évènement s’est produit relativement près de nous, à 130 millions d’années-lumière, ce qui a permis sa détection et sa localisation précise dans la galaxie NGC4993. Un article, à paraître le 20 octobre 2017 dans la prestigieuse revue « The Astrophysical Journal » est signé par 4000 chercheurs du monde entier et fait le point sur cet événement et sur les informations que l’on a pu déjà tirer de l’analyse des nombreuses données recueillies.

Il y a des chercheurs marseillais parmi les auteurs de cet article, notamment ceux qui font partie de la collaboration Antares dans laquelle on trouve des chercheurs du CPPM (Centre de Physique des Particules) à Luminy et des chercheurs du LAM (Laboratoire d’Astrophysique de Marseille) dont l’auteur de ces lignes. Le détecteur de neutrinos Antares, immergé au large de Toulon, n’a pas détecté de neutrinos associés au passage des ondes gravitationnelles mais ce résultat est intéressant car il permet de donner une limite supérieure à la quantité de neutrinos émise lors de la fusion de deux étoiles à neutrons. Par ailleurs, le spectrographe Vimos, conçu au LAM et installé sur l’un des télescopes de 8m du VLT (Very Large Telescope) de l’ESO au Chili, a permis de faire une image de la contrepartie optique de la source qui a résulté de la fusion de deux étoiles à neutrons. D’autre part, Stéphane Basa, chercheur du LAM, est un des responsables de la mission SVOM qui est un projet de satellite franco-chinois visant à détecter les sursauts gammas (brusque émission de photons de haute énergie) produits par ce type d’évènement. Dès que le satellite détectera un sursaut gamma, il donnera l’alerte aux télescopes au sol, notamment à un télescope robotisé, le GFT (Ground Follow-up Telescope) dont les miroirs sont en cours de polissage au LAM. Ce télescope sera installé au Mexique et pourra observer la source dans le domaine visible et proche infrarouge dès qu’elle sera détectée. Cela permettra de déterminer sa distance et sa nature exacte.
Michel MARCELIN Directeur de recherche CNRS (LAM/AMU)

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