Laurent Favre-Mot, le pâtissier marseillais qui fait croquer les crânes

Publié le 26 juin 2014 à  19h43 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h54

Laurent Favre-Mot croque son burger, un biscuit madeleine citron, graines de sésame, crémeux citron enrobé de chocolat et noisettes, gelée de mandarine (Photo M.E.)
Laurent Favre-Mot croque son burger, un biscuit madeleine citron, graines de sésame, crémeux citron enrobé de chocolat et noisettes, gelée de mandarine (Photo M.E.)

Comme on dit à Marseille, il a plutôt une «belle gueule» Laurent Favre-Mot. De celles qui font se retourner les donzelles sur son passage. Yeux bleus, barbe de bûcheron canadien, tatouages plein les bras… Aux dires de participantes à l’une de ses démonstrations au dernier Salon du chocolat, il est le seul cuisinier qui n’a pas besoin des étoiles du Michelin : elles sont tatouées sur son torse… «C’est vrai que j’ai tendance à déboutonner la chemise lorsqu’il fait chaud et que je cuisine !» Rires.
Le garçon tient boutique à l’angle des rues Sainte et Breteuil. Pierres de taille et d’angle, béton ciré noir et gris, larges baies vitrées ouvertes sur la circulation du centre-ville : au cœur de cet environnement très urbain, quelques sucettes de guimauve, des macarons colorés et des gâteaux indiquent qu’ici c’est une pâtisserie. Une pâtisserie, oui, mais une pâtisserie Rock’n Roll. Les moulages de crânes en chocolat flirtent avec les ours de guimauve. Tiens, parlons-en des têtes de mort. Elles font partie de la signature de Favre-Mot, décorant même son entremet le plus connu qu’il nomme «vanité» ou, depuis quelques jours, «fétiche» en fonction de son humeur. Et le temps de Pâques venu, son chocolat qui a cassé la baraque était un petit crâne décalotté à l’intérieur duquel on découvrait un cerneau de noix entier comme une cervelle… Ici on ne se refuse rien, on assume et on le revendique. Choquer «en douceurs» doit même l’exciter un tantinet, le créateur !
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, il est né rue des Bons Enfants (et oui !) entre la rue Saint-Pierre et le boulevard Baille à Marseille. Il y a passé les six premiers mois de son existence avant d’intégrer le déménagement familial, direction la Côte d’Azur. Et quarante ans plus tard, il s’est retourné vers Marseille. «En fait, j’ai tenu à effectuer ce come-back sympa à l’occasion de MP2013. Je me suis dit que s’il y avait quelque chose à faire à Marseille c’était le bon moment.» Un petit coup de Doors, et un peu de Velvet underground plus tard, la décision est prise. Au guidon de sa Triumph Bonneville, Laurent Favre-Mot débarque dans le milieu marseillais de la pâtisserie et de la gastronomie comme un chien dans un jeu de quille. Il assène quelques vérités premières avec un franc parler qui ne fait pas le bonheur de tout le monde. Qu’importe ! Là aussi il assume. Il fréquente les cuisines depuis l’âge de 13 ans et s’est endurci le caractère aux côtés de quelques maîtres forts en gueule et en talent.
«Puis, il y a 7 ans, alors chef de cuisine, j’ai décidé de prendre le virage et de devenir pâtissier. C’est le côté pointu de cette spécialisation qui m’intéressait. J’avais envie d’y pousser loin le perfectionnisme.» La réussite interviendra très vite. Il devient « le » pâtissier du Printemps. Son succès, il le doit à sa capacité d’innovation. «Si c’est pour faire ce que font les autres, je n’ai pas à être là», répète-t-il comme un leitmotiv. Alléger en sucre pour faire ressortir les goûts, travailler des matières premières irréprochables, inventer : autant de clés qu’il n’a pas oublié en quittant le Printemps et en venant s’installer à Marseille. «Mon moteur: c’est la générosité, le partage, l’envie quotidienne de donner du plaisir.»
Traiteur, consultant, auditeur : on se l’arrache et pas que pour sa barbe. «En démonstration, je suis un gros malade. Les organisateurs le savent. Je peux commencer un tas de choses et finir sur un truc étonnant, délirant. J’adore ça !» Harissa au siphon, poudre de framboises, il ne se refuse rien. Il fait le show, et c’est bon. Revenu dans son laboratoire marseillais, il invente, toujours. «Ici, je suis plutôt mono produit. C’est la vanille dans tous ses états, le chocolat, ce n’est que le chocolat décliné en textures différentes. J’essaye de faire en sorte qu’il y ait un minimum de quatre ou cinq textures différentes pour chaque entremets.»
Des entremets à forte personnalité, à l’image de leur créateur. Mais aurait-il pu en être autrement ?
Michel EGEA
Laurent Favre-Mot, pâtissier, 9, rue Breteuil, 13001 Marseille. Du lundi au samedi de 7 heures à 20 heures. Tél: 04.91.33.12.06

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