Le Gymnase de Marseille. Fabrice Melquiot raconte l’histoire véritable des créateurs du Théâtre du Centaure

Publié le 3 novembre 2018 à  20h28 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  19h09

Camille & Manolo dans
Camille & Manolo dans
L’enfance, voilà la deuxième patrie de l’écrivain rémois né à Modane Fabrice Melquiot. Dramaturge, styliste, auteur de textes rares comme «Marcia Hesse», un chef-d’œuvre mis en scène par Demarcy-Motta ou encore «Ma vie de chandelle». Il sait dire les premiers émois en mots simples, puissants, imagés; évoquer les projets nourris de songes, les envies d’ailleurs, de grand large, de grand vent. Aussi n’est-on pas surpris de le voir raconter l’histoire véritable de Camille et Manolo, les fondateurs du théâtre du Centaure, la compagnie équestre établie à Marseille. Qui mieux que lui pouvait déployer un récit ample qui fasse vibrer petits et grands en mettant en scène deux êtres d’exception qui se rêvaient enfants à quatre pattes plutôt que sur deux jambes ? Dans une salle du Gymnase de Marseille en état de fête et de liesse et où on entendit (entre autres) résonner quelques mesures du poème d’Aragon «Il n’y a pas d’amour heureux», chanté par Brassens (cette même musique avait également servi pour «La prière» le poème de Francis Jammes aussi interprété par l’ami Georges), on a pu apprécier un voyage au pays du grand, du beau, du vrai, de l’élévation d’esprit qui libère. «Enfant je rêvais d’être un essaim d’abeilles, un troupeau sauvage, un vol d’hirondelles», entend-on tandis que l’on nous rappellera la pensée de Proust disant en substance que «l’adolescence est le seul temps où l’on a appris quelque chose». On les suit alors, tous deux «pilleurs d’histoires, et chercheurs d’or», se demandant: «Est-ce qu’ils tiennent debout les enfants qu’on a été ». Comment se sont-ils rencontrés ? Comment ont-ils bâti au fil des années une vie avec des animaux? Pourquoi sommes-nous tous «des animaux prodiges» ? Comment ont-ils décidé d’intégrer dans leurs histoires le Centaure né d’un roi ivre et d’un nuage, mi-cheval, mi-homme ? Autant de questions qu’aborde ce spectacle en tout points, gracieux comme le sont les apparitions sur scène de Gaïa un frison hollandais monté par Camille et Indra un pure race espagnole né à Séville, sur lequel tourne Manolo, alors que les photographies de Martin Dutasta sertiront l’écrin scénographique du spectacle. Magique visuellement, les lumières de Jean-Marc Serre en apportent un témoignage supplémentaire, inventif sur le plan sonore, grâce au travail de Nicolas Lespagnol-Rizzi, «Centaures, quand nous étions enfants» magnifie le travail de mémoire, et prouve par métaphores interposées que «toute l’enfance tient dans un cheval de bois.» Les mots de Melquiot sont des gerbes d’or qui s’envolent vers cet infini des possibles vanté par Camille et Manolo. C’est beau quand les chevaux déambulent sur scène avec leurs cavaliers, surprenant comme lorsque on nous conte le cruel récit de Marguerite tuée dans la forêt par Renaud son propre frère, féérique quand Camille et Manolo, indissociables l’un de l’autre font asseoir leurs chevaux respectifs sur des fauteuils alors qu’ils sont en selle, admirable… durant les 50 minutes du spectacle. Une manière incroyable aussi, comme suspendue hors du temps de nous convaincre que «sans intelligence collective on est appelés à disparaître.» Inoubliable en fait !
Jean-Rémi BARLAND

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