Le Rabbin Delphine Horvilleur fait salle comble au Centre Fleg

Publié le 17 janvier 2014 à  12h05 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  17h13

Delphine Horvilleur, femme rabbin libéral et rédactrice en chef du magazine communautaire
Delphine Horvilleur, femme rabbin libéral et rédactrice en chef du magazine communautaire
Le centre Fleg, à Marseille, était comble pour participer à la rencontre avec Delphine Horvilleur, femme rabbin libéral pour une rencontre autour de son livre « En tenue d’Eve : Féminin, pudeur et judaïsme » aux éditions Grasset.
Delphine Horvilleur explique : « J’ai été élevée dans une famille juive traditionnelle. L’étude des textes a pris une part de plus en plus importante dans ma vie et plus je frappais à des portes qu’on ne m’ouvrait pas parce que j’étais une femme. L’interdiction faite aux femmes d’avoir accès au savoir est d’autant plus grave que, dans la société juive, le savoir c’est le pouvoir. C’est alors que l’on m’a dit que je pouvais étudier à New York. Et c’est ainsi que je me suis retrouvée pendant cinq ans dans une yeshiva orthodoxe dans laquelle j’ai découvert la pluralité du monde juif d’aujourd’hui et la possibilité que les femmes ont, d’étudier pleinement.
Je dois dire à ce propos que le judaïsme français est très en retard, la question de la femme rabbin est originale chez nous alors qu’il y en a de plus en plus aux États-Unis, que ce phénomène se développe en Angleterre, dans des pays de culture protestante. En France, on a parfois tendance à croire qu’il s’agit d’un sacerdoce alors que tel n’est pas le cas, un rabbin est un enseignant, un passeur de savoir, c’est une fonction enseignante et pastorale et rien n’empêche une femme de l’exercer
».

« Cette question de l’impudeur abrite un discours impudique »

Mais, poursuit-elle : « C’est avec regret que je fais la constatation amère de la recrudescence d’un discours obsessionnel sur la pudeur de la femme. En Israël, on a demandé à une femme de se lever pour aller s’asseoir au fond d’un bus. Au sein de l’armée israélienne, haut lieu de l’égalité homme/femme, des rabbins appellent les soldats à quitter les cérémonies religieuses dans lesquelles des femmes chanteraient. En 2011, le comble a été atteint en Israël, 15 jours avant une conférence sur la stérilité féminine, les femmes gynécologues, biologistes… ont reçu une lettre leur demandant de se retirer du colloque car leur présence pourrait troubler les hommes. Alors, face à ce discours qui, au nom de la pudeur, veut conduire la femme à la sphère de l’intériorité, de la mère, de l’épouse, il m’a paru important de revenir aux textes pour travailler sur la question de la pudeur. Cela m’a paru d’autant plus important que, dans des sociétés qui considèrent la pudeur comme rétrograde, il faut réhabiliter cette valeur. La pudeur, c’est mesurer que l’Autre n’est pas entièrement visible, que quelque chose de lui nous échappe et cela concerne donc aussi bien l’homme que la femme ».
Et cette question de l’impudeur « abrite un discours impudique. Force est de constater que cette recrudescence n’est pas réductible à la religion juive mais elle est commune aux religions. J’aspire à ce qu’il y ait une autocritique dans chaque tradition », estime-t-elle.

« La question n’est pas de savoir si Maïmonide était misogyne ou pas, mais de savoir si les lecteurs de 2014 le sont ou pas »

Delphine Horvilleur reprend : « Certains posent la question de la misogynie des traditions religieuses. Est-ce la bonne question ? Ne faut-il pas plutôt réfléchir à la transmission faite par des hommes influencés par le contexte sociétal dans lequel ils ont vécu ? Car, si l’on revient au texte, il y a autant de versets qui peuvent prêter à des interprétations misogynes que féminines. La question n’est pas de savoir si Maïmonide était misogyne ou pas, mais de savoir si les lecteurs de 2014 le sont ou pas ? ».
Puis de revenir sur la femme qui serait issue de la côte d’Adam « à savoir la première opération sans anesthésie de l’histoire afin de placer une femme tout contre lui. Le problème est, que ce mot revient régulièrement dans les textes et que, toutes les autres fois, il est traduit par « le côté », à un accent près, ce même mot aurait eu une répercussion civilisationnelle immense… Mais, peut-être est-il temps de revenir au sens premier du texte. De mesurer que l’Eternel a créé l’humanité dans son masculin et son féminin. Il est temps d’ouvrir les portes du savoir aux femmes, cela leur sera bénéfique tout comme aux hommes, tout comme pour la pensée juive ».
Michel CAIRE

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