Publié le 7 février 2020 à 21h35 - Dernière mise à jour le 29 octobre 2022 à 13h46
Le drame de la rue d’Aubagne qui a coûté la vie à 8 personnes, le 5 novembre 2018, a profondément marqué la population marseillaise, et même bien au-delà. La bétonisation de certains quartiers de la ville, les grandes questions urbanistiques, les problématiques d’habitat au quotidien pour tous, l’accueil des touristes : autant de sujets que vient d’aborder Michel Sarocchi, expert en charge de ces questions auprès de Bruno Gilles, le sénateur ex-LR candidat aux municipales à Marseille.
Ancien président du groupe d’insertion par l’habitat, Esprit papillon, Michel Sarocchi est spécialiste des questions relatives au logement et à l’habitat. A l’heure où la campagne marseillaise se résume trop chez certain à un mercato, l’équipe de Bruno Gilles met en débat un document dense sur ce qui devrait être une priorité pour la prochaine municipalité. Un Michel Sarocchi qui indique dans un premier temps: «Je ne suis pas un politique. J’ai accepté de rejoindre Buno Gilles car je le connais depuis de nombreuses années. C’est un travailleur, proche des gens, qui sait s’entourer. Il m’a proposé de le rejoindre car je suis dans le logement depuis plus de 35 ans. J’ai créé à Marseille une agence immobilière à vocation sociale, l’AICS, un concept imaginé par l’Abbé Pierre et fondé à son initiative, en présence de ce dernier. Puis je suis devenu président de l’association « Esprit Papillon » dont l’objet est l’insertion par l’emploi et le logement». Et de rappeler dans un premier lieu le contexte: Marseille compte, sur l’ensemble de la ville, 450 000 logements dont 35 000 logements vacants. 45% des logements sont occupés par les propriétaires. Alors que la plateforme de location saisonnière Airbnb dénombre plus 7 000 logements, sans compter les autres structures de location saisonnière. Au total, Marseille propose une offre saisonnière d’environ 8 000 logements, du studio à la villa. «Actuellement, on compte 145 programmes immobilier neufs sur Marseille, dont 16 programmes sur le 12e et 13 programmes sur le 8e. Le prix moyen du m² dans le neuf est de 4 300 euros», précise Michel Sarocchi Dans le même temps, poursuit-il, Marseille compte: «40 000 logements potentiellement indignes (Rapport 2015), 300 Immeubles évacués, 2 500 personnes hébergées en hôtels (novembre 2019), 36 000 demandes de logements». Des chiffres, ajoute-t-il: «Qui ne prennent pas en compte les copropriétés dégradées». Il revient sur le drame de la rue d’Aubagne: «Le 5 novembre 2018, trois immeubles s’effondrent rue d’Aubagne, dans le cœur historique de Marseille. Huit personnes décèdent. Des milliers de gens sont évacués et relogés depuis». Il rappelle alors que: «Bruno Gilles, Sénateur des Bouches-du-Rhône, sera le seul élu de la majorité municipale à présenter ses excuses aux familles et aux proches des victimes, lors du Conseil municipal qui a suivi le drame. Il rencontre alors partout en France des associations spécialisées dans la lutte contre l’habitat indigne et présente au Sénat une loi, visant à améliorer la lutte contre l’habitat insalubre ou dangereux. Car l’enjeu est local bien sûr, mais il est aussi national, puisque l’on compte sur l’ensemble du territoire entre 420 000 et 2,8 millions de logements indignes ou potentiellement indignes. Sa loi est adoptée à l’unanimité par les groupes politiques de la Haute assemblée, ce qui est très rare». Il en vient aux propositions de Bruno Gilles en spécifiant: «Actuellement, le domaine du logement souffre d’une fracture totale et pas seulement Nord/Sud. En effet, on oppose l’habitat indigne au logement en général. Il faut sortir de cette logique, si nous voulons trouver des solutions. Il faut une politique globale du logement. Et, encore une fois sortons d’une logique selon laquelle il y aurait deux types d’habitats et deux types de populations. La politique du logement doit s’adresser à tous». Il se prononce également pour la fin d’un système comprenant deux types d’aménageurs: «la Spla-in Société publique d’aménagement d’intérêt national pour l’habitat insalubre, Soleam pour le reste. Et je ne parle pas du GOU (Grande opération d’urbanisme) qui sont intégrés avec la Spla-in dans le PPA (Projet local d’aménagement)». Il dénonce, in fine, «un manque total de cohésion» avec la ville qui «perd peu a peu toutes ses prérogatives en matières de décision au profit des autres instances. Elle subit, devient un bureau d’enregistrement alors que c’est toujours vers le Maire que l’on se tourne en cas de problème et de conflit». Le programme de Bruno Gilles se prononce donc en faveur d’une réorganisation générale du service du Logement municipal; la récupération des prérogatives de logement de la Métropole par la Ville; l’accompagnement de l’élu délégué au Logement pour le suivi permanent des actions et la connaissance et l’application des lois; la mise en place d’un département au sein du service Logement pour le suivi des citées dégradées; la transparence par la mise en place d’une commission d’attribution des logements du parc public indépendant.
«Il faut agir. Vite et bien»
Concernant l’habitat indigne Michel Sarocchi avance: «Aujourd’hui, le temps n’est plus à la multiplication des commissions : Il faut agir. Vite et bien. Nos propositions sont des propositions d’actions. Sous l’autorité du Maire, il faut réunir tous les intervenants privés et publics pour présenter ce plan d’actions, afin que chacun y joue pleinement son rôle». En matière de lutte contre cet habitat insalubre il est indiqué que la Police du logement, nouvelle compétence du maire, «devra être pleinement utilisée». Insiste sur le renforcement des sanctions contre les marchands de sommeil et une application immédiate des sanctions mises à disposition dans le cadre de la lutte contre l’habitat indigne. «Nous pouvons même devenir alors un laboratoire au niveau européen en matière de réhabilitation et obtenir des fonds européens». Concernant les copropriétés dégradées Michel Sarocchi précise : «Toutes les propositions sont faites en corrélation totale avec le projet de loi de Bruno Gilles. Ces propositions ont plusieurs axes ambitieux qui ont pour but de redonner leur dignité aux logements sociaux privés et publics et aux citées dégradées. Cela implique une politique volontariste, exigeante et de proximité au quotidien. Le logement est, demeure et demeurera une priorité pour toute municipalité responsable». Un volet accompagnement des propriétaires est programmé. Il comprend une sollicitation et une mobilisation de tous les acteurs du logement (Anah, région Sud, département des Bouches-du-Rhône, CAF, Préfecture, Banque du territoire, Soleam, Ampil, Fap, Fédération des associations de locataires, Mutuelles, etc.) pour la mise en place d’une politique globale du logement. L’objectif est d’aider les propriétaires, notamment les plus modestes, dans le suivi de leurs appartements (travaux, assurances etc.). Il est également à noter la mise en place du permis de louer avec son renouvellement en même temps que le renouvellement du bail ou lors d’une nouvelle location. Mais aussi une aide pour la rénovation avec le partenariat de la Fédération du bâtiment et les entreprises d’insertion pour lier l’accès au logement et le monde de l’économie.
«Un foncier qui flambe»
Concernant l’urbanisation, le programme de Bruno Gilles s’inscrit en faveur de l’arrêt de la bétonisation. «On compte trop de constructions sans un suivi et une cohérence des infrastructures (routes, écoles, crèches, etc.). 155 programmes neufs sur Marseille (Chiffres 8e et 12e)». Michel Sarocchi, pointe «un foncier qui flambe, ce qui empêche de nombreux Marseillais d’accéder à la propriété. Ou de s’agrandir avec l’arrivée de nouveaux enfants dans la famille» mais aussi «une saturation au niveau de la circulation dans certains secteurs de la ville, totalement engorgés. Cessons de jouer au apprentis sorciers». Il ne nie cependant pas qu’il y a un manque de logements à Marseille. «Mais, encore une fois, on dénombre plus 7 000 logements, réservés pour le Airbnb dont sans doute un grand nombre illégalement, sans compter les autres structures de location saisonnière. Il y a des logements vacants… Et lorsque l’on voit des opérations en cours, sans balcon, souvent des T2 ce qui est loin d’être la demande prioritaire sur Marseille. On mesure bien que l’on construit pour la défiscalisation. Et, lorsque les gens vendront, dans une douzaine années, on recréera du logement insalubre. Ce n’est pas admissible. L’argent ne doit pas être maître de tout ». Et de se souvenir: «Lorsque je suis arrivé avec mes parents de ma Corse natale j’avais 12 ans. Nous sommes allés habiter dans les Quartiers Nord, à Maison Blanche, c’était alors charmant et paisible. Puis cela s’est dégradé, les marchands de sommeil sont arrivés. Il ne faut pas reproduire cela. Il faut un vrai bilan sur les besoins de la population et, y répondre».
«L’exemple de La Plaine montre tout ce qu’il ne faut pas faire»
La critique porte également sur le manque de concertation avec les riverains et le déséquilibre avec le social. Pour y remédier: «Avant l’accord du permis de construire, Bruno Gilles imposera un nombre de logements sociaux aux promoteurs». Pour Michel Sarocchi: «Il faut rendre à la Soléam son vrai rôle d’aménageur avec des concertations abouties avec les promoteurs et la population. L’exemple de La Plaine montre tout ce qu’il ne faut pas faire. Avec les conséquences que l’on connaît. Et que l’on déplore. Il faut arrêter d’opposer les uns aux autres et favoriser la concertation. Il est essentiel d’écouter, d’entendre avant d’agir. Ce sera la méthode de Bruno Gilles, non seulement dans le domaine du logement mais dans la gouvernance de façon générale». indiquant: «C’est vraiment là une idée force de Bruno Gilles. Il ne veut plus de coupure entre les élus et la population. Et il ne doit pas y avoir de recette unique pour la concertation. Il faut, en premier lieu, des élus de terrain, avec les CIQ, avec les collectifs… C’est une erreur de ne pas travailler avec tout ce qui est citoyen, c’est une question de respect que l’on doit à ces derniers. Il faut expliquer, écouter, entendre et, surtout, développer l’éducation, la culture, les transports, l’emploi. C’est ainsi que l’on réduira la fracture sociale». La réhabilitation des bas d’immeubles et anciens commerces est également au programme: «Dans les 101 noyaux villageois de Marseille, de nombreux commerces ont hélas fermé. Face à cela nous nous prononçons en faveur de la préemption des bas d’immeubles (anciens commerces) par les grands opérateurs sociaux ou autres, avec optimisation en organisant un concours d’écoles d’architectes pour la création de logements- handicapés, étudiants, co-location. Une assistance pour l’acquisition de ces bas d’immeuble par des propriétaires privés avec un cahier des charges précis, une information sur la fiscalité (défiscalisation possible etc.) est également prévu.» Concernant la taxe de séjour, la production télévisuelle et cinématographique, il constate: «Marseille attire de plus en plus de touristes qui sont hébergés dans des appartements Airbnb et autres sites de location saisonnière. La beauté, la lumière de notre ville attirent de plus en plus de productions pour le cinéma ou la télévision. Une partie de la taxe de séjour ou une augmentation même minime (0,50 cts) de celle-ci pourrait être attribuée pour la politique du logement. Pour les productions audiovisuelles, une quote-part des rentrées financières pourrait suivre la même voie. Cela serait un juste retour des choses pour la population, outre l’effet de communication».
Michel CAIRE