Mad Mars appelle à l’alternance pour les prochaines municipales à Marseille

Publié le 12 juin 2019 à  14h41 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  11h58

Mad Mars a réuni vendredi soir, au Dock des Suds, quelque 300 personnes sur le thème «2020 : Oui, c’est possible !». Après une présentation du collectif par sa présidente, Olivia Fortin, une table ronde a réuni Joël Gombin, politologue, Michel Péraldi, sociologue, Philippe Langevin, économiste, Jérémie Peltier, directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès et la modératrice Mathilde Chaboche, sociologue, sur le thème de l’abstention à Marseille, à partir de l’étude de la Fondation Jean-Jaurès. Le public a réagi avec questions et remarques, avant que Mad Mars reprenne la parole pour donner une série de propositions.

(Photo Mireille Bianciotto)
(Photo Mireille Bianciotto)
De gauche à droite, Philippe Langevin, Michel Péraldi, Joël Gombin, Jérémie Peltier et Mathilde Chaboche de Mad Mars ( Photo Mireille Bianciotto)
De gauche à droite, Philippe Langevin, Michel Péraldi, Joël Gombin, Jérémie Peltier et Mathilde Chaboche de Mad Mars ( Photo Mireille Bianciotto)
son_copie_petit-359.jpgMathilde Chaboche, sociologue membre de Mad Mars explique la signification du nom du collectif :«Être fous de Marseille et de croire que l’on peut faire de la politique, que la politique ce n’est pas sale et qu’elle n’est pas réservée à une élite éloignée de nous et à laquelle on ne pourrait pas appartenir». Ajoute: «C’est très important que les initiatives citoyennes soient connues et perçues par les politiques. C’est très important que ces derniers envoient le signal, en venant à une soirée comme la nôtre, de leur volonté de faire avec les citoyens et de ne pas tisser leur programme dans leur coin sans faire avec toutes les mobilisations citoyennes». Elle réagit à la division des forces politiques -34 listes aux Européennes 2019, un record- :«Ce qui nous unit est plus fort que ce qui nous sépare. Quand on partage une série de valeurs, de solidarité, de lutte contre les inégalités, d’écologie et de développement durable pour notre ville sans faire l’impasse sur le développement économique parce que sans entreprises fortes et en bonne santé, il n’y a pas d’emploi pas de perspective et de projet pour notre jeunesse notamment». Pense à une fédération, «on n’est pas obligé de se marier pour faire de la politique ensemble», autour des mêmes constats avec un programme commun porté par des citoyens et des politiques issus de partis différents, une démarche seule à même de «permettre une véritable alternative à la tête de cette Ville sans laisser le système Gaudin se reproduire indéfiniment avec des faux-nez qui vont prétendre réformer tout ce qu’ils n’ont pas réformé en 25 ans et contre le Front National (NDLR rassemblement National) qui est bien sûr l’ennemi fondateur contre lequel on est fondamentalement uni contre la pensée raciste et xénophobe». Se félicite que la jeunesse soit mobilisée pour le climat et pense pourvoir toucher celle de Marseille sur «ces enjeux climatiques, le développement durable au sens large qui a donc des dimensions également sociétales». Après un débat sur les prochaines élections municipales à Marseille des propositions sont formulées, Mad Mars les tire de rendez-vous citoyens avec des centaines de personnes. Ces propositions ne sont pas à prendre ou à laisser mais à compléter par des politiques, des citoyens non encartés qui auraient d’autres idées, pour rénover et fabriquer les contenus politiques d’une campagne en construisant cette alliance un peu inédite entre des vrais collectifs et des politiques. Enfin, Mad Mars veut s’adresser à toutes les Marseillaises et à tous les Marseillais dans leur diversité et si cette diversité est absente de cette soirée de débat, un lien existe avec par exemple le syndicat des quartiers populaires, pour que «Marseille, fragmentée, archipelisée, retrouve de la cohérence et de l’union autour d’un projet au-delà des fractures sociales et économiques de notre Ville.» mathilde_chaboche_sociologue_collectif_mad_mars_7_06_2019.mp3 son_copie_petit-359.jpgJérémie Peltier, directeur des études de la Fondation Jean-Jaurès présente une enquête sur l’abstention à Marseille. Une enquête qui offre des motifs d’espoir sur Marseille. Quand, au niveau national, les premiers mots qui viennent, lorsque l’on demande aux Français ce qu’ils pensent de la politique, sont dégoût, morosité et ennui. A Marseille, lorsque l’on parle des élections municipales, les habitants se disent motivés, parlent pour certains d’espoir d’autres de colère, ce que cet analyste traduit par une population qui est dans une démarche assez active vis à vis des élections municipales et assez offensive. Dans le cadre de l’enquête 15 thématiques poussant à aller voter ont été proposées aux sondés et 3 thèmes ressortent: la lutte contre l’insécurité, le dynamisme économique de la ville pour créer des emplois et le cadre de vie, la transition énergétique et la protection de l’environnement. Ces 3 sujets apparaissent partagés par un Marseillais sur deux qui dit que ce sera l’un de ces 3 thèmes, parfois 2 ou 3 qui vont l’inciter à aller voter. Mais les 50% restant sont fragmentés à travers nombre de sujets, traduction de la fragmentation de cette ville. On trouve ainsi 8% pour la lutte contre les inégalités sociales et territoriales, 8% pour le changement du personnel politique, 7% pour la lutte contre la corruption, «ces 8,9 sujets vont rendre difficile la création d’un discours un peu commun pour tout candidat qui va vouloir gagner cette ville». Les résultats de cette étude n’ont pas manqué de provoquer des critiques. Jérémie Peltier répond :«Il faut toujours regarder les sondages avec quelque réserve parce que ce n’est pas la vérité « vraie » mais, les regarder parce que cela donne quand même un certain nombre d’éléments importants et notamment un dont on a beaucoup parlé ce soir: la sécurité. Je crois que ne pas entendre que c’est un sujet important pour les Marseillaises et les Marseillais serait une erreur à la fois politique et stratégique». jeremie_peltier_dir_etudes_fondation_jean_jaures_7_06_2019.mp3 son_copie_petit-359.jpgJoël Gombin, politologue, spécialiste des élections et du Front/Rassemblement national revient sur les résultats de 2014, où Jean-Claude Gaudin a gagné la Mairie avec environ 100 000 électeurs, «les destinées de la Ville sont à la merci d’un faible nombre d’électeurs», assène-t-il mais parle aujourd’hui, d’une conjoncture différente de 2014: «L’équipe sortante est en fin de parcours, Jean-Claude Gaudin a priori ne sera pas candidat à sa succession et donc les cartes sont un petit peu rebattues dans un contexte par ailleurs national de réorganisation de la vie politique. Il est possible qu’une partie de l’électorat se dise que cette fois-ci quelque chose se joue et que la participation soit plutôt plus élevée qu’elle ne l’a été dans le passé» Il évoque également les non-inscrits. Le chiffre national est de 13%. «A Marseille on est sans aucun doute au-dessus, compte tenu de l’état sociologique de la ville. On sait que cette non-inscription touche de manière prioritaire les gens les plus pauvres, les plus précaires, les moins diplômés, les plus éloignés de l’emploi», indique-t-il. Il plaide en faveur d’une union très large à gauche face à un Rassemblement national «en situation de force». Selon lui, la division des forces de gauche «marquerait sans aucun doute la défaite de ce camp».«Il est clair et on le voit, scrutin après scrutin, poursuit-il, que le Rassemblement national est extrêmement puissant à Marseille. A minima il peut jouer un rôle de trouble fête, dans les élections municipales, en rendant peut-être la ville ingouvernable et a maxima, peut-être prendre la tête des destinées de la Ville». joel_gombin_politologue_mad_mars_7_06_2019.mp3 son_copie_petit-359.jpgMichel Peraldi, sociologue déclare être là parce qu’on le lui a demandé et plus sérieusement, pour avoir «une chance de voir se passer des choses». Il évoque le sondage considérant que «faire un sondage» c’est «un peu prendre des éléphants avec des baguettes, c’est un instrument extrêmement simpliste pour des sujets qui sont éminemment complexes». Indique que «l’abstention, c’est une caractéristique de Marseille et de toutes les villes et régions pauvres. Plus on est pauvre et moins on vote, on le sait». Prévient: «Avant, on croyait, quand on était à gauche, que l’abstention favorisait le Front National, aujourd’hui ce n’est plus vrai du tout. Il peut faire de très bons scores même quand il y a peu d’abstentions. Donc, cette logique un peu sournoise qui consiste à dire moins il y a d’abstentions, plus il y a de la gauche, c’est faux aujourd’hui». Mad Mars veut s’appuyer sur les collectifs, celui du 5 Novembre, de la Plaine. Michel Péraldi les décrit d’abord comme faisant de la politique. «Pour l’instant, ils sont dans une position politique qui consiste à refuser la politique, c’est une position politique. Quand on dit : « je ne veux pas être dans la politique institutionnelle », c’est une manière de faire de la politique, une espèce d’anarcho-syndicalisme qu’on connaît par cœur et que moi je trouve plutôt sympathique. Mais, le problème est de mobiliser ces 25-35 ans qui sont déjà dans les collectifs». Comme le sociologue n’a pas de solution à «cette situation complètement inédite», il se met «presque à plaindre les hommes et les femmes politiques qui vont avoir à ramer pour ramener tous ces jeunes-là parce que s’ils font ce qu’ils font c’est parce qu’ils sont contre la politique». Pour lui, si on en reste aux mathématiques le Rassemblement national peut gagner, dans quatre secteurs parce qu’il est le premier parti en nombre de voix exprimées, 30%. «Si on reste sur les bases des Européennes avec 4 secteurs dans leur poche le Rassemblement national peut être incontournable du point de vue des arrangements électoraux, ça veut dire en clair que la ville sera gouvernée par le Rassemblement national. On est dans la même situation que, dans les années 90, quand Gaudin a été obligé à la Région de faire alliance avec le Front National…». Interrogé sur la suite possible de ce débat, il décrit: «J’ai l’impression que l’on est dans une situation un peu comme quand il y a un départ d’une course de chevaux, on a tous les chevaux qui se préparent, qui font un petit tour, qui frétillent un peu du derrière, qui se montrent et, à un moment, quelqu’un va siffler et ils vont partir dans starting-blocks et là, tout le monde ne va pas pouvoir entrer parce que il n’y en a pas assez de place pour tous les chevaux». michel_peraldi_sociologue_mad_mars_7_06_2019.mp3 Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTO

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