Marseille. A voir « Névrotik hôtel » à La Criée : Michel Fau dans la peau d’une Margaret « Castafiore » qui se verrait bien en Marguerite Duras

Publié le 25 janvier 2019 à  8h53 - Dernière mise à  jour le 28 octobre 2022 à  20h44

Michel Fau & Antoine Kahan dans
Michel Fau & Antoine Kahan dans
«Non pas le Mont-Blanc», s’écrie Margaret en apercevant l’illustration encadrée du célèbre massif placée au-dessus de son lit au moment où elle rentre dans la chambre, ou plutôt le loft qu’elle occupe dans cet hôtel grand luxe situé sur la côte normande. Ses raisons, nous les découvrirons plus tard, alors que se dessine devant nous le portrait d’une femme seule, terriblement seule, qui cache derrière ses caprices de star de profondes blessures et un lourd chagrin. Sonnant le groom pour faire décrocher le tableau maudit, elle s’éprend de lui au premier regard et lui propose de l’embaucher à son service et lui faire réaliser des actions tout à fait inattendues, participant de scénarios qu’elle a concoctés. Inventant pour lui et avec lui un théâtre de chambre durant lequel notre jeune homme qui possède un casier pas vraiment vierge, devra incarner différents personnages à sa solde, moyennant une forte rémunération pour jouer chaque jour avec elle, dans sa chambre bonbonnière, des scènes de chansons réalistes. D’abord réticent le groom qui la surnomme «Lady Margarine», afin de répondre à ses propres quolibets va se fondre dans l’univers de cette Margaret «Castafiore» qui se rêverait bien en Marguerite Duras, et entamer auprès d’elle une danse burlesque, autant qu’émouvante. Le tout dans un décor rose bonbon kitsch comme c’est pas possible !

Des chansons volontairement dignes des mauvaises comédies musicales

Si on y regarde attentivement cette comédie musicale est un moment hilarant teinté de gravité. Détournant les codes du genre, il fracasse les instants dramatiques de l’écriture d’un texte subtil signé Christian Siméon (l’auteur de l’étonnant «Cabaret des hommes perdus» ou de «Hyènes» déjà créé par Michel Fau) pour plonger le spectateur dans le burlesque. Dès que l’on se trouve dans l’émotion suscitée par le récit de cette femme abandonnée de tous, et trahie, tout de suite après surgissent un mot drôle, une boutade qui brisent l’ambiance parfois glauque de la vie de son héroïne. Avec au passage des pensées exprimées à voix haute telles que : «Quand le cœur écoute, c’est toujours le cœur qui répond», ou «se taire est le meilleur usage de la faculté de parler». «Névrotik hôtel» mêle astucieusement drame évité et comédie réussie. On y entend 15 chansons assez caricaturales limite niaises mais c’est tant mieux ! pour la plupart inédites car refusées par les interprètes à qui elles étaient destinées), signées surtout par Michel Rivgauche -qui écrivit pour Piaf, Dalida, Nana Mouskouri-, mais aussi Julie Daroy, Pascal Bonafoux, Jean-François Deniau, -le politicien disparu qui donna des textes à Maxime Le Forestier-, Christian Siméon, Hélène Vacaresco, Claude Delecluse et Michelle Senlis, des proches de Jean Ferrat. Des chansons habillées par les musiques de Jean-Pierre Stora, tandis que pour l’accompagnement musical on a fait appel à Mathieu El Fassi (piano), Laurent Derache (accordéon), et Lionel Allemand (violoncelle). Le résultat est détonant. Sur scène Michel Fau dans la peau de la diva est phénoménal, émouvant. Il envoûte et enchante, aidé en cela par Antoine Kahan, le groom comédien chanteur, danseur. Signant aussi la mise en scène Michel Fau fait rire dans ses interprétations où ses intonations féminines déjantées et sa voix qui déraille contribuent à rendre le spectacle plus délirant encore. A voir absolument…
Jean-Rémi BARLAND
A La Criée de Marseille jusqu’au 26 janvier à 20 heures. Réservations au 04 91 54 70 54. plus d’info: theatre-lacriee.com

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