Marseille- Cérémonies commémoratives des rafles des vieux quartiers et de l’Opéra: « C’est le problème du Mal qui est posé »

Publié le 27 janvier 2020 à  10h12 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h45

«La mémoire est une activité collective qui plonge ses racines dans la longue durée. Les événements que nous commémorons aujourd’hui, sur la trame d’une barbarie dans ce qu’elle a de plus ignoble, de plus abject, ont eu lieu il y a 77 ans, dans ce quartier de l’Opéra et sur l’autre rive du Vieux-Port», rappelle Bruno Benjamin, le président du Crif Marseille-Provence à l’occasion de la cérémonie en mémoire des rafles des vieux quartiers et de l’Opéra devant un public venu en nombre.

Commémorations devant le monument de la Déportation place du 23-Janvier-1943 Fortuné-Sportiello (Photo Robert Poulain)
Commémorations devant le monument de la Déportation place du 23-Janvier-1943 Fortuné-Sportiello (Photo Robert Poulain)
Commémoration des rafles dans le hall de l'Opéra de Marseille (Photo Robert Poulain)
Commémoration des rafles dans le hall de l’Opéra de Marseille (Photo Robert Poulain)
La cérémonie s’est déroulée en deux temps. D’abord à 10 heures devant le monument de la Déportation place du 23-Janvier-1943 Fortuné-Sportiello et, à 11 heures à l’Opéra municipal. Marseille est alors en zone dite libre, l’opération s’est tenue côté français, sous l’autorité René Bousquet, secrétaire général de la police du régime de Vichy, Antoine Lemoine, préfet régional de Marseille, et Maurice de Rodellec du Porzic, Intendant de police de Marseille. «Les rafles des 22 et 23 janvier 1943 illustrent, de manière avérée, indiscutable, la logique de la collaboration de l’État français, établi à Vichy, avec le régime nazi», souligne Bruno Benjamin avant de préciser: «Pendant ces deux jours et tout au long des semaines qui suivirent, plus de 4 000 personnes furent arrêtées dans ce secteur du centre-ville. Parmi eux, 782 de nos frères et sœurs furent parqués dans la prison des Baumettes, puis envoyés vers Compiègne pour achever ce parcours de la mort dans les camps d’extermination de Sobibor». Et d’insister sur l’importance des commémorations: «Si nous tenons à ce que de telles cérémonies aient lieu chaque année, c’est d’abord pour évoquer l’ampleur et la gravité des décisions prises à l’époque et qu’il est indispensable de méditer». D’autant, insiste-t-il que: «hier comme aujourd’hui, c’est tout le problème du Mal qui est posé. Il s’impose à chacun d’entre nous, au nom de toutes les victimes innocentes, pourchassées à cause de leur origine, épuration raciale minutieusement organisée, et conforme aux souhaits de Hitler avec ses outrances, ses vilenies, son inhumanité».

«La noblesse de l’Homme commence au moment où il perçoit de funestes dangers»

Pour Bruno Benjamin: «la noblesse de l’Homme commence au moment où il perçoit de funestes dangers. Car il s’agit de situer le Mal, le Mal qui a le visage de l’antisémitisme, de le définir, de le démasquer sans jouer sur les mots. Il s’agit surtout de le regarder en face et de lui donner son nom en lui signifiant qu’il n’a pas sa place dans une société fondée sur les valeurs de la République». Un antisémitisme qui n’appartient pas au passé. «Le phénomène est récurrent en dépit des appels à la vigilance, des mises en garde régulièrement réitérées. Il nous appartient de rappeler que la haine du Juif et, à travers elle, la détestation d’Israël et tous les clichés qui leur sont accolés, transcendent les âges, puisqu’ils imprègnent encore les esprits faibles, malléables ou médiocres, quand ils ne les conduisent pas à des meurtres aussi révoltants, aussi injustes que celui de Sarah Halimi». Et de dénoncer les propos qui peuvent se tenir sur les réseaux sociaux: «La Toile est devenue un exutoire où se dévident de vils instincts. Les dérapages et autres déviances sont pour le moins inquiétants». Alors, pour Bruno Benjamin: «Le moment est venu d’apporter une pierre appréciable à la barrière que nous devons ériger, tous ensemble, contre la résurgence du racisme, de l’antisémitisme et de la xénophobie». Avant lui, Lionel Stora, président du Fonds Social Juif Unifié avait pris la parole pour insister également sur le devoir de mémoire, pour inviter à lutter: «car les rescapés nous enseignent que l’on ne doit pas vivre en désespoir mais qu’il faut vivre avec son temps». Albert Barbouth met en exergue pour sa part le fait que ce furent pas moins de 12 000 policiers, gendarmes, gendarmes mobiles français, venus de la France entière, qui ont pris part aux rafles marseillaises. Il évoque les quelques survivants des Camps de la Mort qui, à leur retour, ont voulu parler: «Personne ne les a écoutés. Ce n’est que bien des années plus tard, avec la montée du négationnisme, qu’ils ont enfin pu se faire entendre». Appelle, à son tour, à lutter, contre tous les extrémismes. Michel Cohen Tenoudji cite « Le Petit Marseillais » qui écrivait après les rafles: «Les opérations ont été menées excellemment par la police française sans aucun incident»… «Aucun incident, ajoute-il, les 1 642 personnes déportées dont 782 Juifs». Il revient sur les anniversaires des rafles, de la libération d’Auschwitz: «Des anniversaires, mais le paradoxe veut que l’antisémitisme soit toujours d’actualité». Et de citer une enquête selon laquelle «2/3 des Juifs de France ont subi un acte antisémite et 1/3 disent se sentir menacés».
Michel CAIRE
Ce lundi 27 janvier est célébrée la Journée internationale des victimes de l’Holocauste. Le 2 février, un hommage sera rendu à Albert Veissid, rescapé d’Auschwitz disparu à 94 ans au mois de septembre 2019, à la synagogue d’Allauch.

Diaporama Robert Poulain

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