Marseille. Chambre régionale des comptes Paca: La position du président Nacer Meddah face au « CRC Bashing »

Publié le 29 novembre 2019 à  9h05 - Dernière mise à  jour le 29 octobre 2022 à  13h27

La Chambre régionale des comptes n’aura pas laissé le temps s’éterniser avant de répondre aux allégations de la majorité marseillaise. Deux jours après le dernier conseil municipal, lors duquel un Jean-Claude Gaudin très remonté a évoqué «manquements à la déontologie, erreurs d’appréciation et manque d’équilibre et d’équité dans les jugements» de la part de l’organe de contrôle, le président de la CRC, Nacer Meddah, a convoqué la presse pour rétablir la vérité.

Nacer Meddah, le président de la CRC Paca entouré des magistrats qui ont contribué à l'élaboration des deux rapports sur Marseille (Photo Mireille Bianciotto)
Nacer Meddah, le président de la CRC Paca entouré des magistrats qui ont contribué à l’élaboration des deux rapports sur Marseille (Photo Mireille Bianciotto)
Non, contrairement à ce que déclare l’équipe en place à la ville de Marseille, la Chambre régionale des comptes, avec «un contrôle ouvert depuis deux ans et demi», n’a pas travaillé dans la précipitation. Bien au contraire… C’était pour rétablir les faits, et donc, répondre à ses détracteurs, parmi lesquels un Jean-Claude Gaudin très remonté, que Nacer Meddah, président de la Chambre régionale des comptes Paca, a convoqué la presse. Une réponse du berger à la bergère qui ne s’est pas fait attendre, puisqu’elle est intervenue deux jours seulement après la tenue du dernier conseil municipal de l’année. Pas du tout pour se justifier, ce qui laisserait penser que la CRC a quelque chose à se reprocher, pas davantage pour adopter une position de défense, mais surtout, pour répondre en opposant seulement les faits. Une méthode. «Nous avons travaillé comme nous travaillons toujours de manière très approfondie sur la base de l’objectivité, sur la base d’un travail argumenté, étayé, en étant le plus impartial possible avec des équipes chevronnées. Deux équipes ont travaillé sur Marseille. C’est pour ça qu’il y a deux rapports, un sur la partie financière et la gestion patrimoniale et l’autre sur les ressources humaines», développe Nacer Meddah. Il fallait ça visiblement pour rendre compte de la complexité de la gestion marseillaise…

Un effet atone de la métropolisation sur la masse salariale

Deux équipes donc, une phase de contrôle plus longue qu’habituellement, puisqu’en principe, 18 mois suffisent à l’affaire… mais aux dires du président, l’étude de la gestion à la marseillaise le nécessitait. «Nous nous sommes rendus compte que le volet des ressources humaines et le volet patrimonial méritaient d’être encore plus approfondis, qu’une seule équipe ne suffirait pas». Les moyens ont donc été renforcés. La question des ressources humaines, spécifiquement, méritait un traitement spécial. «Nous avions du mal à comprendre comment cette masse salariale n’arrivait pas à décroître alors que dans le même temps il y avait une métropolisation. C’est à dire des transferts de compétence de la Ville vers la Métropole», évoque Nacer Meddah, précisant par ailleurs que les ressources humaines dans la cité phocéenne, c’est «60% des dépenses de fonctionnement, avec en plus, une augmentation sensible durant la période sur laquelle nous avons effectué notre contrôle, de 2012 à 2017». Sans oublier la partie patrimoniale, tenant aussi une place importante dans le rapport, «parce que la valorisation patrimoniale permet de dégager des ressources supplémentaires qui visent aussi à redresser une situation financière dégradée».

«Les magistrats n’étaient pas hors sol»

Ce qui a surtout poussé le président de la CRC à réagir et qu’il juge inacceptable, ce sont les allégations «outrageantes à l’égard des magistrats» ayant accompli ce travail. «Je ne peux que m’insurger sur le fait que l’on puisse remettre en cause la déontologie des membres de la Chambre qui ont prêté serment, qui ont fait un travail de grande qualité». Bien sûr, dit-il, on peut ne pas être d’accord sur le fond de certaines conclusions. Et d’ailleurs, libre à la collectivité contrôlée de le signifier déjà en amont. «Ce travail connaît une phase de contradiction très longue, très importante avec ceux qui ont été contrôlés, que ce soit la ville ou d’autres tiers concernés. Ils ont tout le loisir durant ces phases d’apporter leurs réponses au rapport provisoire que dans un premier temps nous leur avons adressé. Et ensuite même entre deux rapports définitifs, d’apporter des réponses, voire d’être auditionnés pour ceux qui le souhaitaient. On a même accordé à la demande du maire un délai supplémentaire !» Encore une preuve, loin s’en faut, que les choses n’ont pas été faites dans la précipitation… Quant à l’autre allégation relative au timing, selon laquelle la Chambre aurait fait la lumière sur ce rapport juste avant les élections, Nacer Meddah la balaie là encore d’un revers de main: «C’est le contraire, cela fait deux ans et demi que l’on travaille ! Si le travail une fois abouti à la fin du mois d’août, j’avais décidé de ne pas notifier les 2 rapports et d’attendre la fin des élections municipales, j’aurais failli à mes devoirs. Et s’étonner qu’on travaille en été, cela me surprend ! Oui, on travaille en été ! Une fois que le travail est abouti on ne va pas le mettre sous le coude pendant 6 mois !» Toujours sur la forme, il revient par ailleurs sur un autre coup porté, cette fois par Yves Moraine, sur le chapitre des écoles. Puisque ce dernier, là encore lors du conseil municipal, avait accusé les magistrats de la CRC de fonder leur rapport uniquement sur la foi d’articles de presse. Bien au contraire, rebondit Nacer Meddah, «ils ont bien été sur place, ils n’étaient pas hors sol, il y a eu des déplacements dans chaque école». Et puis, dans la collégialité, explique-t-il, «il y a la partie ministère public qui veille et qui s’assure aussi que le travail a été conduit de la manière la plus professionnelle qui soit pour sécuriser les procédures et s’assurer que tout les arguments avancés sont étayés». Bref, tout est verrouillé.

Quelles suites ?

Par ailleurs, ce qui préoccupe le président, c’est que des recommandations de gestion avaient déjà été émises lors de précédents rapports. Or elles n’ont pas été suivies… Qu’en sera-t-il des quelque 28 qui composent la mouture rendue récemment publique ? A savoir que si la CRC n’a pas pouvoir de sanction direct, ses rapports ne restent pas pour autant sans effet, aujourd’hui. «Il y a en effet un nouveau dispositif qui m’amène chaque année à participer à la conférence territoriale de l’action publique. Et je rends compte du suivi des observations, des recommandations qui ont été formulées les années précédentes. Dans ce cadre-là, je serai amené à regarder et à rendre compte de la mise en œuvre de nos 28 recommandations et des nombreuses observations que nous avons été amenés à formuler». En fonction de la décision de la collégialité, de nouveaux contrôles pourraient être fixés, ce «sous des approches plus thématiques». Ainsi, pour rester sur le registre du fonctionnement des juridictions financières, rien ne servira donc, comme envisageait de le faire Jean-Claude Gaudin, de saisir Didier Migaud, le président de la Cour des comptes. «La cour de discipline budgétaire et financière, la Cour des Comptes et chacune des chambres territoriales des comptes sont indépendantes ! C’est à dire que tous nos travaux, de la programmation jusqu’à la production finale, nous les réalisons en totale indépendance. Il n’y a pas d’autorité hiérarchique pour nous obliger sur la manière de travailler». Bref, affaire à suivre. Nacer Meddah y veillera, sur la foi de ce nouveau dispositif, notamment… Et ce, non pas pour alimenter la polémique, mais pour faire transparence. Les Marseillais le valent bien. «Nous sommes les premiers à dire dans le rapport que la ville est confrontée à des situations structurelles sociologiques de première importance. La misère est de la partie, donc ce n’est pas facile pour une ville de cette importance de pouvoir y faire face. Mais c’est une raison supplémentaire, cette misère, elle oblige à ce qu’on soit le plus économe possible et qu’on gère au mieux l’argent dont on dispose pour répondre à ces exigences». Carole PAYRAU |son_copie_petit-402.jpgEntretien avec Nacer Meddah, président de la Chambre régionale des comptes Paca nacer_meddah_27_11_2019.mp3Propos recueillis par Mireille BIANCIOTTO |

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