Marseille: Mort annoncée du SPES acteur associatif majeur de la solidarité

Publié le 16 novembre 2014 à  22h30 - Dernière mise à  jour le 27 octobre 2022 à  18h25

On ne peut que s’interroger tant la situation dans laquelle se retrouve le Service provençal d’encouragement et de soutien (Spes) est impensable. L’association est menacée de fermeture en raison de contraintes budgétaires imposées par l’État. De fait 7 000 personnes justiciables et en grande précarité, annuellement accueillies, sont menacées de se retrouver à la rue et une soixantaine de salariés va grossir les rangs de Pôle emploi qui lui, ne chôme pas.

Bertrand Guinard administrateur, Véronique Jonca, chef du service Justice, Christine Chambon, présidente du Spes (Photo Philippe Maillé)
Bertrand Guinard administrateur, Véronique Jonca, chef du service Justice, Christine Chambon, présidente du Spes (Photo Philippe Maillé)

Le Spes a été créé en 1968 à l’initiative de magistrats du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Marseille pour venir en soutien du CPAL (Comité de Probation d’Assistance aux Libérés devenu depuis le Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation). «Cette origine explique notre spécificité à aider et prendre en charge une population de justiciables et, de façon plus générale, de personnes en grande précarité sociale», indique Christine Chambon présidente de l’association depuis 34 ans. Et de revenir sur la genèse qui dévoile le chaos actuel: «En raison de contraintes budgétaires imposées par l’État, les services de justices qui facturent à l’acte ont réduit les demandes. Puis, les dotations de l’État ont été revues à la baisse. Jusqu’en 2013, l’État reprenait les déficits mais avec 2 ans ou 3 ans de décalage. Nous avons pu tenir grâce à nos fonds propres. Aujourd’hui le Spes n’a plus de fonds propres.»
Il faut rappeler que le SPES est aujourd’hui une des deux structures à Marseille (avec l’Armée du Salut) en mesure d’héberger et de soutenir des personnes très précarisés ayant souvent un passé judiciaire lourd « et malheureusement susceptibles de récidiver ». Et, l’association est également la seule structure accueillant, dans un cadre contenant, des toutes jeunes femmes en rupture familiale et donc « potentiellement la proie de tous les dangers».

on ne reçoit pas des jeunes filles qui préparent sciences Po, c’est une association qui a une convention pénitentiaire

Et comme une mauvaise nouvelle n’arrive jamais seule, l’estocade a été portée par le préfet de région Michel Cadot. Christine Chambon d’expliquer: «Nous estimons que nos moyens humains sont en adéquation et au minimum requis pour pouvoir mener une action d’insertion auprès de ces publics en très grande difficulté. Notre coût à la place se situe aux alentours de 23 000 euros. Le préfet de région a trouvé ce montant trop élevé et nous a intimé une moyenne entre le CHRS (Centre d’hébergement et de réinsertion sociale) dont le tarif oscille entre 11000 à 12 000€ la place et celui du Spes, de fait la place devrait se situer autour de 15 560 euros. Alors qu’à Paris, en Basse Normandie… elle est de 20 000 euros. Donc Marseille obtiendrait un tarif plus bas que la moyenne nationale ! Une disparité à la place.» Et de lancer, irritée : «Nous, on ne reçoit pas des jeunes filles qui préparent sciences Po, c’est une association qui a une convention pénitentiaire. Nous, nous redonnons du lien social.»
Début juillet l’association a donc été déclarée en cessation de paiement et la Direction départementale de la cohésion sociale a diligenté un audit qui, sans critiquer la gestion, a préconisé un train de licenciements afin de faire baisser la masse salariale. «Toutefois ce même audit indique que, au regard de la population qui nous est confiée, sa prise en charge et son accompagnement ne peuvent être effectués en dessous de 20 000 euros alloués à la place», précise la présidente. Et de souligner à propos de la restructuration préconisée : « Qui dit restructuration, dit licenciements et il faut payer et nous n’en avons pas les moyens. On est dans l’impasse, on ne peut plus fonctionner. On a même supprimé les repas du midi et j’ai honte.»

«Si jamais on explose en plein vol, le TGI va arrêter les comparutions immédiates, les enquêtes rapides obligatoires et si importantes»

Il a été accordé au SPES une période d’observation jusqu’à la fin de l’année et maître Douhaire, administrateur judiciaire, a lancé, le 24 octobre, un appel d’offres de reprise qui s’est clôturé le 10 novembre et dont les conclusions seront présentées au TGI de Marseille le 12 décembre.
Christine Chambon de s’inquiéter : «Tous nos potentiels repreneurs se retirent, nous avons l’appui du groupe SOS, mais la prise en charge de la population qui nous est confiée est trop lourde au tarif que la tutelle propose. On a quelques repreneurs pour le foyer de jeunes femmes mais celui d’Athènes est trop lourd». Et de prévenir : «Si jamais on explose en plein vol, le TGI va arrêter les comparutions immédiates, les enquêtes rapides obligatoires et si importantes. Il y aura des dommages collatéraux. Qui va récupérer toutes ces personnes ? L’Armée du salut ? Mais, on a 4 personnes avec des bracelets électroniques et il y a un suivi nécessaire.»
Et la présidente de fustiger: « Une société qui n’est plus capable de protéger les personnes les plus fragilisées est une société décadente. Notre association est un sas, une soupape qui empêche la récidive. Un outil magnifique, une plateforme technique qui répond à des besoins et des exigences. Nous pensons que le SPES qui mène depuis 45 ans une action d’utilité publique que chacun reconnait efficace et nécessaire, doit avoir les moyens de continuer à jouer son rôle indispensable dans la cité ». Un appel est lancé pour sauver le Spes et que l’indifférence des tutelles ne s’inscrive pas dans la durée.
Patricia MAILLE-CAIRE

Question écrite de Jean-Noël Guérini à la ministre de la Justice Christiane Taubira

Le sénateur des Bouches-du-Rhône, président du Conseil général, Jean-Noël Guérini a adressé une question écrite en appelant l’attention de Christiane Taubira, ministre de la Justice, « sur les graves menaces qui pèsent sur le Service provençal d’encouragement et de soutien (Spes). Cette association, créée en 1968, emploie 63 personnes et vient en aide aux sortants de prison, notamment dans les procédures d’accès à l’emploi, l’hébergement, la santé, ou la demande de minima sociaux. Elle gère aussi deux centres d’hébergement et d’insertion dans le centre-ville de Marseille : l’un prend en charge des jeunes filles isolées, dont certaines ont été maltraitées ou sortent de prostitution ; l’autre accueille des hommes isolés, 40% étant des sortants de prison sans adresse fixe, mais en aménagement de peine (sous bracelet ou en placement extérieur). Le Spes rencontre et aide ainsi plus de 7000 personnes par an, selon son dernier rapport de diagnostic en septembre 2014. Huit de ses agents sont également délégataires de missions de service public sur les contrôles judiciaires ou la réalisation d’enquêtes sociales en vue de comparutions immédiates. Or l’association est en redressement judiciaire, ce qui signifie qu’en cas de liquidation, non seulement 63 salariés perdraient leur emploi, mais tous les hébergés se retrouveraient à la rue, alors qu’il s’agit de publics particulièrement fragiles et démunis». En conséquence Jean-Noël Guérini lui demande «quelles aides elle compte apporter, de manière urgente, afin que l’association Spes qui effectue un inlassable et indispensable travail de terrain continue à mériter son beau nom latin d’espoir?».

Les missions du Spes

Le secteur justice
Actions au sein du Tribunal de Grande instance de Marseille
Le service La justice est constituée de 9 salariés et d’un bénévole qui effectuent les missions suivantes
-Enquêtes sociales rapides exécutées à la demande du parquet, ayant pour but d’éclairer les magistrats sur la situation des prévenus déférés après la fin de leur garde à vue.
-Contrôles judiciaires socio-éducatifs en procédures courtes : comparution immédiate et convocation par Procès-Verbal
-Contrôles judiciaires socio-éducatifs en procédures longues à la demande du juge d’instruction ou du juge des enfants.
-Enquêtes de personnalités effectuées sur des personnes mise en examen ou victime.
-Prise en charge d’auteurs de violences intra-familiales déférés par le Parquet et placés en contrôle judiciaire socio-éducatif.
-Module d’accompagnement spécifique pour les jeunes de 18 à 25 ans, interpellés pour conduite sans permis.
Le travail des salariés du SPES consiste en un accompagnement social, dans un cadre strict après un rappel à la loi et la prise en compte des victimes.
Le financement du service justice est assuré par un paiement à l’acte facturé au ministère de la Justice.

Point d’accès au droit : une action auprès des détenus

Le point d’accès au droit est un service d’information permettant de répondre aux problèmes juridiques formulés par les détenus. Les questions abordées ne concernent pas le motif de l’incarcération mais des problèmes d’ordre familial, personnel (logement, emploi, droits civiques…)
Créé en 2005, aujourd’hui 3 juristes interviennent à la Maison d’arrêt des Baumettes et les Centres de détention de Salon, Tarascon, Luynes et à la centrale d’Arles.
Les juristes du SPES reçoivent plus 3 100 personnes en entretien.
Le financement de ce service est assuré sous forme de subvention annuelle.

Le secteur hébergement

Il regroupe deux centres d’Hébergement et de réinsertion sociale situés dans le centre-ville de Marseille accueillant l’un des hommes et l’autre de très jeunes femmes. Les personnes hébergées dans ces deux structures sont orientés par les services intégrés d’accueil et d’orientation (SIAO) ou par le 115

Le centre d’hébergement Athènes : 35 places pour hommes majeurs

Le centre d’hébergement Athènes accueille 35 hommes de 25 à 55 ans (Photo Philippe Maillé)
Le centre d’hébergement Athènes accueille 35 hommes de 25 à 55 ans (Photo Philippe Maillé)
Salle d'accueil au sein du Centre d'hébergement Athènes (Photo Philippe Maillé)
Salle d’accueil au sein du Centre d’hébergement Athènes (Photo Philippe Maillé)

Ouvert en 1981, boulevard d’Athènes, il accueille 35 hommes majeurs en situation de très grande exclusion. Il s’agit d’hommes sortant le plus souvent de détention, présentant des troubles psychiatriques ou des addictions nécessitant un encadrement socio-éducatif personnalisé et médical fort. Ils sont pris en charge dans l’espoir d’une insertion.
L’équipe éducative est dirigée par un chef de service qui coordonne l’ensemble des intervenants présent par roulement 365 jours/ an.
Le Spes est la seule association à Marseille ayant signé une convention avec le SPIP (Service pénitentiaire d’insertion et de probation) afin d’accueillir des personnes bénéficiant d’un aménagement de peine, notamment en placement extérieur et sous bracelet électronique. Un des éducateurs spécialisés se rend en détention dans le cadre de la préparation à la sortie dans le cadre d’un protocole entre l’administration pénitentiaire et le SPES.
Une place de travail d’Intérêt général permet l’accueil régulier de personnes bénéficiant de cette mesure.
Le centre d’Hébergement accueille aussi des personnes envoyées par le Service justice du SPES
L’association bénéficie d’une dotation globale de financement versée par la Direction départementale de la cohésion sociale.

Le CHRS Claire Joie : 20 places pour jeunes femmes de 18 à 25 ans
Il s’agit d’une structure collective de 20 places sise rue Breteuil dont le SPES a la charge depuis juillet 2005.
Ce centre héberge exclusivement des jeunes femmes de 18 à 25 ans en très grande précarité, issue de la rue, le plus souvent victimes de maltraitance ou connaissant des problèmes de prostitution. Elles y bénéficient d’un environnement calme et sécurisant propre à favoriser la reconstruction personnelle et insertion sociale.
Une place est réservée à la sortie d’esclavage pour des jeunes femmes est confiée au Spes de toute la France afin de les éloigner de leurs tortionnaires.
Un chef de service coordonne l’action de l’équipe éducative qui consiste essentiellement à recréer du lien social.
Une place de travail d’intérêt général permet l’accueil régulier de personnes bénéficiant de cette mesure.

Le service de soutien aux bénéficiaires de RSA

Le Spes s’est également inscrit dans un dispositif de droit œuvrant à l’insertion des plus fragilisés en matière d’emploi
Depuis novembre 2006, dans le cadre d’une convention avec le Conseil général, l’association accueille, informe et oriente des bénéficiaires du RSA envoyés par le pôle insertion afin de développer avec eux un projet qui sera formalisé par un contrat d’insertion. Le Spes assure le suivi de la contractualisation
La file active confiée est de 450 personnes.
Cette action, renouvelable annuellement est financée par le Conseil général des Bouches-du-Rhône sur présentation de bilan réguliers.

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